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Pays nordiques

Notre plage nocturne, Stig Dagerman (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 26 Novembre 2024. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Editions Maurice Nadeau

Notre plage nocturne, Stig Dagerman, Éditions Maurice Nadeau Poche, juin 2024, trad. suédois, Carl Gustaf Bjurström, Lucie Albertini, 205 pages, 10,90 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Après le livre de nouvelles Les Wagons rouges (1) réédité en format poche en 2022 par les Éditions Maurice Nadeau, c’est au tour d’un second recueil de nouvelles, Notre plage nocturne, d’être disponible dans ce format, dans une réédition revue et corrigée par Patryck Froissart et Laure de Lestrange.

Les œuvres de Stig Dagerman, romans, pièces de théâtre et nouvelles, plongent dans les réalités douloureuses de l’existence et décortiquent les sentiments de peur, de culpabilité et de solitude. Ses écrits s’inscrivent ainsi dans un mouvement littéraire suédois des années 40, en anglais, le fortiesism, marqué par un pessimisme certain et centré sur des questions existentielles.

Si dans Les Wagons rouges le fantastique tient une place importante dans ses nouvelles, il tend à s’estomper dans Notre plage nocturne pour se concentrer sur les destins d’hommes et de femmes qui ne sont ni des héros ni même des anti-héros. Simplement des humains, d’une humanité qui confine au banal ; souvent des perdants, qui vivent dans une forme d’illusion sur eux-mêmes et sur leur entourage, des solitaires par choix, par obligation, voire par nature.

Démolition, Anna Enquist (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 17 Juin 2024. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Démolition, Anna Enquist, Actes Sud, janvier 2024, trad. néerlandais (Pays-Bas), Emmanuelle Tardif, 320 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Anna Enquist Edition: Actes Sud

 

Comme des variations musicales

La musique et la littérature entretiennent des liens souvent étroits, des formes de correspondances ou d’étonnants cheminements parallèles. Du côté littéraire, un auteur peut poursuivre une musique des mots ou construire son récit comme une symphonie ; et du côté musical, une partition peut être narrative ou chargée d’éléments littéraires. Les exemples ne manquent pas de ces échos que ces deux arts font résonner. Pour en rester aux grands classiques, Stendhal, Gide, Alejo Carpentier dans le somptueux Concert Baroque, et Wagner, Berlioz, Satie, ont regardé, chacun à leur façon, de l’autre côté de la barrière qui enclot leur domaine de création. On pense immanquablement à toute cette tradition en lisant Démolition d’Anna Enquist, dont la musique parcourt nombre de ses romans. L’éditeur nous présente la romancière comme l’une des plus grandes auteures d’aujourd’hui aux Pays-Bas, mais, avouons-le, la déception est aussi au rendez-vous dans ce récit. Mais, après tout, n’est-ce pas au lecteur d’imaginer ce qu’aurait pu être un roman ?

Mademoiselle Julie, August Strindberg (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Mars 2024. , dans Pays nordiques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Théâtre

Mademoiselle Julie, August Strindberg, édition Ulf Hallberg, Coll. Folio/Théâtre, octobre 2023, trad. suédois, inédite, Alain Gnaedig, 240 pages, 8,90 €

 

« Dans ce drame, je n’ai pas essayé de faire quelque chose de nouveau – cela est impossible. J’ai seulement tenté de moderniser la forme selon les exigences que, à mon sens, les hommes de notre temps posent à l’art du théâtre ».

Ainsi s’exprime August Strindberg dans la Préface à Mademoiselle Julie, rédigée peu après la pièce et publiée dans le même volume en 1889. « Moderniser la forme », c’est être au diapason, dans cette ville de Copenhague où réside Strindberg et qui est alors surnommée la « Paris du Nord », avec ce que les auteurs français créent en ces années 1880, dans leurs romans ou sur scène, les exemples à suivre étant les Goncourt et Zola – avec lequel l’auteur suédois correspondra.

Chien sauvage, Pekka Juntti (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 18 Décembre 2023. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Chien sauvage, Pekka Juntti, éd. Gallmeister, septembre 2023, trad. finnois, Johanna Kuningas, 464 pages, 25,40 € Edition: Gallmeister

 

Ce premier roman d’un journaliste finlandais impliqué dans la cause environnementale raconte une belle aventure humaine : celle de Samuel, jeune homme âgé de dix-neuf ans, qui part vers le Grand Nord, la Laponie, pour vivre son rêve, devenir meneur de chiens de traîneau. Arrivé dans l’élevage tenu par Matti et Sanna, il est confronté à la réalité la plus crue, celle du nettoyage des cages, de la mise à mort d’un chien incapable de survivre dans ces terres sauvages, mais aussi celle des visiteurs à qui il faut sourire et parler – mais le plaisir des chiens l’emporte. L’aventure se concrétise lorsque Trond, un autre musher, perd deux chiens qui s’ensauvagent aussitôt, Nanok et Inuk. Pour Samuel, qui désire avant toute chose échapper au sort familial, celui de la mine, c’est l’envol vers son rêve : après avoir capturé Inuk, retrouver Nanok en respectant la forêt, les us des éleveurs de rennes, bref être l’égal des personnages du roman Baldy de Nome, signé Esther Birdsall Darling, qui l’a envoûté enfant.

Ehrengarde, Karen Blixen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Ehrengarde, Karen Blixen, Folio, février 2023, trad. anglais (Danemark), Doris Febvre, 112 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dû à l’adaptation cinématographique du roman La Ferme africaine (1942) sous le titre Out of Africa et de la nouvelle Le Dîner de Babette (1958) sous le titre Le Festin de Babette, le reste de l’œuvre de la Danoise Karen Blixen est quelque peu éclipsé par ces deux récits, plus qu’appréciables au demeurant. L’occasion est donc belle d’évoquer son talent narratif le temps d’un conte publié de façon posthume, Ehrengarde.

En une centaine de pages, Blixen démontre un talent de conteuse ludique extraordinaire, se jouant du lecteur comme des règles narratives. En effet, la narratrice d’Ehrengarde prétend au secret (« Je ne vais pas vous donner le véritable nom de ce pays, ni celui des dames et des nobles seigneurs de cette histoire ; cela leur aurait déplu ») mais dévoile peu à peu un certain rapport au réel – qui éclate à la fin du conte de façon plus que plaisante. De surcroît, Blixen mélange les genres : Ehrengarde débute tel un des contes collectés par les frères Grimm (« Le grand-duc et la grande-duchesse de Babenhausen demeurèrent longtemps sans enfants, ce qui les affligeait profondément »), et continue à la façon d’un conte libertin du XVIIIe siècle français (le personnage masculin principal, Cazotte, envoie des lettres dignes d’un Valmont), pour finir avec l’éclat d’une belle ironie historique :