L'exil de la pensée, Jean-Yves Clément (par Alix Lerman Enriquez)
L'exil de la pensée, Jean-Yves Clément, Le Condottiere, 2025, 90 p. 10 €

Avec ce joli opuscule, Jean- Yves Clément nous offre un florilège d'aphorismes poétiques, maximes magiques qui nous guident dans l'enchevêtrement de l'existence où seul l'art semble être notre planche de salut face à un monde toujours plus cruel et plus violent, toujours plus indéchiffrable.
Mais au sein même de cette suite d'aphorismes, l'auteur introduit une césure entre l'avant et l’après, entre les notations, maximes de l'instant gravées avant l'exil de la pensée (partie 1) et les variations, pensées marquées par l'empreinte de l'exil (partie 2).
Mais quel est donc cet exil de la pensée qu’évoque l’écrivain ? Cet exil n’est pas un voyage extérieur, une épopée confrontée aux dangers du monde alentour, mais bel et bien un voyage intime de la pensée, une dynamique intérieure de l’âme, une maturation de l’esprit qui opère par magie et crée des variations dans la conscience, rendues possibles par le temps qui passe. Variations de la pensée au-delà du bien et du mal et de toutes les catégories figées de la pensée, comme nous invitait à le faire le grand Friedrich Nietzsche.
Variations de la pensée magnifiquement portées par la musique. Certes, avant comme après cet exil intérieur, la musique est omniprésente dans l’écriture de Jean- Yves Clément. Elle seule est capable de transcender le réel fruste et figé. Elle guide le lecteur vers la transcendance d’un monde ineffable car : « La musique est la seule preuve tangible de l’existence de l’infini, elle lui permet de se faire entendre ».
Mais après l’exil de la pensée, ce cheminement intérieur, ce bouleversement poétique de l’être, la musique prend une dimension toute nouvelle. La musicalité des phrases s’envole. Les maximes se font de plus en plus aériennes. Car L’exil de la pensée est une musique car la musique est le premier des exils. Ou encore, lit-on que Les mots ont leur musique portée par une variation continue : le thème en est l’écriture, l’énergie qu’elle génère et qui la rend neuve à chaque variation.
En lisant ce livre, nous avons ainsi l’impression d’écouter les Nocturnes de Chopin ou bien une suite inégalée de Bach, musiciens de génie qu’il se plaît d’ailleurs entre autres à citer, comme si ces virtuoses l’accompagnaient tout au long de l’écriture de ce petit livre tout en harmonie, de cet opus musical tellement poétique … à écouter sans modération !
Alix Lerman Enriquez
- Vu : 325