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Roman

La porte étroite, André Gide (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Février 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

La porte étroite, André Gide, Folio, 182 pages Edition: Folio (Gallimard)

 

Un roman sublime est le mot qui s’impose à la lecture de cet ouvrage. Sublime dans toute sa polysémie, à la fois d’une beauté fabuleuse, d’une élévation d’âme absolue, d’une intensité incandescente et enfin le roman d’une sublimation amoureuse irrésistible vers l’Autre et vers Dieu. Alissa et Jérôme sont les doubles littéraires de Ada et Van (Ada ou l’ardeur, Vladimir Nabokov) qui, par le mécanisme puissant de la sublimation, transfèrent l’ardeur des sens vers l’ardeur des âmes. Dans les deux cas la quête suprême est l’absolu et pour Gide le chemin est celui d’un voyage intérieur. Dans un récit marqué par une tension extrême et continue, il tisse une histoire introspective qui met en jeu la possibilité de la pureté.

Aux élans irrépressibles du cœur de Jérôme répondent les passions spirituelles d’Alissa, l’un amoureux, l’autre extatique. Non qu’Alissa aime moins Jérôme que Jérôme aime Alissa mais les chemins de la passion diffèrent, plus amoureux pour l’un, plus mystiques pour l’autre comme une exigence intangible de pureté qui ne supporte aucune trace triviale. Ainsi Alissa :

Ann d’Angleterre, Julia Deck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 12 Février 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Seuil

Ann d’Angleterre, Julia Deck, Le Seuil, août 2024, 256 pages, 20 € . Ecrivain(s): Julia Deck Edition: Seuil

 

Entremêlant passé et présent d’une femme au grand âge, le roman, pour être largement autobiographique, découvre des pans entiers d’une vie qu’une fille aborde à propos de sa mère.

A 84 ans, Ann mène encore une vie autonome, faite de cours, de voyages, de lectures. Et puis, c’est l’AVC qui la rend dépendante, qui l’amène pour de longs mois à l’hôpital. Sa fille Julia se bat parce qu’elle croit intimement qu’elle va récupérer. C’est alors la litanie des passages d’une clinique l’autre, la recherche d’une maison de repos qui ne soit pas un mouroir.

A la sidération succède chez Julia, romancière, le sentiment de perdre quelqu’un qu’elle a toujours vu en grande forme.

La quête du passé très riche de la mère dévoile une personnalité féconde, intellectuelle, active. Venant d’un milieu défavorisé, Ann s’est battue elle aussi pour trouver sa place dans une société très marquée par les castes.

Thanatose, Frédéric Bécourt (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 06 Février 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Thanatose, Frédéric Bécourt, Éditions Héliopoles, janvier 2025, 264 pages, 23 €

 

« La scène, le décor mon propre corps flasque et sans vie, c’était une vision saisissante de vérité. Une vision irréelle mais vraie. Il me semblait leur avoir parlé aussi mais je l’ai peut-être rêvé. Enfin, je veux dire, pas tout, pas les tirs et le sang. Mais la fin, peut-être, après être tombé sur le sol… Non, la mort, je l’ai bien ressentie, elle. Physiquement. Intimement ».

Guillaume, le narrateur du nouveau roman de Frédéric Bécourt, est frappé de Thanatose lors d’une fusillade. Il s’effondre, comme mort, il ne simule pas la mort, c’est la vie qui semble le mettre à l’abri, en le faisant passer pour mort, comme certains animaux se retirent d’une vie visible face au danger. C’est ainsi que débute ce roman, porté par un narrateur âpre, au caractère volcanique, ses pensées, ses réactions et ses mots, sont par instant des pierres incandescentes ; il se montre loin de tout, des sensations et des sentiments, en tout cas le croit-on durant une grande part du roman. Si Guillaume échappe à la mort réelle, pour un état de vie suspendu, son amie Alice n’a pas cette chance.

Rome sous la pluie (Beard’s Roman Women), Anthony Burgess (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Février 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, En Vitrine, La Découverte, Cette semaine

Rome sous la pluie (Beard’s Roman Women), Anthony Burgess, Editions La Découverte, trad. anglais, Georges Belmont, Hortense Chabrier, 165 pages Edition: La Découverte

 

Loin, très loin des amateurs de cartes postales. La Rome de Burgess est désespérante, inondée de pluies continuelles, sombre, peuplée de personnages douteux et de fous dangereux. Beard, le héros du roman, y trace une route erratique dans les ruelles du Trastevere et dans les abysses de sa vie personnelle. Leonora, sa femme, y meurt dans les premières pages de cirrhose du foie, ouvrant sous ses pas le gouffre d’une dérive incontrôlable. Enfin, il paraît qu’elle meurt, ce qui semble contredit par les coups de téléphone et les messages qu’il reçoit d’elle.

Burgess est un écrivain de la démesure, on le sait avec Orange Mécanique et Les puissances des ténèbres. Le souffle rabelaisien qui anime ses personnages emporte tout sur son passage. La Rome baroque fait écrin à ce roman qui ne l’est pas moins, une Rome disséquée, photographiée (en biais), détestée, injuriée et… grande parce que folle comme les fous du roman.

Lorraine brûle, Jeanne Rivière (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 05 Février 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard

Lorraine brûle, Jeanne Rivière, Gallimard, Coll. Sygne, janvier 2025, 182 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

Comment être au monde autrement, comment éviter le piège du conformisme rassurant mais ennuyeux ? Ce sont ces questions auxquelles tente de répondre l’auteure dans ce roman qui met en scène une narratrice qui semble toujours au bord du gouffre, sans cesse en quête d’un sens qui tarde à se faire jour, une quête perpétuelle pour échapper au pire, le piège du quotidien, du couple, de la famille…

Nous sommes, comme le titre le suggère, en Lorraine. La narratrice y vit, et la décrit d’une façon qui laisse peu de place au doute : « Metz ici Metz. On aime le crade. On érige le trash en esthétique. La turpitude est notre maison mère. On se pose des lapins, on se ment, on prend de la drogue en cachette. On fait des fanzines avec des emballages de boîtes de méthadone, on met en scène des cures de désintox. On a la gueule de bois rien qu’en passant devant un bar. On flirte un peu trop avec la mort ».