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Philip Guston, L’ironie de l’histoire (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 01 Décembre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Philip Guston. L’ironie de l’histoire, dir. Didier Ottinger, corédaction Agnès Desarthe, Joanne Snrech, présentation Cécile Debray, éd. Gallimard/Musée Picasso-Paris, 224 p., 196 illus., 2025, 39€

Au sujet de l’exposition Philip Guston le Musée Picasso-Paris et Gallimard publient un catalogue retraçant une grande partie de l’œuvre dessinée et peinte, allant de reproductions des grandes peintures murales jusqu’aux dernières années du peintre et de sa production figurative.

Philip Guston, né Goldstein (1913-1980) voit le jour au Canada. En 1923 son père se suicide, et l’on suppose l’impact sur l’artiste enfant. Il est lecteur de bandes-dessinées et sa mère l’inscrit à une école de dessin par correspondance. Puis, sa formation se poursuit à la Manual Arts Hight School de Los Angeles où il a pour coreligionnaire Jackson Pollock. Il développe un intérêt pour le cinéma et le muralisme, est impressionné par la peinture de Max Beckmann. Se marie avec Musa McKim, muraliste. Guston est successivement professeur d’art dans les universités d’Iowa, de l’université de Washington à Saint Louis, à Boston… souvent pour de courtes périodes. Il est parfois inspiré par l’horreur de l’holocauste (et l’on pourrait transférer cette peur à son obsédant questionnement sur le Ku Klux Klan). Il voyage en Europe (où il rencontre peut-être la peinture de de Chirico), dessine beaucoup ; fréquente les poètes et les écrivains. L’artiste passe une bonne partie de sa vie à Woodstock où il rencontre Philip Roth (rencontre importante pour les deux hommes).

Tribut pour un homme libre, Jean-Paul Michel (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 14 Octobre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Tribut pour un homme libre, Jean-Paul Michel, frontispice, Jacques Le Scanff, éd. fario, 80 p., 2025, 15 €

L’écriture, l’écrivain

Qu’est-ce que la littérature ? Quel est le rapport de l’écrivain à l’image ? Quelle est sa relation à l’archive, à la durée ? Quel regard l’auteur jette sur lui-même à travers son travail ? Que produit-il ? À mon sens, par exemple, Proust est écrit par la Recherche, plus qu’il ne l’écrit. En tout cas, le livre de Jean-Paul Michel convient à cette définition : il est le corps historique de son écriture. Il réfléchit a posteriori sur ce qu’il a noté il y a 20 ans, notamment à Rome ou à Florence. Au début du XXIème siècle.

Et l’ouvrage ouvre sur la trace écrite d’un voyage, où J.-P. Michel cherche l’éclat (comme le préconise Jean-Marie Pontévia au sujet de la peinture). Cette littérature est donc « traversante », elle passe au milieu d’elle-même comme une marque, une empreinte entêtante, capiteuse. Elle cerne le mystère de la peinture grâce à un vocabulaire de géomètre, presque scientifiquement. Et de là s’engage le rythme, la prosodie.

Sagesse, Paul Verlaine, illustrations Maurice Denis (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Septembre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Sagesse, Paul Verlaine, illustrations Maurice Denis, bois gravés, Beltrand, fac-similé, dossier par Jean-Nicolas Illouz, Clémence Gaboriau, éd. Gallimard, 176p., 2025, 35 €

 

Recherche de Dieu, recherche de formes

 

J’ai abordé le fac-similé de 1911, de Sagesse de Paul Verlaine illustré par le peintre Nabi Maurice Denis, avec simplicité. J’ai été un lecteur simple mais exigeant. J’y ai vu dès lors, une tentative de recherche de Dieu, cohabitant avec une recherche de formes. Que cela soit les xylographies de Maurice Denis, ou les sonnets de Verlaine, tout m’a confiné à une idée mystique, une idée de révélation spirituelle, à la fois sous la gouge de Denis qui nous porte vers une croyance articulée par l’église, et celle d’un choc de connaissance proche de Angèle de Foligno (plutôt d’ailleurs que de Maître Eckhart), confession poétique du poète messin. Peut-être l’iconographie du peintre Nabi est-elle en contradiction avec l’entreprise de révélation mystique du poète messin, car ce sont deux ordres de croyances distincts : la mystique et la pratique religieuses.

Secondes rouges, Gebran Saad (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Septembre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Secondes rouges, Gebran Saad, préf. Philippe Tancelin, trad. Mohammed El Amraoui, illust. Safwan Dahoul, éd. Al Manar, 156 p., 2025, 19 €

Tension

Le dernier livre de Gebran Saad, poète syrien exilé en Suède, est d’une approche complexe. D’une part à cause de l’édition bilingue (Arabe/Français), de la dédicace en Anglais, ce qui fait « danser » en quelque sorte l’esprit du lecteur que je fus. Il y a eu d’ailleurs deux temps pour moi : temps du mystère et temps de clarté. Cette clarté accompagnait l’idée du désir : clair désir d’un être pour un autre être, tout simplement. Désir de corps, désir de langage, désir spirituel. Tout cela a produit une tension, un mouvement qui se refermait sur lui-même comme une boucle, un cycle, un cercle, une sphère, et devenait énigmatique. Car ces poèmes sont d’une espèce où l’âme joue un rôle, l’âme du poète qui s’arroge le droit de parcourir sa sensibilité. Je garderai donc ces deux mots : mystère et désir.

Je crois qu’il faut citer quelques mots de la préface de Philippe Tancelin, poète et philosophe : « Face aux ténèbres en embuscade dans les mots, à la lisière du secret avide de la confession et ses simulacres de vérité, la métaphore audacieuse annonce une existence plus forte que le cri, plus pénétrante… ».

La Guerre des chambres dans ma maison, Hans Thill (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Septembre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Langue allemande

La Guerre des chambres dans ma maison, Hans Thill, trad. allemand Habib Tengour, préf. Jean Portante, éd. APIC, coll. Poèmes du monde, 156 p., 2022

 

Poésie composite

Il y a des mystères que l’on traverse sans le savoir. Il y a des énigmes qui trouvent réponse. Entre ces deux états se tient la ligne poétique de Hans Thill. L’on y est à la fois saisi par la force du langage, son secret, sa profondeur, et une inquiétante étrangeté. Le monde décrit procède, pour le lecteur francophone, par fragments, touchant à l’étrange. Oui, par une espèce de baptême de la signification. Une matière « noire » du langage.

Malgré tout, même cette sorte de sfumato des signes ne perd pas le lecteur qui voit un travail quand même concentré sur la ville, qui ne traite pas comme souvent en poésie, des notions communes de descriptions bucoliques. Et même si la forêt a son importance par exemple, la focale du recueil c’est la cité, le monde urbain avec sa richesse, son étrangèreté.