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Articles taggés avec: Duttine Charles

La solitude Caravage, Yannick Haenel (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 12 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Folio (Gallimard), Essais

La solitude Caravage, 336 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Yannick Haenel Edition: Folio (Gallimard)

 

Le Caravage ou la dernière des solitudes

Evoquer la figure du peintre Le Caravage revient à se heurter à beaucoup d’inconnues. Cet artiste fut d’ailleurs quasiment oublié pendant de longs siècles. C’est au milieu du XX° que l’historien de l’art Roberto Longhi a exhumé son œuvre et sa mémoire des tombeaux de l’histoire. Et c’est un cadavre auréolé de toute une légende qui va alors resurgir. Déjà, à son époque, on le considérait comme un « extravagant » ainsi que le jugeait l’un de ses mécènes le cardinal Del Monte. Et on ne cesse de le qualifier aujourd’hui comme un artiste maudit à l’instar de Villon, Sade ou Rimbaud, peut-être à tort. Il est vrai que c’est un peintre passionné, c’est le moins que l’on puisse dire, un être fiévreux, ombrageux, à la vie incandescente et au tempérament de flamme. Un esprit transgressif encore, frondeur, bagarreur et qui fut poursuivi dans les dernières années de sa courte vie pour un crime commis au cours d’une rixe. Une sorte de « bad boy » dans le XVI° siècle italien.

Cette maudite race humaine, Mark Twain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 14 Septembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Babel (Actes Sud), Essais, USA

Cette maudite race humaine, mai 2020, trad. anglais (USA) Isis von Plato, Jörn Cambreleng, 80 pages, 5,80 € . Ecrivain(s): Mark Twain Edition: Babel (Actes Sud)

De la virulence dans l’écriture

En abordant un essai polémique, on s’attend à découvrir un opus radical, combatif, parfois violent dans ses propos, ou encore à suivre les sinuosités subtiles de l’ironie, ou bien à rencontrer un auteur qui s’adresse à nous, l’insulte à la bouche, un esprit brillant mais « vachard ». C’est comme si un virus entêté s’était introduit dans la littérature. On est loin d’une littérature tiède, fade et édulcorée, recherchant le consensus mou. Il y a un peu de tout cela en ouvrant le livre de Mark Twain, Cette maudite race humaine. On pense d’ailleurs à la grande tradition des polémistes et on a en tête des noms comme ceux de Bloy, Bernanos, Berl, tous des esprits qui ne s’en laissaient pas conter et aptes aux duels verbaux.

L’ouvrage de Mark Twain est modeste dans sa dimension, une soixantaine de pages, mais son intention est bien explicite, vu le titre ; l’auteur réprouve avec la plus grande force l’espèce humaine. Le livre comporte cinq essais (écrits à la fin de sa vie mais publiés d’une manière posthume) dont deux sont particulièrement intéressants, celui qui ouvre le recueil et celui qui le referme : Le monde a-t-il été fait pour l’homme ?, et L’animal inférieur.

Erdgeist, Patrick Bogner (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 18 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, L'Atelier Contemporain

Erdgeist, Patrick Bogner, juillet 2020, 144 pages, 35 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

La beauté silencieuse des terres septentrionales

Ouvrir le livre du photographe Patrick Bogner, c’est découvrir des clichés de terres inhospitalières et austères, des photographies en noir et blanc de paysages âpres, durs et quasi désertiques. Ces photographies ont été prises près du cercle arctique, dans les Orcades, les Féroé, ou encore en Islande, Ecosse et Norvège, toutes présentées sans légende, sauf leurs coordonnées de latitude et de longitude. Les scènes y sont immanquablement hivernales. C’est un univers minéral et sévère que l’on découvre, invitant à une sorte d’ascèse du regard.

L’ouvrage est intitulé Erdgeist, l’esprit de la terre, en référence au premier Faust de Goethe. Patrick Bogner s’inscrit d’ailleurs dans la plus pure tradition romantique, notamment celle du « Sturm und Drang » ou encore des tableaux de Caspar David Friedrich, à la recherche d’une proximité avec une nature sauvage et primitive, celle où le « sublime » transparaît. Le sublime, ce sentiment esthétique bien codé, né avec le romantisme et qui relève de la contemplation de la laideur, du terrible ou encore de l’horreur.

L’écorce rouge, Murielle Compère-Demarcy (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Z4 éditions

L’écorce rouge, Murielle mars 2020, 166 pages, 15 € . Ecrivain(s): Murielle Compère-Demarcy Edition: Z4 éditions

 

Le livre des heures naturelles

Ouvrir un recueil de poésie et écouter la voix d’un poète, c’est abandonner pour un temps l’utilitarisme étriqué et mettre à distance le monde pragmatique dans lequel nous oublions trop souvent l’essentiel de nos vies. C’est aussi écouter une musique singulière, partager l’originalité d’un regard et encore suivre « la magnifique et sauvage déraison » selon le mot de Nietzsche dans Le Gai Savoir. Tout cela, nous le ressentons en abordant le recueil de la poétesse Murielle Compère-Demarcy, L’écorce rouge.

L’ouvrage se présente comme un triptyque. Les textes de L’écorce rouge sont suivis de Prière pour Notre-Dame de Paris (texte de circonstance, s’il en est) et de Hurlement (ce dernier étant dédié à Patti Smith). Il y a dans les poésies de Murielle Compère-Demarcy, qui publie également sous le nom de MCDem, une force d’écriture, une ardeur et une volonté entêtée de marquer sa présence, ce qu’elle appelle le « Vivre » et « l’Ecrire » face au monde. « J’écris, rai de lumière vacant battant des ailes / sur le seuil de la porte obstruée du jour ».

Sanction, Ferdinand von Schirach (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Nouvelles, Gallimard

Sanction, Ferdinand von Schirach, février 2020, trad. allemand, Rose Labourie, 169 pages, 16 € Edition: Gallimard

Généalogie de nos fautes

Cousine du genre romanesque, la nouvelle est un récit bref, tendu, centré autour de peu de personnages et conduisant vers une « chute ». Elle n’est pas qu’un « roman court », comme on le dit parfois. Elle possède ses particularités, l’art de la litote, la capacité de suggérer plutôt que de détailler longuement, et un style épuré, des mots choisis, une écriture à la serpe. Néanmoins, derrière cette économie d’écriture, elle sait dire le drame d’un personnage, évoquer la complexité d’un autre ou encore faire découvrir une situation inédite. Un genre à part entière, trop négligé par le monde de l’édition, à notre goût.

Il est des auteurs amateurs de nouvelles, Maupassant, Stefan Zweig, Alice Munro, pour les plus célèbres. Et c’est le cas de l’auteur allemand Ferdinand von Schirach dont le dernier opus Sanction paraît chez Gallimard dans la Collection Du Monde entier. Comme ses autres recueils de nouvelles, Crimes, Coupables, le livre gravite autour du monde de la justice. Von Schirach est d’ailleurs un célèbre avocat pénaliste outre-Rhin.