Identification

La Une CED

La mère Michel a lu (2)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 30 Septembre 2011. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers

(Photo Yves Marty)

 

L’ARGOT EST NÉ DE LA HAINE !

LOUIS-FERDINAND CÉLINE


Proposé par Raphaël Sorin. Notice biographique de Bernadette Dubois. André Versaille éditeur, Coll. À offrir en partage, n° 48, 2011, 95 pp., prix non indiqué.

__________________________________________

L’argot… quel argot ? Mis en jeu de quelle façon ? Dans quelle intention ? L’argot chez Céline, souvent prétexte à le lire avec passion, ou au contraire à ne pas vouloir le lire. - « Vulgaire ! » - Qualificatif disqualifiant le plus utilisé par les esprits superficiels ou guindés. À la vérité, dans ce recueil de lecture très plaisante il est assez brièvement question de l’argot et bien davantage du style, préoccupation centrale chez l’auteur du « Voyage ». En témoignent sa « petite musique », son « métro émotif », qu’il mettait bel et bien au-dessus du récit ou de l’intrigue. Qu’on relise à ce sujet ses « Entretiens avec le professeur Y ».

La Grange-au-mort

Ecrit par Philippe Leven , le Mercredi, 28 Septembre 2011. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Chroniques Ecritures Dossiers

Micro-nouvelle


Georges n’aimait pas son métier. Le devoir quotidien de véhiculer et respirer les immondices de la Ville de Paris côté Est n’a rien de vraiment excitant pour l’esprit. Ni de très présentable socialement derrière les zincs du soir. Le comble de l’amertume pour Georges était d’avoir à partager ces tâches ignobles avec les inévitables « bougnoules » que comptent les services municipaux de voierie dans toute cité digne de ce nom. Georges en était devenu aigre et ombrageux, parasité par des haines dont il avait lui-même souvent honte. Il évoquait parfois avec un serrement de cœur la brève période où, sortant du service militaire, il avait tenté avec un copain de monter un petit troquet à Pantin. Mais l’autre buvait, Georges n’avait guère le sens de la gestion, et tout avait sombré avec la rudesse des rêves meurtris. Depuis, il fallait vivre, et le service de nettoiement le faisait vivre. Plus ou moins. Il ne s’habituait pas à sa misère et son caractère en subissait des altérations profondes. Mustapha et Diallo, son équipage de la benne à ordures 7452 N de la Ville de Paris, en faisaient les frais avec la philosophie résignée qui vient heureusement aux souffre-douleur.

Quand Georges arrêta son véhicule à la hauteur des écluses St Martin, quai de Jemmapes, comme chaque matin ouvrable, il savait que ses deux « bougnoules » avaient une minute pour collecter les poubelles du secteur.

Souffles 8. Le temps où les jeunes filles rêvaient de l'instit

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 21 Septembre 2011. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières, Maghreb

Souffles in Liberté


En hommage à Fouroulou et à son maître Mouloud Feraoun.


Nous tous, sans exception aucune, nous avions rêvé, un jour parmi d'autres, de devenir “maître” (mouâllim) du village ou du quartier ! D'où vient la force de ce rêve magique, excessivement cher aux yeux des enfants et des parents ? Un rêve, qui jadis, a hanté toutes les âmes et toutes les têtes ? Sur la place publique, tout le monde rêvait d'avoir un “mouâllim” parmi les siens. Honneur de la tribu !

Les filles, toutes les filles de tous les villages sans exception, ont rêvé, un jour, de se marier avec un “mouâllim” ! Il fut l'idéal et le prince charmant : il portait une cravate, une belle chemise blanche propre et bien repassée, un costume noir (sans la griffe) ! Et il chaussait une paire de souliers toujours hautement cirée ! Il disposait de tout ce qu'il fallait pour séduire et charmer les jeunes filles : la beauté (tous les instits étaient beaux !) de la “classe” ils en avaient ! Et de l'argent aussi (un petit salaire mensuel !).

49 millions de baguettes pour 36 millions de personnes par jour

Ecrit par Kamel Daoud , le Dimanche, 11 Septembre 2011. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Chroniques Ecritures Dossiers, Maghreb

« J'ai mangé. Au début, comme les autres : le pain, les sucres divers, les viandes venues de loin, de l'Inde à la bouche, les volailles et les herbes de toutes sortes qui absorbent le soleil en douce. Mais cela finit par me lasser et ne pas me suffire. J'avais une sorte de besoin impérieux de plus, de plus grand et de plus comble. Ma Mère appelait cela le serpent sans fin et mon Père disait que cela me mènerait vers la mort prématurée ou le basculement dans le vide, du haut des bords de la terre. Mais cela n'arriva pas et mon appétit me transforma. Il devint ma priorité, mes yeux, mon audace. Je pouvais suspendre ma respiration mais jamais ma mastication. Mon corps avait mué et je m'attendais, certaines nuits, à voir pousser sur mon dos des fourrures âcres ou des griffes inoxydables. Mon appétit était clair dans ses propos : soit je dévore, soit il me dévorait. Alors j'ai fini par revoir mon règne alimentaire et élargir ma gamme : j'ai mangé, en plus de ce mangent tous, le plâtre, les pierres rondes et bien polies qu'on retrouve en bord de mer, les restes de poteaux. Puis je devins moins regardant : j'ai mangé les morceaux de trottoirs disponibles et qui appartenaient à la commune. Les gens étaient obligés de marcher sur la route et les voitures d'attendre leur tour, quand je finissais un repas dans un village. J'ai alors mangé plus : les terres arables, les terres abandonnées sans collier, les lots de terrain à propriétaires en litige, les surfaces à contentieux et les assiettes sans affectations fixes.

Visions pour une poésie mystique

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Septembre 2011. , dans La Une CED, Les Dossiers, Etudes, Chroniques Ecritures Dossiers


I

Tu et Il.


Cette petite étude n'est pas didactique, mais tient à ma vision personnelle des choses. Interroger la mystique m'interroge d'abord moi-même, et sur ce qui me convient du rapport à l'autre, -l'Autre-, lequel est inclus, fait angle, fait le biais, la pointe, fait l'entrée de l'énigme de soi-même au sein de la chose connue (un peu à l'image de l'étrangeté freudienne). En interrogeant le tu, par exemple, quand je devrais dire il ou nous, ou encore elle et moi, je rends perceptible cette sémantique des pronoms en quoi l'affaire est compliquée. Ce que je cherche, c'est faire le remplacement de la phrase par ce qui lui manque, et donc remplir l'Autre de ma propre question.