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Articles taggés avec: Ayres Didier

Quand j’étais ton père, Guillaume Viry (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Théâtre

Quand j’étais ton père, Guillaume Viry, Les éditions Moires, novembre 2021, 88 pages, 13 €

Au tréfonds

Cette pièce de théâtre de Guillaume Viry m’a beaucoup touché dans le sens où je comprends dans ma chair cette relation du père au fils, qui relate quelque chose qui va aux tréfonds de la psyché, celle du fils tout autant que celle du père. Ma propre histoire familiale ressemble en un sens à celle que narre la pièce. De ce fait j’ai revécu, un peu « cathartiquement », mon rapport au père.

Les trois actes de ce texte filment, si je puis dire, les possibilités et les impossibilités de la conversation entre les deux protagonistes. Ainsi, puisque je viens de parler de catharsis, je me suis remémoré une conversation où nuitamment mon père adossait les destins de poète et d’industriel, avec évidemment un choix radical pour celui-ci. Donc, il s’agissait pour finir d’une fin de non-recevoir.

Ce commerce de la parole finit ici par confiner à la haine, et sans doute aussi à l’amour impossible venant du père, lui-même pris sans doute par une carence, un manque et peut-être, devine-t-on, un secret de famille. Donc : respect et colère, sentiment d’empathie et d’antipathie, d’approche et de rejet, de douceur et de violence, de connaissance et d’aveuglement.

Le temps a basculé, Andriana Škunca (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le temps a basculé, Andriana Škunca, éditions L’Ollave, octobre 2021, trad. croate, Martina Kramer, 102 pages, 15 €

 

 

Matérialité

Découvrir ici où là la poésie croate est une activité très riche et vivante. Cela autorise à transcender le langage poétique par une esthétique et des thèmes novateurs – car dans ce cas la poétesse écrit depuis 1969, et que sa traduction est très récente. Andriana Škunca nous plonge et nous territorialise dans l’île de Pag où elle réside, dans une relation avec le temps, temps d’un lieu, temps du poème, temps de l’écrivaine. Ici se définit la matérialité propre à l’insularité, aux choses qui lui sont proches, aux objets ou choses de la réalité, s’appropriant de cette façon le calme et l’intensité du séjour îlien. La réalité ici reste saisie comme par une glace, par un sérac de langage, une gangue, une immobilité, un séjour.

Cailloux, Michel Stavaux (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 13 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Cailloux, Michel Stavaux, éditions D’Hez, avril 2021, 59 pages

 

 

Étrangeté

Il y a parfois des livres qui produisent une impression de distance, parce que, par exemple, il manque des images ou de la chair, distance que l’on ne prémédite pas, distance parfois nécessaire pour entrer dans un univers. Il est rare de traverser un recueil semblable à l’idée que l’on se fait d’une grande poésie, ou de se sentir proche d’un mot de cette quête de langage, quête du langage. Ici, le plus frappant, c’est la manière d’aller vers l’abstrait, de ne pas ressentir la contingence de l’existence de l’auteur, qui permet au lecteur de vagabonder dans cette zone au-dedans, dans l’esprit, où la pure parole, la pensée comme soupesée à l’aune de l’éclat, laissant un goût de beauté sans que l’on en connaisse la substance.

La Peinture et le cri, Jérôme Thélot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

La Peinture et le cri, Jérôme Thélot, octobre 2021, 184 pages, 25 €

N’es-tu pas reine ô toi que découronnera

La camuse au milieu des infâmes cris noirs

N’es-tu pas à présent le charnel chant du soir

N’es-tu pas la beauté que la mort posséda ?

Pierre Jean Jouve

Cri noir

La Peinture et le cri aurait pu se sous-titrer : Variations sur le cri. Car de Pollaiolo à Francis Bacon, Jérôme Thélot explore la production plastique occidentale du cri en peinture, s’appuyant sur l’effet de punctum qui prend sens dans la vision légèrement inquiète que suscitent les tableaux. Donc, il oriente le regard vers un suspens, un point d’orgue, un accent bruyant et muet, si cet oxymore convient, vers la bouche ouverte et béante de personnages sacrés ou profanes.

Tientos, Iñigo de Satrústegui (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Tientos, Iñigo de Satrústegui, éditions Fario, novembre 2021, 54 pages, 10 €

 

Ainsi se comprend le silence de l’intelligence dans l’art (Iñigo de Satrústegui)

 

Une personne

Ce qui frappe dans ce petit livre d’Iñigo de Satrústegui, c’est l’aperçu certain de l’homme derrière le texte. On y voit l’homme agir comme une personne, devenir son propre Pygmalion. Car ici la personne de l’artiste est visible, se rend visible par des écrans scripturaux, où derrière un certain flegme aristocratique, on devine de la lucidité et des blessures. Du reste le terme le plus approprié serait celui de dasein, d’un destin d’étant. Tiento, ce style de chant flamenco confine au duende, c’est-à-dire à la partie la plus haute de l’émotion. Cette écriture qui est la sienne ouvre sur de faibles éléments biographiques mais savamment utilisés pour convenir à une sorte de livre essai, essai de style et de chant du style.