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Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres 26.05.25 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson, éd. de Corlevour, 127 p., 2025, 18 €

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson (par Didier Ayres)

 

Présence

Dans ce recueil de poèmes de Dorian Masson, nous sommes en face d’une présence. Présence du poète, mais dédoublé bien souvent par la présence d’une aimée, d’un autrui, d’un Autre au sens fort du terme, c’est-à-dire capable de restituer entièrement la présence de l’Autre en soi, de l’imager jusqu’à l’ipséité. Donc, un autre, une autre constitutive de la personnalité de l’identité de soi.

Le recueil mêle l’omniprésence de la personne du poète (avec sans doute un degré de narcissisme qui rend vive cette poésie) au milieu d’une expérience unique de l’amour partagé, unique et qui autorise à juguler la compagnie de l’autre, compagnie à la fois physique et métaphysique, rencontre tout autant physique que sur le papier du poème. Car cette écriture tente de retarder l’heure de l’absence. Que cela soit autour d’un TU que d’un Vous, autrui est un horizon d’attente.

J’allongerais ton dos

Sur le cuir des baleines

Qui volent dans les nuits

Où la musique s’est éteinte

Le texte ici pourrait être un soin, avec une valeur performative (faire exister par la parole), une espèce de Phármakon grec, poison et remède. Toutefois le Tu est nécessaire, il est l’objet principal de l’interlocution, figurant un semblable capable de rétablir le tout de la personne à la personne elle-même.

 

Il y avait un élastique à cheveux

Sur le pas de ma porte

Comme un morceau de toi

Laissé là

Une menace / Une promesse

Un jeu de piste

À la poursuite d’un fantôme

Le tien / Le mien

Couvert d’un drap mouillé de sueur

Et d’autres choses

Par ailleurs, il est utile de dire que le poème s’étouffe dans une suffocation, un mal-être, asphyxie, étranglement, de quelqu’un qui suffoque dans sa propre peau (et l’on pourrait en tirer l’exemple chez Levinas). Cet être semble, ce corps semblant étouffer dans sa propre peau, se libère dans l’expiration, reste sidéré par sa propre voix et fait le sujet d’une profonde déréliction.

Le soi en passe par le corps et pour être plus précis par le corps d’amour, qui s’exerce dans la relation avec l’être aimé, quelque chose qui respire et qui expire, le corps amoureux qui fait maison commune, un instant, qui figure une exuvie humaine, là où enfin l’antagonisme esprit-corps disparaît.

 

Je lis ton nom sur toutes les lèvres

Je l’entends dans toutes les langues

Dans les chefs d’œuvre

Et les mauvais téléfilms

Dans l’annuaire et les calendriers

Il me suit dans les couloirs du métro

Sur les affiches des pubards en mal d’inspiration

Dans les pages du plus vieux livre du Monde

Et dans celles de Bukowski


Didier Ayres



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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.