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La Une CED

Le rêve du jaguar, Miguel Bonnefoy (par Sandrine-Jeanne Ferron)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 13 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le rêve du jaguar, Miguel Bonnefoy, éditions Payot-Rivages, 2024, 294 pages, 20,90 €

 

Amis écrivains (s’il vous plaît, restons neutre), nous vous en conjurons !

Désécrivez !

Épargnez-nous, pauvres lecteurs que nous sommes.

Les mines antipersonnel du terrain littéraire.

Les écueils de la nouvelle narration.

Les apparats.

Et rendez grâce aux histoires.

Les mains dans le réel, sans se justifier de le manier pour le rendre intangible, Miguel Bonnefoy n’est d’aucune école, hormis peut-être celle du réalisme magique. L’art du conte et le foisonnement des images.

Le Rêve d’un langage commun, Adrienne Rich (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 12 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Rêve d’un langage commun, Adrienne Rich, L’Arche Éditeur, janvier 2025, trad. anglais, Shira Abramovitch, Lénaig Cariou, 176 pages, 19 €

 

Une poétique au féminin

Cet ouvrage bilingue, au titre éloquent, Le Rêve d’un langage commun (The Dream of a Common Language), présente des poèmes d’Adrienne Rich, hérités du spoken word, une technique de poésie à voix haute, réunissant « la poésie et le politique », c’est-à-dire une prise de parole active, parole « de droit, la parole vive, qui devient action par son incantation » (Claire Stavaux). Les poèmes d’Adrienne Rich, née en 1929 à Baltimore et décédée en 2012 à Santa Cruz, poétesse, essayiste, critique littéraire, professeure d’université et théoricienne féministe, sont d’une beauté saisissante. Fin 1953, elle épouse un économiste, Alfred H. Conrad avec lequel elle aura trois enfants. L’un de ses essais les plus célèbres, Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence (La Contrainte de l’hétérosexualité et l’existence lesbienne), expose sa théorie du « continuum lesbien » contre l’hétérosexisme, essai qui a eu un fort retentissement au sein de la pensée féministe – essai souvent comparé à La Pensée Straight de Monique Wittig.

La Danse, Philosophie du corps en mouvement, Alexandre Lacroix (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mardi, 11 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Danse, Philosophie du corps en mouvement, Alexandre Lacroix, Allary Editions, janvier 2024, 239 pages, 20,90 €

 

La danse a toujours eu un goût légèrement insaisissable pour les philosophes… Même si la danse a selon Platon une fonction éducative, la danse est loin d’être un sujet qui prête à l’abstraction. Rares sont les ouvrages philosophiques sur la danse, en dehors d’un Nietzsche danseur et Philosophie de la danse de Paul Valéry. Pourtant, bien danser revient à réconcilier l’âme et le corps. La danse semble incarner l’élan vital de Bergson, comme une force créatrice et évolutive qui réanime le corps et lui fait atteindre la grâce.

« Les gens qui réfléchissent dansent trop mal en général »… Dès les premières pages, Alexandre Lacroix donne le tempo en reconnaissant un certain malaise du philosophe face l’impératif social de danser lors de soirées festives. Cette confession résonne avec l’anecdote du philosophe Alain sur le mille-pattes, qui ne pourrait pas marcher s’il commençait à réfléchir à chacun de ses pas.

Dans la forêt qui manque, Shiho Kasahara (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Dans la forêt qui manque, Shiho Kasahara, éditions Quartett, Coll. Théâtre, octobre 2024, 95 pages, 14 €

 

Passage

Tout est passage dans cette pièce de Shiho Kasahara. L’on passe de Tokyo à Paris, l’on voyage d’un aéroport à un autre, d’un avion à l’autre. On va et vient. On ne reste pas immobile, et c’est peut-être là une question de dramaturgie. On se meut d’un univers culturel à l’autre. On suit les développements de l’histoire de la pièce comme témoignage d’une quête d’identité. On sent l’auteure vraiment partagée entre deux cultures. Un mélange instable et qui n’en finit pas de ne pas être une émulsion.

D’un côté le Japon, terres du père, et de l’autre, la France, forêt de la mère. Aucun des deux parents n’a le dessus, les deux sont énigme et interrogation, comme deux forêts qui ne se ressemblent pas, ici des châtaigniers, là des banzaï. C’est un univers biparti, double et cependant absolument mêlé en lui par des langues étrangères l’une à l’autre. L’héroïne cherche la suture, un brassage, des rapprochements dans l’univers familial composé de deux présences culturellement teintées.

Parler avec sa mère, Maxime Rovere (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 06 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Parler avec sa mère, Maxime Rovere, Flammarion, janvier 2025, 288 pages, 21 €

 

Une mère, écrit l’auteur, ne nous donne pas « la vie » (car elle-même l’a reçue, et la lignée des corps vivants fait seulement passer son courant cosmique par son corps), mais elle nous donne, normalement, « la naissance » (accoucher, c’est pouvoir faire authentifier son passager clandestin, et devoir élever ce qu’on expulse de sa petite poche d’océan). Chaque petite maman aura donc parlé – c’est le moins qu’on puisse dire – avec le début de nous-même, de même que tout ce qui a été enfant humain parle jusqu’au bout avec elle, donc parle un jour, aussi, normalement, avec la fin d’elle. Car cette mort a aussi, montre Maxime Rovere, une voix maternelle : « Il y a bien une fonction maternelle qu’une mère, comme tout individu humain, remplit en mourant ; faisant migrer l’énergie d’un niveau d’organisation à un autre, sa mort alimente le cycle qui permet à l’espèce humaine de se renouveler ; l’individu-mère est alors réintégré à une mère de second degré, qui n’est autre que le mouvement d’individuation de l’humanité, lui-même inscrit dans le mouvement d’individuation du système terrestre » (p.244). Cette originale remarque mérite restitution de son cheminement.