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Pays nordiques

Le Bois, Jeroen Brouwers (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Janvier 2021. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le Bois, Jeroen Brouwers, octobre 2020, trad. néerlandais Bertrand Abraham, 352 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Du ressentiment au couvent

Il faut imaginer un lieu au nord de l’Europe, une région au parler rugueux, à l’atmosphère brumeuse ou neigeuse. Il faut imaginer encore un lieu quelque peu perdu, une petite ville minière, tout près de la frontière allemande dans le Limbourg, province catholique dans la Hollande protestante. Il faut imaginer également une époque, celle des années 50, au sortir de la guerre, engoncée dans ses conventions, son conformisme et ses préjugés. Et dans ce cadre spatio-temporel, il faut enfin imaginer un pensionnat de garçons, tenu par des franciscains, un ordre monacal qu’on appelle des « frères mineurs » ou encore un « ordre mendiant ».

A tous ceux qui ont connu l’expérience du réfectoire, des salles d’études ou du dortoir en internat ou la promiscuité d’une chambrée, ce livre de Jeroen Brouwers rappellera quelques souvenirs, bons ou mauvais, traumatiques peut-être. Des récits de collège abondent dans la littérature (Musil, Vallès, Montherlant, pour les classiques), à croire que ces lieux de confinement accentuent les tensions humaines et exacerbent désirs et passions, mais ce récit du romancier hollandais dénote particulièrement par la noirceur du ton.

Tigre, Jan Jutte (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 23 Octobre 2020. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Tigre, Jan Jutte, Editions des Eléphants, octobre 2020, trad. néerlandais, Inge Elferink, 56 pages, 15 €

 

Entre forêt et jungle

Le dessinateur et peintre Jan Jutte, né en 1953, diplômé des Beaux-arts d’Arnhem, a illustré des textes d’auteurs très populaires dans son pays, tels que Guus Kuijer, Sjoard Kuyper, Toon Tellegan, etc. Il travaille aussi pour la presse et le théâtre, et a été trois fois lauréat du Prix du Pinceau d’or. Dans ce nouvel album jeunesse, Tigre, l’histoire commence par les pérégrinations habituelles d’une petite dame fantasque qui aime se promener. Joséphine, cette douce grand-mère, vit seule. Dans un paysage de neige, dépouillé, elle va rencontrer inopinément un tigre à la fourrure rousse rayée de noir. Nous savons que le tigre est le plus grand prédateur sauvage carnivore terrestre et le roi des animaux. Dans la mythologie hindoue, il sert de monture à Durga. Il est également le symbole de libération nationale sur les colons anglais du Bangladesh, de l’Inde et de la Malaisie. Dans le texte de Jan Jutte, il s’agit plutôt d’un tigre de papier, ni agressif, ni féroce, ni jaloux… Dès la surprise passée, Joséphine adopte aussitôt le magnifique félin comme nouveau compagnon.

Être dans ce qui s’en va, Tarjei Vesaas (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 19 Octobre 2020. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Être dans ce qui s’en va, Tarjei Vesaas, éditions Editinter / Rafael de Surtis, Coll. Pour une rivière de vitrail, 2006, trad. néo-norvégien, Eva Sauvegrain, Pierre Grouix, édition bilingue, 124 pages, 17 €

 

On pourrait être tenté de définir la poésie de Tarjei Vesaas par la négative en disant qu’elle n’est ni concrète ni métaphysique, ni réaliste ni métaphorique parce qu’au fond elle est un peu tout cela à la fois. Véritable aboutissement d’une œuvre littéraire conséquente qui rapproche son auteur de ses illustres compatriotes Henrik Ibsen ou Knut Hamsun, elle est, à la différence de ses romans et nouvelles, inédite en français. Poésie d’une rare intensité, traversée d’un fort sentiment de la Nature, de la vie, de l’amour et de la mort mais aussi d’un sens aigu des apparences et de leur jeu. Car, chez Tarjei Vesaas, le poème ne s’arrête pas à ce qu’il décrit ou même suggère, il va plus loin, il ouvre un autre horizon, il se diffracte. Il cherche à creuser sous la surface ou le vernis des images et des mots.

C’est ainsi que l’on pourrait qualifier cette poésie de poésie des profondeurs, tant le thème du souterrain, de ce qui est caché, des racines y est prégnant, tout ce travail invisible des « choses (qui) / se rencontrent en lutte dans les profondeurs ». Sonder « la profondeur du feu » alors que « calme est la surface » et que « l’obscurité vient d’en haut », voilà l’ambition suprême du poète, qui est non pas d’inverser, encore moins de détruire, mais de révéler.

La fenêtre au sud, Gyrðir Elíasson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 06 Octobre 2020. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La fenêtre au sud, Gyrðir Elíasson, La Peuplade, 2020, trad. islandais, Catherine Eyjólfsson, 168 pages, 18 €

 

Deuxième volet d’un triptyque sur la solitude dont le premier est Au bord de la Sandá (La Peuplade, 2019), La fenêtre au sud est le journal d’un écrivain qui peine à écrire – ce dont on ne s’étonne guère en lisant son sujet : « l’histoire d’un couple qui se rend dans un hôtel de montagne à l’étranger pour revigorer son union ». Retiré dans une petite maison au bord de la mer, demeure d’un ami séjournant à l’étranger, il mène une vie solitaire dont il consigne minutieusement les menus faits, sur le ton de l’observation.

Dès la première page, une atmosphère sombre, épaisse et lourde est posée : maisons tassées, ciel couvert, brouillard infini, algues amoncelées… jusqu’au narrateur, qui se couvre de glace comme certaines montagnes. Tout est noir, ou gris, et même les éléments a priori anodins – nuit qui tombe, couvercle de la machine à écrire… – accentuent une sensation d’écrasement qui rappelle, l’angoisse en moins, certain couvercle baudelairien.

Absolution, Yrsa Sigurdardottir (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Pays nordiques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Actes Noirs (Actes Sud)

Absolution, Yrsa Sigurdardottir, juin 2020, trad. Catherine Mercy et Véronique Mercy, 384 pages, 23 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Peu de temps après qu’un crime a été commis, la police islandaise en visionne le film enregistré par les caméras de surveillance. On entre brutalement dans une histoire qui donne froid dans le dos. Stella, une jeune femme, travaille comme ouvreuse dans une salle de cinéma. À la fin de son travail, on la voit devant une grande silhouette en carton en train de manipuler son téléphone portable pour faire des selfies puis, elle disparaît des caméras sans doute pour se diriger vers les toilettes. Sur la vidéo, on peut apercevoir, la suivant discrètement et disparaissant en même temps, une personne déguisée en Dark Vador. L’individu déguisé réapparaît sur un autre plan pris dans le couloir menant à l’issue de secours. Dark Vador traîne Stella gisant sur le sol en la tirant par la cheville, il s’arrête, fixe du regard un extincteur, le décroche et l’abat de toute ses forces sur la tête de la jeune femme. On voit le corps se convulser puis le sang s’échapper du crâne de Stella.