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Poésie

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu, éditions de Corlevour, Revue la forge, janvier 2024, 80 pages, 15 €

Écobuage

Le recueil de poèmes que publie Frédéric Dieu, aux éditions de Corlevour, est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord pour son écriture stylisée mais pas emphatique, sobre, et cependant n’hésitant pas à conduire le poème sur les rives de moments lyriques ; en somme, une langue claire et raffinée. Et pour l’essentiel l’on peut se référer à la théorie d’Empédocle sur les quatre éléments, théorie des éléments comme combustible, matière, pour avancer au sein des profondeurs de cette poésie. Car cette poésie est hantée par le feu et la terre essentiellement, jusqu’à la combustion des tourbes ; mais aussi par l’eau et l’air, ce dernier étant figuré par le vent. Donc simplicité du fond qui engage une certaine métaphysique, un lieu immatériel où se jouent les sens et les significations. Pour cela, il ne faut pas négliger des emprunts à la Bible et ses forces parlantes. C’est à cette traversée que nous sommes invités. Un monde calciné, éprouvé par les cicatrices laissées par le chemin des flammes, une sylve obscure où émergent des images, sorte d’apocalypse lente et appuyée.

Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées, Dominique Sampiero (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 13 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées, Dominique Sampiero, éditions de Corlevour, 2023, 144 pages, 18 €

 

Le poète « nordiste », né en 1954, dans ce livre copieux, tutoie l’inconnu, élargit « l’immense tente », et « mes yeux touchent le sommeil ».

Structuré en trois parties (dont les titres jouent de l’espace et du corps), le livre révèle nombre d’apprentissages sinon de victoires sur le vide, le rien, le non-être, l’identité trompeuse.

La langue, le plus souvent en morceaux de prose, est prise sur l’attente, le silence, la surface du monde ; la mort, certes, est à l’avant-poste : que de trous à combler, que d’enterrements de mots et de morts.

Dans « l’inventaire » à établir, la présence de ce qui peut se perdre, s’oublier, être négligé, est prégnante :

La Voie du large, Michèle Finck (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 07 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Voie du large, Michèle Finck, Les Cahiers d’Arfuyen, janvier 2024, 224 pages, 17,50 €

 

Bien sûr, il n’y a pas de voie du large : une « viastitude » serait un mot-valise sans sens ni humour. Une voie, c’est un chemin à suivre, une suite de moyens à mettre en œuvre, un couloir praticable vers un but ; et le large, c’est la vastitude, ce sont les hauts-fonds, c’est l’horizon où fuir, c’est l’immensité faite pour s’éloigner. Une voie du large serait donc impraticable : comment espérer passer par ce qui nous dépasse ? Ou, à l’inverse : en quel couloir déguiser l’immensité ? Ce serait vouloir rayonner étroit (par ondes centripètes !), ou héler sélectivement (urbi et orbi, mais en aparté !), et on ne le pourrait pas, même si (absurdement, ou dépressivement) on le voulait ! Une voie du large ferait bien plutôt voie d’eau au large, ou ne vaut que comme régressive métaphore (telle une Voie Lactée, qui n’est, de fait, ni voie ni allaitante !).

Une Saison en enfer, Arthur Rimbaud (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Une Saison en enfer, Arthur Rimbaud, Poésie/Gallimard, octobre 2023, préface Yannick Haenel, postface Gregoire Beurier, 96 pages, 5,90 €

À trois poèmes près, publiés en revues, l’œuvre laissée volontairement par Arthur Rimbaud se résume à un petit volume publié à Bruxelles en 1873, alors qu’il a dix-neuf ans (« Aller mes vingt ans, si les autres vont vingt ans… ») : Une Saison en enfer. De ce mince et unique volume, de cette première publication qu’on a pu croire perdue, Grégoire Beurier dresse une exégèse intelligente et pertinente en postface de la présente édition, soulignant entre autres la présence, rare chez l’imprimeur bruxellois, de pages blanches dans l’édition de 1873 – pages blanches auxquelles le postfacier désirerait qu’on alloue un sens, ce en quoi on le suit tout à fait. Ce sont comme autant de respirations, de pauses, de temps d’arrêt avant le bond poétique suivant dans cette lutte métaphysique et poétique à la fois que livre un tout jeune homme peut-être déjà conscient de son silence à venir (« Je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront », écho au « Si je veux une eau d’Europe, c’est la flache » du Bateau ivre). Ces pages blanches se retrouvent dans la présente édition, qui n’est pas un fac-similé de celle de 1873, mais en reprend la numérotation des pages ainsi que la mise en page approximative, permettant, un siècle et demi plus tard, de lire ou relire au plus près Une Saison en enfer.

Nuit sauvage et ardente, Parme Ceriset (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions du Cygne

Nuit sauvage et ardente, Parme Ceriset, Editions du Cygne, janvier 2024, 98 pages, 13 € . Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: Editions du Cygne

 

La nuit en sa douce violence

La nuit a souvent inspiré de nombreux artistes, écrivains et poètes. Pour n’en rester qu’aux plus grands, la nuit est ce que l’on aime « avec passion »… « comme on aime son pays ou sa maîtresse, d’un amour instinctif, profond, invincible » pour reprendre les mots de Maupassant. Elle possède une « douleur sombre » chez Marceline Desbordes-Valmore. Et pour l’énigmatique et extraordinaire Baudelaire qui lui a consacré de nombreux poèmes, elle est « voluptueuse » et s’accompagne de « rafraîchissantes ténèbres ». Les poètes ne peuvent que l’aimer, peut-être parce qu’elle exacerbe leur profonde sensibilité, invite au recueillement et stimule leur imagination fantasque. Parme Ceriset, dans son dernier recueil, a choisi comme titre Nuit sauvage et ardente, affublant la nuit de deux adjectifs riches de promesses.