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La Une CED

Une merveilleuse arithmétique de la distance, Audre Lorde (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 04 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, USA

Audre Lorde, Une merveilleuse arithmétique de la distance (The Marvelous Arithmetics of Distance), trad. Noémie Grunenwald, Providence Garçon, 152 p., 2025, Bilingue, Gallimard, 26€

 

Entre adieu et lutte

 

Audre Lorde, née en 1934 à New York de parents immigrés de la Grenade, élève brillante, en dépit de difficultés familiales, obtint un diplôme en sciences de l’information et des bibliothèques. Après avoir exercé différents emplois, elle travailla comme bibliothécaire à la Town School de New York. Poétesse, son recueil Charbon, daté de 1976, lui apporta une reconnaissance plus large. Elle a écrit des essais féministes et queer, des romans, ainsi qu’un Journal du cancer. Elle est devenue une figure influente du Black Arts Movement et fut Poète lauréat de New York. Mariée deux fois, mère de famille, elle partagera la fin de sa vie avec Gloria Joseph. Elle a mis à profit son talent littéraire afin de lutter contre le racisme et pour les droits LGBTQ+. Comme nous le confie Fatou S., dans sa préface, « les écrits de Lorde, dont Sister Outsider, m’ont aidée (…) en tant que gouine, noire, malade ».

Personne dis-tu, Marc Dugardin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 03 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Personne dis-tu, Marc Dugardin préface de Anouk Delcourt, Rougerie, avril 2025, 64 p. 12 €

 

Marc Dugardin (né en 1946) est un poète (belge) discret et juste ; le poète des présences délicates et des (expressives et merveilleuses) lacunes de la vie. Par exemple, aux étoiles (belles, mais lointaines et figées), il préfère les nuages, et peut, d'une formule, en dire tout : "flottants/ indéterminés/ précis comme les trous/ d'un rêve dans la mémoire" (Table simple, p.64), et, s'ils passent et se dissipent, ils le font penser à ces autres passants - les humains, qui, eux, ont un regard, et, au contraire des nuages, savent qu'ils passent et que nous passons, et sont, eux, nos vrais "miroirs", que nous négligeons. Dugardin est un poète de la présence (parfois terrible) des autres, et de l'absence (parfois sublime) du sens : on comprend mal, parfois, ses formules elliptiques, mais ce qu'il saisit du monde nous saisit aussitôt ! Quand il parle de "la mer/ violemment/ en paix avec elle-même", on ne sait pas trop où on est, mais on y est directement.

Les Cavales, 2, Hervé Micolet (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Les Cavales, 2, Hervé Micolet, éd. La rumeur libre, 236 p., 2025, 20 €

 

Je résumerais l’essentiel du dernier recueil d’Hervé Micolet, tentative profuse et audacieuse, par le terme de plain-chant. Car, ce n’est pas un rhapsode qui écrit, mais un musicien qui compte avec exactitude le rythme voulu du poème, d’un chant à une voix. Les poèmes sont donc résolument tournés vers des formes anciennes ou archaïques. On est davantage à la Renaissance ou l’Antiquité que dans une écriture post-moderne (à moins que cette tentative signifie justement une post-modernité). J’admire le travail dont ce livre fait l’objet, lequel conserve une cohérence et une continuité où l’on devine un labeur important, un travail où chaque strophe pourrait s’apparenter à un neume. Cette « partition » est tournée vers un ailleurs, un autre temps (et l’on sait que l’œuvre d’art met en danger le temps). En bref, c’est une langue voluptueuse et recherchée.

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 28 Mai 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc, Éditions Douro

Une écriture cathartique, afin d'opiniâtrement résister aux vents et marées. Le Phare : la Littérature (le lirécrire), avec ses "phares allumés" (Baudelaire). Dans ce deuxième livre publié chez Douro, le poète-écrivain Alain Marc –auteur d'un essai remarquable et remarqué : Écrire le cri (préfacé par Pierre Bourgeade) puisqu'il remonte jusqu'à la source de l'Ecrire– exprime sa persévérance au sein de la matière brute et noire de la Littérature en tant qu'écrivain et lecteur, matière subtile coexistant avec celle baryonique, ordinaire. Par son influence gravitationnelle, alchimique et ascensionnelle, la Littérature émet des voix sidérales énergiquement influentes sur le monde observable. Son agonie actuelle serait comme un refroidissement jusqu'à l'invisibilité d'une naine blanche... Mais le poète, opiniâtrement debout, reste dressé jusqu'à se brûler sur cette extinction progressive, dressé sur les traces incandescentes d'une Littérature aujourd'hui en berne. C'est bien plutôt son cheminement ardu d'écrivain que nous suivons ici, avec ses aléas, semé d'embûches et de ses difficultés en Littérature à avancer, à pouvoir voir propulser son œuvre dans la lumière publique.

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Mai 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson, éd. de Corlevour, 127 p., 2025, 18 €

 

Présence

Dans ce recueil de poèmes de Dorian Masson, nous sommes en face d’une présence. Présence du poète, mais dédoublé bien souvent par la présence d’une aimée, d’un autrui, d’un Autre au sens fort du terme, c’est-à-dire capable de restituer entièrement la présence de l’Autre en soi, de l’imager jusqu’à l’ipséité. Donc, un autre, une autre constitutive de la personnalité de l’identité de soi.

Le recueil mêle l’omniprésence de la personne du poète (avec sans doute un degré de narcissisme qui rend vive cette poésie) au milieu d’une expérience unique de l’amour partagé, unique et qui autorise à juguler la compagnie de l’autre, compagnie à la fois physique et métaphysique, rencontre tout autant physique que sur le papier du poème. Car cette écriture tente de retarder l’heure de l’absence. Que cela soit autour d’un TU que d’un Vous, autrui est un horizon d’attente.