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Poésie

Sphère, Didier Ayres (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 11 Juin 2025. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Sphère, Didier Ayres, 128 p., éd. La Rumeur libre, 2024, 126 p. 18 €

 

Dans l’univers en interprète

L'histoire a beau prétendre nous raconter toujours du nouveau, elle est comme le kaléidoscope : chaque tour nous présente une configuration nouvelle, et cependant ce sont, à dire vrai, les mêmes éléments qui passent toujours sous nos yeux.

Le monde comme volonté et comme représentation, chap. XLI, Schopenhauer

Tout d’abord, 3 chapitres et 33 poèmes composent le nouveau recueil de Didier Ayres, édité par La Rumeur libre. Rappelons que le chiffre 3 évoque le solide, le liquide, le gazeux, le passé, le présent et l’avenir ; le bleu, le jaune et le rouge ; le minéral, le végétal et l’animal, ce qui équivaut à une synthèse et à une totalité. Ensuite, 33 est un nombre qui associe la dualité et le ternaire, un palindrome, également nombre du symbolisme du miroir et de l’initiation. En multipliant 3 par 33, nous trouvons 99. Or, 99 est un nombre composé, associé à la fin, à la complétude.

Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 10 Juin 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Par les baleines, Soline de Laveleye, éd. Gallimard, 120 p., 2025, 16€

 

Le contenant

La chose la plus pertinente pour le lecteur que je suis, dans ce livre, c’est l’intrication du dedans et du dehors, du corps et de l’âme, monde plastique, sorte de terre glaise prête à la poterie, terre qui, séchée, devient vase, contenant, jarre, amphore, raku. C’est le corps accueillant l’âme. C’est le corps pris dans la terre du langage. C’est le poème qui fait pièce d’émail. C’est le poème qui contient simplement l’expression physique du corps dans sa forme, ainsi donc inscrit dans la bordure du corps. Nous sommes dans un univers concave, qui contient, concavité du poème, partie sèche de la terre glaise façonnée, travaillée par les doigts d’un potier.

Crever la nuit, Philippe Colmant (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 03 Juin 2025. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Coudrier

Crever la nuit, Philippe Colmant, Editions Le Coudrier – Mars 2025 Illustrations : Philippe Colmant. 68 pages – 18 € Edition: Le Coudrier

 

Le titre de ce recueil, aussitôt lu, nous projette vers un double sens auquel le contenu ne déroge pas. L’insomnie du poète le force à désirer « crever la nuit », à désirer une faille au sein d’une obscurité trop dense, trop longue, à désirer apercevoir, au sein même de sa prison, un trait de lumière. Car la douleur exprimée ici est si aiguë que le poète pourrait bien être près de « mourir » au cours de cette nuit.

L’être aimé n’est plus présent dans ces murs. Le sommeil est introuvable. A l’image de ces feuilles éclairées par un lampadaire, que nous montre la couverture, on a l’illusion de voir et d’entendre des insectes bourdonner autour de l’esprit du poète, assailli par un essaim d’intranquillité. L’environnement, observé, écouté, se dresse devant lui comme un reflet. « Une brise discrète pleure quelque étoile écrasée. (…) au loin, dans les campagnes, la cécité guette, ratisse large. Les labours neufs s’éteignent dans leurs lignes. Les champs en grains cèdent de leur opulence aux rongeurs impénitents. » (p. 8)

Les Cavales, 2, Hervé Micolet (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Juin 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Cavales, 2, Hervé Micolet, éd. La rumeur libre, 236 p., 2025, 20 €

 

Je résumerais l’essentiel du dernier recueil d’Hervé Micolet, tentative profuse et audacieuse, par le terme de plain-chant. Car, ce n’est pas un rhapsode qui écrit, mais un musicien qui compte avec exactitude le rythme voulu du poème, d’un chant à une voix. Les poèmes sont donc résolument tournés vers des formes anciennes ou archaïques. On est davantage à la Renaissance ou l’Antiquité que dans une écriture post-moderne (à moins que cette tentative signifie justement une post-modernité). J’admire le travail dont ce livre fait l’objet, lequel conserve une cohérence et une continuité où l’on devine un labeur important, un travail où chaque strophe pourrait s’apparenter à un neume. Cette « partition » est tournée vers un ailleurs, un autre temps (et l’on sait que l’œuvre d’art met en danger le temps). En bref, c’est une langue voluptueuse et recherchée.

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 28 Mai 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc, Éditions Douro

Une écriture cathartique, afin d'opiniâtrement résister aux vents et marées. Le Phare : la Littérature (le lirécrire), avec ses "phares allumés" (Baudelaire). Dans ce deuxième livre publié chez Douro, le poète-écrivain Alain Marc –auteur d'un essai remarquable et remarqué : Écrire le cri (préfacé par Pierre Bourgeade) puisqu'il remonte jusqu'à la source de l'Ecrire– exprime sa persévérance au sein de la matière brute et noire de la Littérature en tant qu'écrivain et lecteur, matière subtile coexistant avec celle baryonique, ordinaire. Par son influence gravitationnelle, alchimique et ascensionnelle, la Littérature émet des voix sidérales énergiquement influentes sur le monde observable. Son agonie actuelle serait comme un refroidissement jusqu'à l'invisibilité d'une naine blanche... Mais le poète, opiniâtrement debout, reste dressé jusqu'à se brûler sur cette extinction progressive, dressé sur les traces incandescentes d'une Littérature aujourd'hui en berne. C'est bien plutôt son cheminement ardu d'écrivain que nous suivons ici, avec ses aléas, semé d'embûches et de ses difficultés en Littérature à avancer, à pouvoir voir propulser son œuvre dans la lumière publique.