Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson (par Didier Ayres)
Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson, éd. de Corlevour, 127 p., 2025, 18 €

Présence
Dans ce recueil de poèmes de Dorian Masson, nous sommes en face d’une présence. Présence du poète, mais dédoublé bien souvent par la présence d’une aimée, d’un autrui, d’un Autre au sens fort du terme, c’est-à-dire capable de restituer entièrement la présence de l’Autre en soi, de l’imager jusqu’à l’ipséité. Donc, un autre, une autre constitutive de la personnalité de l’identité de soi.
Le recueil mêle l’omniprésence de la personne du poète (avec sans doute un degré de narcissisme qui rend vive cette poésie) au milieu d’une expérience unique de l’amour partagé, unique et qui autorise à juguler la compagnie de l’autre, compagnie à la fois physique et métaphysique, rencontre tout autant physique que sur le papier du poème. Car cette écriture tente de retarder l’heure de l’absence. Que cela soit autour d’un TU que d’un Vous, autrui est un horizon d’attente.
J’allongerais ton dos
Sur le cuir des baleines
Qui volent dans les nuits
Où la musique s’est éteinte
Le texte ici pourrait être un soin, avec une valeur performative (faire exister par la parole), une espèce de Phármakon grec, poison et remède. Toutefois le Tu est nécessaire, il est l’objet principal de l’interlocution, figurant un semblable capable de rétablir le tout de la personne à la personne elle-même.
Il y avait un élastique à cheveux
Sur le pas de ma porte
Comme un morceau de toi
Laissé là
Une menace / Une promesse
Un jeu de piste
À la poursuite d’un fantôme
Le tien / Le mien
Couvert d’un drap mouillé de sueur
Et d’autres choses
Par ailleurs, il est utile de dire que le poème s’étouffe dans une suffocation, un mal-être, asphyxie, étranglement, de quelqu’un qui suffoque dans sa propre peau (et l’on pourrait en tirer l’exemple chez Levinas). Cet être semble, ce corps semblant étouffer dans sa propre peau, se libère dans l’expiration, reste sidéré par sa propre voix et fait le sujet d’une profonde déréliction.
Le soi en passe par le corps et pour être plus précis par le corps d’amour, qui s’exerce dans la relation avec l’être aimé, quelque chose qui respire et qui expire, le corps amoureux qui fait maison commune, un instant, qui figure une exuvie humaine, là où enfin l’antagonisme esprit-corps disparaît.
Je lis ton nom sur toutes les lèvres
Je l’entends dans toutes les langues
Dans les chefs d’œuvre
Et les mauvais téléfilms
Dans l’annuaire et les calendriers
Il me suit dans les couloirs du métro
Sur les affiches des pubards en mal d’inspiration
Dans les pages du plus vieux livre du Monde
Et dans celles de Bukowski
Didier Ayres
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