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Camus, le coronavirus et nous (par Mona)

Ecrit par Mona , le Vendredi, 01 Mai 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

La bourse ou la vie ? Choix tragique pour nos gouvernants : sacrifier l’économie pour sauver des vies humaines. Le chef de l’état avait pressenti le retour du tragique en confiant à la revue NRF en 2018 : « l’histoire que nous vivons en Europe redevient tragique ».

La tragédie du coronavirus a commencé avec le refus des autorités chinoises de reconnaître clairement le mal. L’épisode du docteur Li Wenliang, l’homme qui dit la vérité et risque sa vie, donne à cette tragédie une dimension camusienne : « ce qu’il fallait faire, c’était de reconnaître clairement ce qui devait être reconnu et prendre les mesures qui convenaient », disait le narrateur de La Peste. Honte à la Chine donc.

Le Consentement, Vanessa Springora (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Grasset

Le Consentement, Vanessa Springora, janvier 2020, 206 pages, 18 € Edition: Grasset

Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait un livre.

Le « séduisant G », écrivain presque quinquagénaire, est addict (« une forme d’addiction incontrôlable ») aux moins de seize ans, et la jeune fille de 14 ans en mal d’amour a une « soif de junkie qui ne regarde pas à la qualité du produit ». L’histoire de Vanessa Springora peut commencer, « les conditions sont maintenant réunies ». Le début ressemble à une histoire romanesque à souhait : cour assidue, échanges épistolaires sous le signe des liaisons dangereuses, un amant prêt à attendre un an avant de jouir de sa « belle écolière » (« J’ai rencontré G à l’âge de treize ans. Nous sommes devenus amants quand j’en ai eu quatorze »), la présence d’un corbeau. Mais c’est le récit de l’emprise d’un pervers narcissique sur une gamine perdue (« la paumée ») qui nous est contée. Le prologue loue la visée édificatrice des contes de fées : « les contes pour enfants sont source de sagesse… Autant d’avertissements que toute jeune personne ferait bien de suivre à la lettre ». Si, jeune fille, elle a cru à un conte de fées, elle apprend bien vite à ses dépens que « cet homme n’était pas bon. Il était bien ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance : un ogre… Le prince charmant a montré son vrai visage ». L’auteure en tire une conclusion générale pour tous les écrivains : « les écrivains sont des gens qui ne gagnent pas toujours à être connus. On aurait tort de croire qu’ils sont comme tout le monde. Ils sont bien pires. Ce sont des vampires ».

Le vent reprend ses tours, Sylvie Germain (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 23 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Roman

Le vent reprend ses tours, 2019 213 pages . Ecrivain(s): Sylvie Germain Edition: Albin Michel

 

Sylvie Germain poursuit avec finesse son œuvre singulière. Son dernier roman met en scène un saltimbanque à demi tzigane, joueur de sons et de mots, compositeur de vers saugrenus qu'il murmure aux oreilles des gens à l'aide d'un de ses instruments à sons, à souffle et à chuintements. Sans doute un hommage aux souffleurs poétiques, un collectif d'artistes-poètes, « commandos poétiques », créé par Olivier Comte en 2001, qui chuchotent à l’oreille des passants des secrets poétiques, philosophiques et littéraires à l'aide de longues cannes creuses.

Le roman conte l'histoire d'une rencontre magique entre un mage loufoque exilé de Roumanie, « formidable conteur », héritier d'un passé tragique, et un garçon solitaire et sensible, porteur d'un chagrin qui lui colle à la peau. C'est l'histoire d'une initiation poétique et d'une rédemption par la poésie. Les années d'enfance deviennent « belles comme on le dit d'échappées, au double sens d'être sauvé de justesse d'un danger, une chute, une agression, et de trouée de lumière dans un ciel ennuagé ».

Un monstre et un chaos, Hubert Haddad (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Zulma

Un monstre et un chaos, août 2019, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Une belle leçon d’humanité

Hubert Haddad nous conte une « histoire pleine de bruit et de fureur », pas juste celle du monde juif mais celle d’une humanité tout entière qui a sombré. Le monstre et le chaos du titre nous plongent dans la transgression des normes humaines, « folle mécanique sans contour », et le un, déterminant indéfini, souligne la valeur générale de cette « monstruosité sans faille bientôt universelle ».

L’auteur joue habilement avec le double registre du réel et du fantastique auquel appartient le monstre. Il ressuscite le shtetl défunt et fait revivre le deuxième plus grand ghetto de Pologne, le ghetto de Lodz appelé Litzmannstadt par les nazis, transformé en énorme centre industriel sous le règne corrompu du « roi Chaim », le doyen Rumkovski. Cet homme au passé humanitaire pourtant irréprochable a prononcé le discours monstrueux « donnez-moi vos enfants », retranscrit par l’auteur. Appel terrifiant à la population juive pour livrer 20.000 enfants aux monstres du Reich dans la folle illusion d’assurer la survie des autres.

Corps Texte : Esthétique de la lecture à voix haute, Caroline Girard, Franck Magloire (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 28 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Corps Texte : Esthétique de la lecture à voix haute, Caroline Girard, Franck Magloire, Editions Le Soupirail, mai 2019, dessins Marion Dussaussois, 117 pages, 18 €

 

La lecture à voix haute, un art de funambule.

Corps Texte offre une esthétique de la lecture à voix haute à travers un dialogue concis mais très dense entre la fondatrice de La Liseuse, Caroline Girard, et l’écrivain Franck Magloire. Avec le premier mot de son titre évocateur, « Corps », on comprend d’emblée que lire à voix haute, c’est d’abord lire avec son corps, un corps-outil qui s’approprie un texte. Le lecteur engage un corps à corps avec la matière du langage. Medium, il se met aux ordres du corps pour être au service du texte, tout le texte, rien que le texte. Il travaille le souffle et le tempo non sans rappeler l’acteur-athlète évoqué par Antonin Artaud. Alors, lire à voix haute, une simple histoire d’organes ? Le propos du livre, clair et limpide, renvoie à de lancinantes questions occidentales sur l’acteur et la littérature. Entre l’école de Stanislavski qui recommande à l’acteur de puiser dans ses propres affects et la distanciation brechtienne qui met les affects entre parenthèses, le choix est clair : « il n’y a ni trace ni place pour l’émotion du lecteur » nous dit Caroline Girard.