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Les Brumes du clos du Doubs, Jacques Jeannerat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier 18.06.25 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Slatkine

Les Brumes du clos du Doubs, Jacques Jeannerat, Slatkine, 2024, 180 pages, 27, 30 CHF

Edition: Slatkine

Les Brumes du clos du Doubs, Jacques Jeannerat (par Gilles Banderier)

 

Il existe deux Jura (trois en comptant l’île anglaise où Orwell rédigea 1984, mais il est impossible de la confondre avec les deux autres) : un département français et un canton suisse, le climat de celui-ci étant, toutes choses égales par ailleurs, plus agréable que la météorologie de celui-là, qui connaît régulièrement des périodes de froid glacial valant à certaines zones le sobriquet de « petite Sibérie ».

Dernier canton rattaché à la Confédération helvétique voici près d’un demi-siècle (1978), le Jura est à la fois discret et attachant, loin des métropoles financières et mondialisées   que sont Zurich ou Genève. Lorsque la Réforme le chassa de sa cité, en 1528, le prince-évêque de Bâle vint s’installer dans une de ses possessions, la petite ville de Porrentruy, que lui-même et ses successeurs développèrent énergiquement et le résultat est remarquable : une belle ville d’art et d’histoire, à l’échelle humaine, qui mérite une visite approfondie, au même titre que, par exemple, la cité médiévale de Saint-Ursanne, bordée par la Doubs avant que celui-ci n’entre en territoire français.

Que le Jura suisse ne soit pas soumis aux mêmes extrêmes climatiques que le Jura français n’implique pas que l’existence y ait toujours été facile. Les habitants de ce canton peu urbanisé, principalement agricole, furent soumis aux mêmes aléas, aux mêmes tracasseries (bien que les princes-évêques de Bâle ne laissèrent pas le souvenir de tyrans et on connaît l’anecdote de Mgr de Montjoie qui arriva sur ses terres en déclarant : « Je m'appelle Montjoie et je viens en Ajoie [une région du Jura] vous apporter la joie ») que les paysans de tous les temps et tous les pays.

Le roman de Jacques Jeannerat, Les Brumes du clos du Doubs, s’inscrit dans la tradition du roman, régional, illustrée en Suisse par Ramuz. Le souci principal du « roman de terroir », et peut-être du roman tout court, tient à l’articulation du particulier et de l’universel. Jacques Jeannerat y parvient sans difficulté et que son roman soit ou non « inspiré d’une histoire vraie » importe au fond assez peu. De toute façon, des événements comme ceux évoqués dans le livre ont dû se répéter des dizaines de fois dans autant de villages et seul le traitement de la trame romanesque par le romancier importe. Ce récit sur la vie jurassienne durant la première moitié du XXe siècle se lit avec plaisir. Les histoires de vie, de travail et de mort sont banales, mais c’est cette banalité qui leur confère, paradoxalement, leur intérêt. Le lecteur qui connaît le Jura y retrouvera avec plaisir des lieux connus, des expressions encore en usage, et celui pour qui ce beau canton suisse est encore à découvrir y apprendra bien des choses intéressantes – car le roman régionaliste possède également des vertus pédagogiques.

 

Gilles Banderier

 

Les Brumes du clos du Doubs constitue le premier roman de Jacques Jeannerat.



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A propos du rédacteur

Gilles Banderier

 

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Docteur ès-lettres, coéditeur de La Lyre jésuite. Anthologie de poèmes latins (préface de Marc Fumaroli, de l’Académie française), Gilles Banderier s’intéresse aux rapports entre littérature, théologie et histoire des idées. Dernier ouvrage publié : Les Vampires. Aux origines du mythe (2015).