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La Une CED

Livre plein pour maison vide (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 25 Novembre 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Laurent Mauvignier La maison vide éd de Minuit 744 pp 25 €

 

Un chef d’œuvre ! Oui. N’ayons pas peur du mot. Comme on le dit pour les Compagnons du Tour de France.

Laurent Mauvignier aura écrit, créé, modelé, sculpté, formé, dessiné, chantourné son chef d’œuvre.

Au moins quinze œuvres précèdent le chef d’œuvre comme autant d’étapes belles et puissantes, pas sublimes ! Loin d’eux, Ceux d’à côté, Tout mon amour, Seuls, Le lien, Dans la foule, Histoire de la nuit. La narration de quelques titres vaut déjà synopsis, non ? Ou voyage !

La maison vide n’est plus à défendre.

Le livre roule tout seul. Tout indique que les signaux de vente prouvent qu’il se lit de bouches lectrices à oreilles lectrices. Tout porte au Prix et c’est justice ! Tant ce livre est épais, balzacien, proustien, durassien (première époque), ou peut-être claudesimonien !

Trois éclipses, Etienne Allaix (par Olivia Guérin)

Ecrit par Olivia Guérin , le Mardi, 25 Novembre 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Trois éclipses, Etienne Allaix, Editions Rue Saint-Ambroise, collection « Suites », Mars 2025, 130 pages, ISBN 9782487294035, 14 euros.

 

Avec Trois éclipses, Étienne Allaix signe un triptyque original, constitué de trois nouvelles relativement étoffées (d’une trentaine ou quarantaine de pages chacune), qui ont en commun de mettre en scène des impostures.

La pièce inaugurale – et maîtresse – du recueil est la nouvelle « Lynn » : guide touristique à Berlin, Lynn se perd lors d’une de ses visites avec son groupe, alors qu’elle est censée connaître la ville par cœur. Son égarement devient le moteur d’une fiction : pour sauver la face, elle invente les éléments de sa visite guidée. Et y prend un plaisir manifeste.

C’est de cette première imposture que découlent les deux autres nouvelles. Dans l’imagination fertile de Lynn prend vie le personnage de Sokine, peintre expressionniste raté du 19e siècle, qui connait lui aussi d’étranges moments d’« éclipse » de la raison. Puis celui de Barbara, directrice de galerie d’art ayant acquis des toiles de Sokine, et qui s’éclipse elle aussi dans un ultime pied-de-nez au milieu berlinois de l’art contemporain.

Le Dinosaulyre, Guillaume Métayer suivi de l'Étymosaure (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 24 Novembre 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Ecriture

Le Dinosaulyre, Guillaume Métayer suivi de l'Étymosaure - Illustrations de Djohr - à partir de 7-8 ans - Les Belles Lettres, 96 pages, octobre 2025, 11 €

 

Livre en main, j'expliquais la catastrophe obscure ;

Qu'entre le Crétacé et le Paléocène,

Même si crocodile et tortue survécurent,

Sauropodes soudain ont dû quitter la scène :

 

"Un scoop sans journaliste, un drame sans sponsor.

L'extinction des Dinos, mais retiens ce prodige :

La fossilisation de ces titanosaures

Dont nos yeux dans le sol épousent le vertige.

Les Rues parallèles, Gérald Tenenbaum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 24 Novembre 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Les Rues parallèles, Gérald Tenenbaum, Cohen et Cohen, octobre 2025, 136 pages, 20 €.

 

On surprend en général les étudiants et les personnes qui n’ont guère réfléchi à ce qu’est la littérature (envisagée comme un champ spécifique de l’expérience humaine, voire comme une activité propre à l’humanité – la danse des abeilles est fascinante, mais aucune abeille n’a jamais dansé pour signaler un champ de fleur qui n’existerait pas) en leur disant qu’il est plus difficile de réussir une nouvelle qu’un roman. Ils voient dans cette affirmation une forme de paradoxe, ne s’arrêtant qu’à la quantité de temps et de travail requis (il est a priori plus long d’écrire un roman de cinq cents pages qu’une nouvelle de dix). Mais, même s’ils sont tous deux des représentants du genre narratif, roman et nouvelle obéissent à des lois différentes. Là où le roman peut se permettre de prendre son temps (faculté dont les romanciers abusent souvent) et de ne pas entrer dans le vif du sujet avant plusieurs dizaines de pages, ce qui constitue un bon moyen d’irriter les lecteurs, la nouvelle requiert dans son résultat rapidité, nerf et concentration. Ainsi s’explique en partie le fait que, si les maîtres du roman sont nombreux, ceux de la nouvelle se comptent sur les doigts de la main. On connaît la remarque de Claude Roy :

Ainsi parlait Platon - Dits et maximes de vie choisis et traduits du grec ancien par Emmanuel Pasquier (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 20 Novembre 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Anthologie

Ainsi parlait Platon - Dits et maximes de vie choisis et traduits du grec ancien par Emmanuel Pasquier. Édition bilingue, Arfuyen, octobre 2025, 192 pages, 14€

 

Socrate prétendait ne rien savoir, mais ajoutait qu'il pouvait faire se contredire ceux qui prétendaient savoir. Et il le pouvait admirablement. Mais où et comment son âme alors pouvait aller chercher tout ça, et quelle réalité de la vérité devait animer chez lui son exigence d'elle, il l'ignorait : Socrate examinait les discours sans disposer d'une théorie de la connaissance, comme il examinait les vies sans autre doctrine morale que son souci de définir les vertus. Il savait seulement contredire l'opinion fausse et la conduite injuste sans savoir comment il y parvenait (pas besoin à la sage-femme de savoir ce qu'est la vie pour faire accoucher d'elle, ni à l'accoucheur des âmes ce qu'est l'esprit). Socrate savait seulement ce qu'il n'était pas : un sophiste. Le sophiste est le professionnel itinérant d'un art de parler qu'il propose d'enseigner ; Socrate est l'amateur sédentaire d'un art de rectifier qu'il aime (gracieusement) proposer. Son incessant bavardage n'est qu'hémorragie salutaire d'une puissance méditative sans répit ni équivalent. Mais il ne parle que pour faire taire le non-sens, et "ne cambriole les discours (des autres) que pour les enrichir" (Martine Lucchesi).