Les romans de Mohamed Leftah sont connus pour leur brièveté et leur poésie. Ses textes rythmés et nimbés (mot qui revient très souvent chez l’auteur) de plaisir, de désir et de sexualité ne cachent pas l’atmosphère maussade et lugubre où vivent les personnages. Au bonheur des limbes est le roman d’un personnage anonyme qui, dans un récit à la première personne, raconte sa vie dans le Don Quichotte, bar où se réunissent des personnages mi-fictifs mi-réels. Le roman est presque enfermé dans ce bar que le narrateur assimile à un enfer (selon lui, c’est une fosse, une catacombe…). Le mot fosse suggère aussi, dans le domaine du spectacle, un endroit invisible aux spectateurs et où se cachent des orchestres. Le roman serait ainsi une descente vers le monde inconnu des habitués des bars nocturnes. L’écriture crépusculaire réside dans le fait où le lecteur a toujours l’impression d’être dans un endroit « ailleurs ». Les personnages, leurs paroles et leurs actions laissent voir une spatialité infernale, une existence post-mortem. En témoigne la présence d’un chien nommé Minos qui réfère au Minos de la mythologie grecque, juge des Enfers : « Minos est le chien au cœur fidèle du ‘Don Quichotte’. C’est Warda qui lui a donné le nom de ce chien qui, dans l’Enfer de Dante, enroule sa queue pour indiquer aux condamnés à quel cercle ils doivent descendre » (éd. La Différence, p.45).