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Les demi-justes, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 06 Mai 2025. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Gallimard

Les demi-justes, Iris Murdoch, Gallimard, 1970, trad. anglais, Lola Tranec, 378 pages, 24,80 € . Ecrivain(s): Iris Murdoch Edition: Gallimard

 

Un ministère à Londres. Octavian Gray, naturellement nonchalant, s’abandonne à la paresse qui suit un copieux repas quand retentit une détonation dans un bureau voisin. Biranne, plus rapide à réagir, vient de découvrir Radeechy mort sur son fauteuil, une balle dans la tête. Mais le suicide est-il aussi évident qu’il y paraît ? On aurait cependant tort de s’attendre de la part d’Iris Murdoch à une intrigue réellement policière, cette ouverture n’étant que le prétexte pour présenter les hommes autour desquels va graviter une tribu.

En effet, la philosophe-romancière, au fil de ses livres, témoigne d’une prédilection pour ces familles élargies. Couple complice un tantinet libertin, veuve et divorcée soucieuses d’élever dignement leurs enfants, étranger rescapé d’une guerre, adolescents attendrissants dans leur furie pour échapper au mal-être de leur âge, vont traverser ensemble l’été dans une villa de bord de mer, épargnés ou au contraire touchés par l’enquête. Celle-ci est l’occasion d’une galerie de personnages un peu plus pittoresques sans être vraiment inquiétants (maître-chanteur, maîtresse jalouse, valet ténébreux).

Les meilleures nouvelles françaises du XXe siècle, anthologie (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 23 Janvier 2025. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Nouvelles

Les meilleures nouvelles françaises du XXe siècle, anthologie, Collectif, Les Éditions Rue Saint Ambroise, 2022, 400 pages, 16,50 €

Mettre en avant, dans notre culture littéraire française qui la réduit à une forme anecdotique et la marginalise, la nouvelle, à travers une anthologie dont le principe rappelle les découpages et assemblages frustrants ou indigestes des manuels scolaires : tel est le double défi que les Éditions de la Rue Saint Ambroise relèvent dans ce volume.

Son préfacier, Gilles Philippe, admet que son titre « pourra faire sourire » ou « pourra agacer ». Il appartiendra en effet à chacun de juger si les vingt-sept nouvelles de ce recueil sont réellement « les meilleures du XXème siècle ». Il est cependant indéniable qu’elles sont très représentatives non seulement du genre mais plus largement des centres d’intérêt et des styles littéraires du siècle passé.

Vingt et un auteurs ont été retenus, Colette en ouverture, Annie Ernaux en clôture entourent Irène Némirovsky. Ces noms et quelques autres soulignent qu’au XXème siècle, publier ses écrits – car les femmes ont toujours écrit dans l’intimité ou l’anonymat – n’est plus le domaine réservé des hommes qu’il était au XIXème siècle.

À Jérôme Ferrari (6) (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 21 Novembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques

Nord Sentinelle, Jérome Ferrari, Actes Sud, 144 p. 17,80 €

 

Votre dernier roman cultive un pessimisme réaliste de penseur documenté, parti pris caractéristique de votre œuvre. Vous y passez maître en l’art de le rendre savoureux sans superflu, comme un distillateur extrait l’huile essentielle des fleurs, essence qui, séparée de son eau, donnera naissance à variétés d’effluves.

Retirer, rajouter ou modifier un seul de ses éléments massacrerait votre prose comme s’il s’agissait d’un poème où chaque mot adroitement choisi soutient votre architecture d’images concises et de constats brutaux. D’autres diluent pour faire des pages. Vous, vous concentrez pour que se prolongent longtemps chez le lecteur les impressions les plus variées, les plus contradictoires. Voici mes premières.

Au château d’Argol, Julien Gracq (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 01 Octobre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions José Corti

Au château d’Argol, Julien Gracq, Librairie José Corti, 1938, 184 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

Albert, Herminien et Heide, les trois seuls personnages de ce roman, n’ont-ils pas d’obligations professionnelles ou familiales, de relations sociales ? Comment rentrent-ils, après d’harassantes heures à cheminer dans la forêt, de plus en plus loin de leur point de départ ? Comment, lorsque l’un est gravement blessé, est-il soigné dans ce château dont le seul domestique visible est toujours aperçu par son propriétaire dormant au détour d’un escalier, sur le rebord d’une terrasse ?

Un lecteur taraudé par ce genre de questions de bon sens risque d’être déconcerté par ce roman. S’en délecteront au contraire ceux sensibles aux envoûtements d’une littérature dont le premier souci n’est pas de plaire mais de créer.

À Jérôme Ferrari (5) (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 10 Juillet 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le 21 août sortira votre nouveau roman.

Le précédent, À son image, était paru le 19 août 2020. On ne peut pas dire que vous soyez tel ce tâcheron de la page que Colette croque dans Claudine s’en va, contraint de pondre son volume annuel comme la poule un œuf quotidien.

Alors guetter, d’année en année, votre prochaine publication, c’est comme attendre d’obtenir un rendez-vous avec quelqu’un qui nous plaît : la personne se décidera-t-elle ? quand ? pour quelle histoire ? Dans tous les cas, sa liberté est essentielle au charme de la situation.

Pourtant, malgré mon impatience, je ne lirai pas en ligne les premières pages de ce roman, comme le site de votre éditeur y invite. « Pour appâter le chaland », allais-je écrire sans que le ton soit au reproche car ainsi sont faits les livres, de chair, objets en partie commerciaux, et d’esprit, s’ils sont bons. Votre Nord sentinelle sera pour moi, jusqu’à ce que j’ouvre mon exemplaire en papier, ce paquebot géant qui semble sur le point de s’encastrer dans une ruelle à fleur d’eau égayée par de rares balconnières. Noir et blanc, rouge et bleu, marron.