Tu n’aimes pas encore si ta vue ne transgresse pas les limites du visible, si ton ouïe ne perçoit pas les changements et soupirs du silence, si tes mains ne savent pas effleurer l’autre à travers la distance, l’étreindre dans l’absence. Non, tu n’aimes pas encore.
Le temps est en arrêt et le visible en crue.
Ce sont pour des phrases comme celles-ci que ça vaut le coup de se lever le matin, peu importe ce qu’il y a sur la table. L’émotion pour que la vie soit mémorable. Les êtres. Ce texte n’est pas une note de lecture, il est un hommage. Une lettre de remerciement adressée au personnage de Déborah. L’arrière-grand-mère de l’enfant Tobie. Ce sont deux des personnages majeurs du livre de Sylvie Germain. Les êtres autour de la table.
Déborah venait de loin, loin dans le temps et dans l’espace. Elle était née avant le siècle dans un village de Galicie polonaise, et jusqu’à l’âge de dix-neuf ans elle avait vécu dans son shtetl situé en bordure d’une rivière nommée Lubaczówka.