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La Une CED

Voyous de velours ou l’Autre Vue, Georges Eekhoud (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mardi, 03 Octobre 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Voyous de velours ou l’Autre Vue, Georges Eekhoud, éditions GayKitschCamp, 2015, 180 pages (notes et analyses de Mirande Lucien), 20 €


« beaux de la beauté primordiale, brutes libres et impulsives, candides dans leur perversité même »

Voyous de velours, publié par le Mercure de France en 1904 sous le titre L’Autre Vue, puis sous son titre définitif en 1926 à La Renaissance du livre, constituera pour les curieux une excellente introduction à l’univers (à l’imaginaire, aux fixations, à la géographie intime, à la langue) de Georges Eekhoud, né en 1854 comme Rimbaud. On peut en effet considérer ce bref récit comme une sorte de manifeste romanesque où l’auteur, à travers le personnage de Laurent Paridael, déjà présent dans La Nouvelle Carthage en 1888 et soudain ressuscité puisqu’il y disparaissait lors d’un incendie, donne l’impression d’avoir essayé de condenser une vision du monde et une vision de la société – une érotique et une éthique.

Les Cavales, I, Hervé Micolet (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Octobre 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Les Cavales, I, Hervé Micolet, La rumeur libre éditions, mars 2023, 240 pages, 20 €

 

Profondeur

Qu’est-ce qu’une poésie de la profondeur ? est-ce un exercice raffiné jouant sur le degré de compréhension du lecteur ? ou une poésie qui fonctionne par des couches de langage qui figurent la profondeur d’un texte ? Je dirais au sujet du travail d’Hervé Micolet que les deux propositions sont pertinentes et non antagonistes. Nous sommes à la fois dans des textes ouvragés et travaillés en finesse (de l’espèce des pierres fines), et dans une condensation des faits, des idées et des événements qui affleurent de façon presque invisible sur la zone scripturale des poèmes. Nous sommes au beau milieu d’une question grave pour le poète.

Doit-on rester toujours perceptible ? ou avons-nous comme poète le droit moral à cette invisibilité, à un chevauchement des signes qui se débordent, pour alimenter le fond ambigu du poème ? Cette visibilité n’échappe pas au rédacteur, car l’acte poétique aborde le sens qui se trouve soit ambigu soit mystérieux, ou plutôt mystérieux et ambigu. Et la poésie de H. Micolet aborde cette problématique. Cette poésie exprime un état d’être tout en étant physiquement tributaire du vide. Et triompher de cette aporie conduit le lecteur. Le destine à l’Être.

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Septembre 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney, Folio, mai 2023 : L’Enfant de poussière, 800 pages, 10,90 €, La peste et la vigne, 720 pages, 10,90 € & Les chiens et la charrue, 784 pages, 10,90 €

 

Avant de se lancer dans l’écriture du Cycle de Syffe, l’œuvre de sa vie à l’en croire, le Français d’adoption Patrick K. Dewdney a publié quelques romans noirs et un recueil de poésie ; sans les avoir lus, on les imagine volontiers comme des galops d’essai, des tests stylistiques qui lui ont permis de s’aguerrir avant le plongeon dans les tumultes de la vie de Syffe, personnage complexe qui, de l’âge de huit ans à celui de vingt-deux ans, celui atteint à la fin du troisième tome de son « cycle », Les chiens et la charrue, connaît l’équivalent de plusieurs vies mouvementées pour dire le moins. Il est vrai que lui-même, puisqu’il est le narrateur de ces vies, se présente comme le « spectateur d’une époque convulsée », et affirme ceci le concernant : « Mon unique qualité récurrente était une chance insolente en dépit de mes malheurs, et même lorsque j’avais pris une part plus active dans les péripéties de mon existence, je me révélais tout simplement incapable de m’approprier quoi que ce soit ». Il est vrai que ce personnage a ceci de particulier que rien ne semble lui être destiné de pérenne : il assiste voire prend part au succès d’autrui puis repart sur les routes, quand il n’y est pas rejeté de force.

Combinaisons, Denis Ferdinande (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 26 Septembre 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Combinaisons, Denis Ferdinande, Éditions Atelier de l’Agneau, Coll. Architextes, mai 2023, 198 pages, 23 €

Et si nous allions, de la périphérie de l’écriture vers son centre ? À savoir : partant des objets qui l’exécutent à même la table d’écriture, puis, « – dérivant –, l’écriture prenant graduellement le pas », enfin, comme une apparition dans la matière noire de l’imagination ouverte de la fiction, nous acheminant vers la pièce centrale : la pièce de théâtre. Par sauts chronologiques et/ou d’association, sauts d’obstacles sémantiques, réflexions, séquences de lectures ou d’écoute de pièces musicales, observation de photographies, écarts poétiques et alinéas sans cesse reconduits sous une forme fragmentaire mise en scène en fonction d’une totalité textuelle, ou encore sentences oniriques crayonnées à même le feuillet de la mémoire à l’occasion d’un sursaut d’éveil – en aval d’« un blanc des effacements successifs qui introduisent le fragment » – l’auteur et à sa suite le lecteur traversent l’écriture attablée ici à l’impuissance de sa possibilité même et cependant incessamment mue par le désir de réitérer sa propre nuit, jusqu’à… « sa pointe d’où voir tout se déployer », même l’éclat de son savoir dans la désertion « antésophique » de son acquisition (« remets-toi à ignorer ce que tu sais, pour savoir comment tu le savais et savoir ton savoir), (Paul Valéry, cité in situ). Telle est la nouvelle expérience littéraire expérimentale à laquelle nous convient Les Combinaisons de Denis Ferdinande…

Magnifique, Jean Félix De La Ville Baugé (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 22 Septembre 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Magnifique, Jean Félix De La Ville Baugé, Éditions Télémaque, septembre 2023, 235 pages, 19 €

 

« Quoi de plus difficile que de raconter la vérité », écrit Tolstoï dans les premières pages de Guerre et Paix. Et nous de partir dans ce Magnifique, avec la phrase en bandoulière… Histoire de résilience ? Mais comment peut-on parler de résilience à la manière des nôtres, négociant quelque baume après une défaite sentimentale, lorsqu’il s’agit du Rwanda, celui de 1994, celui où les Hutus « ont coupé tous les jours, pendant cent jours, des hommes, des femmes, des enfants, que, le plus souvent ils connaissaient ». L’image de la couverture du livre – Patrick Robert, Juillet 1994, fort belle, quasi pacifique – montre un oiseau (de proie) planant entre de hautes et vertes frondaisons ; le ciel est bleu ; en dessous, au sol – nous ne le voyons pas, un vaste charnier… Tout est dit du livre – cet immense livre – dans le titre, nom de la femme qui parle, la photo et la façon dont elle est exploitée, et bien sûr, ces 3 lignes disant un des pires génocides de notre histoire récente.