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Articles taggés avec: Ayres Didier

L’époque de la peinture, Prolégomènes à une utopie, Jérôme Thélot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Avril 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

L’époque de la peinture, Prolégomènes à une utopie, Jérôme Thélot, L’Atelier contemporain, février 2024, 160 pages, 20 €

 

Ambiguïté de la peinture/ambiguïté de l’utopie

Je viens de passer quelques heures en compagnie du livre que Jérôme Thélot a fait paraître récemment. Il avance une thèse hardie et très intelligente, en parlant des lieux d’utopie de la peinture, et bientôt de l’utopie au sens général à laquelle la peinture pourrait donner accès. Pas avec une langue absconde ou amphigourique, mais par une analyse qui suggère au lecteur de faire sienne cette hypothèse, voire cette théorie. À savoir, que la peinture de Manet, de Hals, de Poussin, de Zurbaran, de van Velde, par exemple, se trouve être davantage des pensées que des choses. Une peinture qui pense.

Et ce regard qui pense surgit dans une sphère hantée par le silence et en même temps par le cri – le Tres de mayo de Goya ou celui de Munch, entre autres.

Lents ressacs, Myette Ronday (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Lents ressacs, Myette Ronday, Les éditions Sans Escale, février 2024, 90 pages, 15 €

 

Expression du temps

Dans ce recueil de Myette Ronday, dont la couverture, sans doute une des encres de Jean-Pierre Otte, mouvement peint qui signifie peut-être une plage pleine d’un varech vert de gris tout autant que des larmes sur un visage, un écoulement de glace sur une vitre, et nous sommes auprès de l’océan. C’est l’expression du temps qui est la plus saillante, temps des marées hautes ou basses, temps qui passe sur les visages, lutte peut-être contre ce dernier qui nous entraîne vers la pierre et la poussière. Ici, le vieillissement existe comme un travail de l’ici et du maintenant. Cette vision presque comptable des âges de la vie, déictique conçu non comme une limite, mais un point de départ du poème, ne le restreint pas, mais au contraire le poursuit. Ce surgissement augmente les possibles et autorise une fructification, sorte de vigne en travail. Le poème élargit le regard, l’augmente d’événements petits ou grands, telle une montée des eaux océaniques qui cache différentes couleurs, varech, sable, miroitement des ciels.

Quitter la terre, Daniel Morvan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Quitter la terre, Daniel Morvan, éditions Le Temps qu’il fait, janvier 2024, 140 pages, 18 €

 

Ambiguïté

Pourquoi ce titre : ambiguïté ? Parce que le poète est polarisé entre la campagne bretonne de son enfance et une formation universitaire à Paris, laquelle s’est avérée plus difficile, je suppose, que pour les Normaliens de cette époque ; ces élèves des Écoles Normales Supérieures eux restant non clivés par cette séparation (qui sait ?), ni suppliciés par cette double dague au-dessus de leur tête. Ce recueil, en tout cas, balance de la nostalgie à la révolte, de l’intelligence naturelle au savoir savant. Daniel Morvan, je crois, est aux prises avec une culpabilité inhérente à ce mouvement de balancier. Tout l’ouvrage tourne autour de cette question, celle du déclassement social et culturel, donc vers le haut depuis le bas, mais surtout sans surplomb, sans survol, seulement axé sur un approfondissement de ces deux natures. Pour tout dire, je crois que l’on peut parler de nœud gordien. Seul le lecteur probablement est à même de trancher cette corde.

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu, éditions de Corlevour, Revue la forge, janvier 2024, 80 pages, 15 €

Écobuage

Le recueil de poèmes que publie Frédéric Dieu, aux éditions de Corlevour, est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord pour son écriture stylisée mais pas emphatique, sobre, et cependant n’hésitant pas à conduire le poème sur les rives de moments lyriques ; en somme, une langue claire et raffinée. Et pour l’essentiel l’on peut se référer à la théorie d’Empédocle sur les quatre éléments, théorie des éléments comme combustible, matière, pour avancer au sein des profondeurs de cette poésie. Car cette poésie est hantée par le feu et la terre essentiellement, jusqu’à la combustion des tourbes ; mais aussi par l’eau et l’air, ce dernier étant figuré par le vent. Donc simplicité du fond qui engage une certaine métaphysique, un lieu immatériel où se jouent les sens et les significations. Pour cela, il ne faut pas négliger des emprunts à la Bible et ses forces parlantes. C’est à cette traversée que nous sommes invités. Un monde calciné, éprouvé par les cicatrices laissées par le chemin des flammes, une sylve obscure où émergent des images, sorte d’apocalypse lente et appuyée.

Le temps, la tempête, Igor Zidić (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le temps, la tempête, Igor Zidić, éd. L’Ollave, décembre 2023, trad. croate, Brankica Radić, 89 pages, 15 €

 

Voir au-delà

Je me réjouis toujours de trouver au courrier le travail remarquable que fait Jean de Breyne et les éditions de L’Ollave. Chaque fois, j’avance mieux dans le continent des lettres croates, et bien souvent cela me renseigne et m’éclaire. J’ai même songé que le lectorat français pourrait avoir devant lui une nouvelle vague poétique croate, tant les talents foisonnent. Terre fertile donc que ce biotope littéraire.

Cette anthologie d’Igor Zidić nous rend témoin d’une œuvre qui a cheminé. Allant de l’époque soviétique jusqu’au libéralisme, vers la guerre et enfin en une intégration à l’Europe politique qui garantit tout de même la paix entre les peuples européens. Et cela ouvre les yeux. Oui, au sens presque premier : cette poésie nous propose de voir au-delà. Ainsi, au-delà du temps, de la durée qui s’exerce de toute façon, un pas vers la lumière, route incessante vers un certain optimisme, lequel se désagrège au long des années pour aboutir à la maturité.