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Poésie

L'exil de la pensée, Jean-Yves Clément (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 26 Mai 2025. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

L'exil de la pensée, Jean-Yves Clément, Le Condottiere, 2025, 90 p. 10 €

Avec ce joli opuscule, Jean- Yves Clément nous offre un florilège d'aphorismes poétiques, maximes magiques qui nous guident dans l'enchevêtrement de l'existence où seul l'art semble être notre planche de salut face à un monde toujours plus cruel et plus violent, toujours plus indéchiffrable.

Mais au sein même de cette suite d'aphorismes, l'auteur introduit une césure entre l'avant et l’après, entre les notations, maximes de l'instant gravées avant l'exil de la pensée (partie 1) et les variations, pensées marquées par l'empreinte de l'exil (partie 2).

Mais quel est donc cet exil de la pensée qu’évoque l’écrivain ? Cet exil n’est pas un voyage extérieur, une épopée confrontée aux dangers du monde alentour, mais bel et bien un voyage intime de la pensée, une dynamique intérieure de l’âme, une maturation de l’esprit qui opère par magie et crée des variations dans la conscience, rendues possibles par le temps qui passe. Variations de la pensée au-delà du bien et du mal et de toutes les catégories figées de la pensée, comme nous invitait à le faire le grand Friedrich Nietzsche.

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Mai 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ils disent qu’il y a un remède, Dorian Masson, éd. de Corlevour, 127 p., 2025, 18 €

 

Présence

Dans ce recueil de poèmes de Dorian Masson, nous sommes en face d’une présence. Présence du poète, mais dédoublé bien souvent par la présence d’une aimée, d’un autrui, d’un Autre au sens fort du terme, c’est-à-dire capable de restituer entièrement la présence de l’Autre en soi, de l’imager jusqu’à l’ipséité. Donc, un autre, une autre constitutive de la personnalité de l’identité de soi.

Le recueil mêle l’omniprésence de la personne du poète (avec sans doute un degré de narcissisme qui rend vive cette poésie) au milieu d’une expérience unique de l’amour partagé, unique et qui autorise à juguler la compagnie de l’autre, compagnie à la fois physique et métaphysique, rencontre tout autant physique que sur le papier du poème. Car cette écriture tente de retarder l’heure de l’absence. Que cela soit autour d’un TU que d’un Vous, autrui est un horizon d’attente.

L’âme blessée d’un éléphant noir, Gabriel Mwéné Okoundji (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Mai 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Afrique

L’âme blessée d’un éléphant noir, Gabriel Mwéné Okoundji, Préface de Boniface Mongo-Mboussa, Gallimard Poésie, mars 2025, 208 pages, 9,30 €

 

Parole souveraine

Il y a deux manières d’aborder le poème, soit avec parcimonie, avec peu, simplement quelques images fortes, soit avec des croyances vastes, des images nombreuses et une certaine confiance dans la langue, en définitive. Ici, c’est à cette deuxième catégorie que nous avons affaire. Car la prosodie de ce recueil est dense, rassemble et remue des paysages, fait sonner des visions, s’étoffe du monde vivant, totémique, d’une Afrique, peut-être celle de l’enfance, de la vie et des émotions qui deviennent presque étouffantes tant elles sont profuses, épaisses, feuillues, ramassées. De cette abondance, il y a une forme d’échec merveilleux à ne pouvoir dire la totalité. Par exemple, comment Gabriel Okoundji tient plus vaste en son cœur un sentiment pour écrire TOUT de l’Afrique qui l’a constitué, dire un poème en crue débordant de lui-même (un peu à la manière de la phrase de Proust qui ne sait parfois pas sa propre limite).

La veine des étoiles phonétiques, Céline De-Saër (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 28 Avril 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La veine des étoiles phonétiques, Céline De-Saër, Atelier de L’Agneau Editeur, 2024, 80 pages, 16 €

 

En choisissant pour titre de son premier recueil de poèmes « La veine des étoiles phonétiques », Céline De-Saër ouvre un chemin. A la source des mots, de leur son autant que de leur sens (l’oralité est ici primordiale), qu’elle plonge dans une nuit qui serait, comme l’écrit Péguy, l’état habituel et permanent. Un chemin qui est cheminement, à la découverte, pas à pas, de ce qui pourrait être un gisement ou une pulsation, selon la double acception de la veine du titre, relevant du domaine minier comme de la circulation du sang.

Gisement d’images, d’émotions au fil des pages, alternance de lutte et d’abandon de la part de la poète : les visions s’enchaînent, le sang bat trop vite aux tempes. Car il s’est produit un événement tragique, à l’origine, ainsi qu’on peut le supposer, de l’écriture du recueil, et qui apparaît explicitement par deux fois, dans toute sa violence et la netteté de sa description.

Choix de poèmes, James Sacré (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 11 Avril 2025. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Choix de poèmes, James Sacré, Éditions Unes, mars 2025, 128 pages, 10,40 €

 

Avec cette anthologie personnelle, le grand écrivain (né en 1939) que l’on sait se rend utile. Par ce choix chronologique, en effet, sobrement établi (110 pages) dans son œuvre immense, James Sacré fait mieux que nous parler : il se parle publiquement (et nous l’écoutons ainsi directement, nous avons comme part aux « gestes intérieurs d’écriture qui poussent en avant la masse des mots de (ses) poèmes », p.69). Ce serait alors ici le bienvenu autoportrait continué de sa vocation, s’il était assuré d’elle, mais non : si un monde natif l’avait enveloppé autrement (l’étage d’une petite épicerie plutôt qu’une ferme vendéenne – changeant ainsi du tout au tout son « étonnement fondamental »), il aurait été (écrit-il, p.51) un tout autre inspiré, et, peut-être même, tout autre chose qu’inspiré. Et la contingence de sa postérité lui semble bien valoir celle de sa source (« Une ritournelle anodine/ Hé, poème ! qu’elle disait, ho !/ Vaine parole humaine/ Dans l’informe bruit du temps », p.100).