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Amérique Latine

À Contrevie (Contravida, 1994), Augusto Roa Bastos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 14 Mai 2025. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, En Vitrine, Cette semaine

À Contrevie (Contravida, 1994), Augusto Roa Bastos, Le Seuil, trad. espagnol (Paraguay), François Maspéro, 254 pages . Ecrivain(s): Augusto Roa Bastos Edition: Seuil

 

Le support de ce roman est un train de mort. Lent, bringuebalant, inquiétant, il porte en ses flancs le narrateur – l’auteur assurément – unique survivant d’un massacre lors d’une évasion de prisonniers politiques d’une prison. Survivant, dans ce roman, n’a de sens qu’ontologique. La survie est la condition humaine et, par définition, elle n’est que sursis. En compagnie de personnages étranges et inquiétants, le narrateur va. Où ? Il ne sait pas, au moins au départ. Loin, dans tous les cas, loin des lieux où on le traque.

Entre les scènes de son compartiment et ses rêves pendant ses endormissements, il est assailli par un flot de souvenirs qui déferle comme un torrent, portant avec lui une enfance erratique et des images obsessionnelles des parents, des amis d’alors, des cinglés qui peuplaient Manorá – petit village perdu au milieu de nulle part. La noirceur et la brutalité traversent ces évocations du passé adossées à l’histoire du pays soumis à toutes les exactions.

Textes retrouvés, Essais, portraits, articles, conférences, Jorge Luis Borges (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Avril 2025. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Anthologie

Textes retrouvés, Essais, portraits, articles, conférences, Jorge Luis Borges, Gallimard Du monde entier, décembre 2024, trad. espagnol (Argentine) Silvia Baron Supervielle, Gersende Camenen, 354 pages, 23,50 € Edition: Gallimard

 

Les nombreux et fervents amateurs de Borges savent tous que les deux volumes d’Œuvres complètes qui furent publiés à la Bibliothèque de la Pléiade ne méritaient pas leur titre. Ils furent le résultat d’une sélection opérée par Borges lui-même, trop heureux de « coudoyer » Montaigne dans la prestigieuse collection française.

Malgré sa cécité (ou à cause d’elle ?), Borges a beaucoup lu, conversé, écrit et dicté. Combien il est paradoxal que l’art si français de la conversation lettrée et familière ait connu cette reviviscence à l’autre bout du monde… Mais Borges déclarait que par une autre étrangeté, l’écrivain jugé comme le plus représentatif d’un pays – Shakespeare pour le Royaume-Uni, Dante pour l’Italie, Goethe pour l’Allemagne, … – était celui qui correspondait le moins à son caractère national.

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 18 Février 2025. , dans Amérique Latine, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral, éditons des femmes-Antoinette Fouque, octobre 2024, trad. espagnol (Chili), Anne Picard, 270 pages, 23 €

Rencontre

Avec ce livre que publient les éditions des femmes-Antoinette Fouque, je me suis trouvé dans la position amie d’une rencontre, lecture provoquant une amitié littéraire immédiate et forte à propos, et d’une grande densité. Je dis ami avec toute la force de l’épithète, au sens presque littéral, rencontre de l’Autrui évangélique, découlant d’une connivence tacite avec l’œuvre de ces cahiers qui balaient l’existence de l’autrice de 1905 à 1956. Une fois cette confession faite, il reste à m’expliquer comme à moi-même comment je suis rentré dans ce texte.

Ces 18 cahiers proposent une découverte kaléidoscopique du travail de la poétesse chilienne, Prix Nobel 1945. Avec eux, nous sommes à mi-chemin du journal et de l’autobiographie, ce qui rend saisissants tous les détails d’une vie passée à devenir une poète. La durée, en quelque sorte abolie, décrit le récit d’une vie, d’une vie d’écriture, écriture qui se développe avec et pour la vie, énonce sans fard les aléas d’une femme pauvre ballottée entre les pays, la pauvreté et l’acrimonie de l’intelligentsia chilienne – ce qui fut particulièrement dur pour la sensibilité de Gabriela, victime de rumeurs qui la blessaient.

Les Indignes, Agustina Bazterrica (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 29 Janvier 2025. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Flammarion

Les Indignes, Agustina Bazterrica, Flammarion, janvier 2025, trad. espagnol (Argentine), Margot Nguyen Béraud, 190 pages, 21,50 € Edition: Flammarion

 

Atmosphère, atmosphère… Voilà un roman qui a vraiment une gueule d’atmosphère… nauséeuse.

L’histoire se situe quelque part au milieu de nulle part, dans une ère indéterminée que le lecteur est toutefois à même d’à peu près dater, en interprétant quelques éléments narratifs indiciels pseudo-historiques disséminés parcimonieusement, comme postérieure à une catastrophe apocalyptique provoquée par une humanité rapace ayant réussi à détruire la quasi-totalité des espèces végétales et animales et à provoquer presque intégralement l’extinction de son propre genre. La narratrice est l’une des résidentes, arrivée là après une longue errance, dont elle relate par ailleurs, histoire dans l’histoire, le cheminement aventureux dans un environnement désertique à ce point dévasté que, symptomatiquement, le mot « forêt » est systématiquement barré dans le texte lorsqu’il apparaît « accidentellement » sous la plume de cette chroniqueuse clandestine.

Àgua Viva, Clarice Lispector (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 06 Décembre 2024. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, En Vitrine, Cette semaine, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Àgua Viva, Clarice Lispector, éditions des femmes Antoinette Fouque, octobre 2024, trad. portugais (Brésil) Didier Lamaison, Claudia Poncioni, 324 pages, 24 € . Ecrivain(s): Clarice Lispector Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

L’être-là est soutenu par un être de l’ailleurs

(Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, 1957)

Maïeutique

Clarice Lispector, née le 10 décembre 1920 à Tchetchelnyk (Ukraine), grande nouvelliste et journaliste de renom, est considérée comme un des auteurs brésiliens les plus importants du vingtième siècle. En 1943, elle épouse Maury Gurgel Valente, un diplomate, ce qui la conduit dans différents pays. Deux fils naissent pendant cette période. Clarice Lispector se sépare de son mari en 1959, et retourne avec ses enfants au Brésil. Elle meurt le 9 décembre 1977, la veille de son 57e anniversaire, et est enterrée au cimetière juif de Caju à Rio de Janeiro.