Le Dinosaulyre, Guillaume Métayer suivi de l'Étymosaure (par Marc Wetzel)

Mastodontes muets qui claquaient des mâchoires,

En écailles dallées et crinières d'épines,

Hardes de piétineurs pondant dans la mémoire

Des oeufs sur un sol nu noyé de leur urine ..."

J'empruntais donc les pas de ce Dinosaulyre,

Racontant le derby "Sauriens et Mammifères",

Qu'en bout de Crétacé nous gagnons sans plaisir,

Quand soudain dans la chambre une voix vocifère :

Santiago m'interrompt, et me dit : "Non, Grand-père,

S'il n'y avait pas d'homme au temps des dinosaures,

Comment se figurer qu'ils étaient là sur terre,

Avant qu'aucun témoin ne s'en montre d'accord ?! " (1)

Je réponds à ce libre et délicieux bambin

Qu'un fossile est réel, et qu'à l'eau trouble et sale,

On comprend que quelqu'un vient de sortir du bain,

Ou que l'empreinte sait qu'est passée sa sandale.

Voici ce qu'il rétorque à son ancêtre idiot :

"On peut tout maquiller", "il y a de faux indices",

"La même ombre est issue du toc et du joyau",

"Rien de plus incertain qu'un spectre de jadis ..."

Et ce jeune insolent continue ses sarcasmes,

Ses professions de doute, en refusant de lire

Une oeuvre garantie sans fake ni fantasme,

À quoi, drôle et savante, on n'a rien à redire !

Ce petit raisonneur n'escomptant pas se taire,

Je rebrandis le livre écrit par Métayer :

"Voici deux cents millions d'années passées sur Terre

Par les Dinosauriens : entends ce plaidoyer !"

Lui dis-je, et convaincu qu'il n'est ni sourd ni bête,

Je lui lis ce poème où l'auteur amusé

Fait le procès de la Météorite honnête

Ou des Volcans indiens qui auront tout osé,

Ou de méchants Virus, selon les scénarios,

S'adjoignant à l'excès de Plantes psychotropes,

D'Oeufs à paroi trop fine à leurs dinosaureaux,

Un à un effacés du grand trombinoscope ...

"Si loin dans le passé, si haut dans le lointain"

Dit-il, "qu'atteindrons-nous, sinon Melchisédech,

Des géants révolus, la Communion des saints ?!

Va-t-on jusqu'à Sirius sans s'emporter avec ? ..."

"Oui, ce qui nous a faits travaille aussi là-bas"

Dis-je, "et puis tout travaille à être son poème.

Eros assiste en tout à ses propres ébats,

La pensée va partout séparée d'elle-même".

Bref, je lui lis leçons que la science autorise,

Pour ne confondre pas onyx et daktulos,

Acantha et smilê, que j'étymologise,

L'élégant et le frêle, ou cruel et deinos.

Mais c'est en vain, je sais, que ce discours avance

Et qu'il comptait suffire et qu'il aurait raison,

Et fait son doux malin devant son innocence,

Mais voilà que ce livre a son autre saison :

Les mots ayant échoué, j'ai recours aux images :

Stégosaure écorché, mascotte Iguanodon,

Eoraptor ailé, défilant sur les pages ...

Quand soudain ses grands yeux me demandent pardon !

Car Santiago s'assoit, m'observe de travers,

Me dit, face à leurs os, leurs membres et leurs dents :

"Grand-père est un enfant aux yeux de l'Univers !

Je vois ce qui en nous ne descend pas d'Adam".

(1) Pour l'aspect philosophique, quelques idées viennent ici de l'exemplaire "Après la finitude" (Seuil 2003) de Quentin Meillassoux (chapitres 1 et 5).

Marc Wetzel

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Guillaume Métayer, né en 1972, germaniste et traducteur littéraire, chercheur au CNRS, est également poète ("Mains positives" - 2024 - et "Amis devenus" - 2025, les deux à La Rumeur Libre). Il s'amuse ici, remarquablement, à nous instruire au plus près ... de notre propre et probablement proche extinction (si nous ne méditions pas assez son formidable ouvrage ...).