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Poésie

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel, Editions de l’Âne qui butine, Coll. Xylophage, décembre 2023, 290 pages, 22 €

 

Que voilà un remarquable OLNI dans le voyage vertigineux de quoi tout lecteur et toute lectrice ne peuvent éviter de se laisser jubilatoirement emporter, noyer, dès l’embarquement ! Objet Littéraire Non Identifiable, cette nouvelle publication de l’Âne qui butine vaut d’abord par le raffinement de son apparence extérieure, la qualité de son papier, l’esthétisme de ses illustrations (les photographies sont l’œuvre de l’auteur).

Bateau ivre que le naute lance sans boussole apparente, comme à l’errance, dans l’océan tantôt démonté, tantôt trompeusement uniforme, de son imagination débridée, vers des destinations a priori inconnues, aux limites improbables, le texte mêle récit hallucinant, péripéties désorientées soufflées par quelque muse défoncée et ponctuellement lyrique et lubrique, morceaux de pure poésie, et, ici et là, des sommes de pages inattendues que l’auteur présente comme des interludes.

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 03 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart, Toi Édition, janvier 2024, 68 pages, 12 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

Comme le dit Bruno Mabille dans la préface, la poésie de Martine Rouhart a cela d’extraordinaire que « rien n’y pèse, pas même les choses graves ». Et en effet, c’est ce qui donne toute leur force à ses poèmes peuplés d’oiseaux, à ses mots en apparence légers car souvent « ailés », mais seulement en apparence, car ils sont en réalité toujours empreints d’une certaine gravité, même si elle ne se perçoit pas au premier abord. Elle se propage dans l’esprit du lecteur avec délicatesse et douceur, dans des paysages « floutés » par une « eau intranquille ».

Comme chez Philippe Jaccottet, il est question de « labyrinthes ». Et les « chemins pleins de départs » de Martine Rouhart rappellent par leur beauté sobre les « chemins presque effacés » du poète dans L’encre serait de l’ombre. Là où, chez Martine Rouhart, certains souvenirs sont « aussi lointains que le bleu des montagnes », et certains mots sont « déjà perdus », Philippe Jaccottet affirme que « les chemins parlent, ou peu s’en faut, en se perdant ».

En d’autres lieux, Max Alhau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

En d’autres lieux, Max Alhau, Voix d’encre, octobre 2023, 72 pages, 11 € . Ecrivain(s): Max Alhau

 

Le poète, dans nombre de ses recueils, consigne un véritable travail de mémoire, que les vocables reconnaissables entre tous nomment, entre traces, empreintes, oubli, mémoire.

La poésie, donc, doit s’inventer « en d’autres lieux » pour sauver ce qui peut l’être. On a perdu des saisons, des visages, des amours ; on a bien du mal à en conserver des traces qui puissent défier le temps ; on est sans cesse à la quête de « ces espaces/ hors de portée », « comme si tu pouvais restituer au passé/ ses effluves, les preuves de son passage ».

Entre « absence et infini », titre de la troisième partie de ce recueil, la poésie d’Alhau s’avère épuisante recherche, comme un chercheur d’or dans un monde de sable. A la conviction que « tout n’est pas perdu », qu’on n’a pas pu tout de même oublier « les visages auréolés d’un rêve », la poésie répond d’une salve d’impératifs adressés au poète lui-même, conseils de vigilance dans un univers qui s’effrite, s’effiloche : « Laisse couler le vent », « Eloigne-toi de la brume », ou encore « rends grâce à des dieux/ dont tu as perdu la trace ».

Lents ressacs, Myette Ronday (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lents ressacs, Myette Ronday, Les éditions Sans Escale, février 2024, 90 pages, 15 €

 

Expression du temps

Dans ce recueil de Myette Ronday, dont la couverture, sans doute une des encres de Jean-Pierre Otte, mouvement peint qui signifie peut-être une plage pleine d’un varech vert de gris tout autant que des larmes sur un visage, un écoulement de glace sur une vitre, et nous sommes auprès de l’océan. C’est l’expression du temps qui est la plus saillante, temps des marées hautes ou basses, temps qui passe sur les visages, lutte peut-être contre ce dernier qui nous entraîne vers la pierre et la poussière. Ici, le vieillissement existe comme un travail de l’ici et du maintenant. Cette vision presque comptable des âges de la vie, déictique conçu non comme une limite, mais un point de départ du poème, ne le restreint pas, mais au contraire le poursuit. Ce surgissement augmente les possibles et autorise une fructification, sorte de vigne en travail. Le poème élargit le regard, l’augmente d’événements petits ou grands, telle une montée des eaux océaniques qui cache différentes couleurs, varech, sable, miroitement des ciels.

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 28 Mars 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, La Table Ronde

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié, éd. La Table Ronde, mars 2024, 176 pages, 17 € Edition: La Table Ronde

 

Ce volume de poésie, copieux et léger, est sans doute, dans l’esprit de l’auteur, et celui de ses lecteurs fervents, une chronique « au jour le jour » de la vie quotidienne. L’art de piéger le réel pour nous le restituer avec vivacité, humour et cohérence, semble aller de soi pour le poète qui passe son temps à attendre que le monde entre en ses pages. Il lui suffit d’observer une porte, d’ouvrir un tiroir, de « poser des choses » sur une table, pour faire naître ce condensé du monde : le poème.

Distribué en deux parties, le livre expérimente là deux écritures : des poèmes très brefs, d’une part, jamais au-delà de sept, huit vers, et d’autres, beaucoup plus longs, offrant au texte plus d’amplitude sinon de réflexion.