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Articles taggés avec: Ayres Didier

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Août 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure, Gallimard, juin 2024, 144 pages, 17 €

 

Plasticité

Avant d’en venir au cœur de mon impression de lecteur du dernier livre d’Étienne Faure, je voudrais un peu parler de moi. Cela sera peut-être instructif. Paris, la ville dont il est question dans l’ouvrage, ma ville natale, se présente à moi qui vis en province depuis des décennies, et qui me tourmente par son excès de civilisation, comme le lieu idéal de la pensée sensitive. Ville dont simplement la Seine contient toutes les couleurs allant du vert d’eau au gris anthracite, de l’écoulement bleuté où se mirent les nuages jusqu’aux eaux les plus noires de l’angoisse, du spleen. Et ce seul élément n’est qu’une pièce rapportée aux noms des rues, aux jardins, aux parcs, Luxembourg, Monceau, Buttes-Chaumont, aux cafés, Le Flore, Le Beaubourg, Le Dôme, et à cette population ultraraffinée, sujette à différentes langues, sociolectes, accents… Tout cela pour dire que je suis déchiré depuis longtemps par cette coupure en moi de l’ultra-éducation de la capitale, par opposition au silence et aux voix sourdes de la campagne, des petites villes de la France profonde, villages vivant sur eux-mêmes, construction antagoniste entre la poétique et les réalités.

Défense de la poésie, Percy Bysshe Shelley (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 20 Août 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Rivages poche, Poésie

Défense de la poésie, Percy Bysshe Shelley, Payot Rivages Poche, mai 2024, 128 pages, 8,20 €

 

Ordre et harmonie

Écrire une théorie de la poésie, voire la défendre contre les autres arts, contre l’époque, est un sujet délicat à traiter. Il ne faut rien de complètement définitif et donc ménager une voix au théoricien – un célèbre poète romantique anglais ici –, défendre une théorie qui pousse ensemble à confondre le poète et le poème, l’ordre esthétique et l’ordre moral. Il s’agit ainsi de partager le poème entre Raison et Imagination, saisir au-delà du poème une influence qui dépasserait les clivages entre la pensée et la matière.

La raison est l’énumération de quantités déjà connues ; l’imagination est la perception de la valeur de ces quantités, à la fois prises séparément et comme un tout. La raison envisage les différences, et l’imagination les ressemblances entre les choses. La raison est à l’imagination ce que l’instrument est à l’agent, ce que le corps est à l’esprit, ce que l’ombre est à la substance.

Batelier de l’inutile, Vincent La Soudière (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Juillet 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Batelier de l’inutile, Vincent La Soudière, éditions Arfuyen, mai 2024, texte établi par Sylvia Massias, postface Marc Wetzel, 160 pages, 16 €

 

Incommunicabilité

Le plus difficile et cependant le plus intéressant dans ce recueil de 27 textes de Vincent La Soudière, c’est l’aspect incommunicable de son imaginaire. Oui, la relation au lecteur avance dans une sorte de mystère impénétrable où la valeur de soi en passe par une forme de folie, folie qui n’empêche pas l’écriture mais la façonne, lui donne son pli, son articulation mentale. Du reste, cette ambiance de profonde dépression confine sans doute à un certain génie, en tout cas à une base intérieure où le poème est capable d’irrationnel, de textes limites, où l’altérité est interrogée dans sa complexité, envisagée dans une relation à la conscience, intériorisation de l’aliénation de l’écrivain devenant problématique. Nonobstant il n’y a aucun pathos inutile, donc une poésie marquée au-dedans par la vie, par des sentiments pleins d’illumination (au sens propre), par quelque chose de sublime dans la bouffée délirante.

Un Temps de fête, Guillaume Decourt (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 02 Juillet 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Un Temps de fête, Guillaume Decourt, La Table Ronde, septembre 2024, 92 pages, 14 € Edition: La Table Ronde

 

Récit

Il est singulier de parcourir une vie imaginée à l’aide d’un poème, fût-il en prose. Car c’est le récit qui porte le lecteur à chaque moment de chaque petit récit où le héros semble un autre lui-même. Ainsi, il faut bondir d’une histoire à l’autre. Contes imaginaires et profonds.

Nous n’avons pas d’enregistrement. J’ai retenu les écrevisses, les truites dans le trou des étoiles, le couvre-chef colonial, les soldats allemands dans les rues du Vieux-Nice, la nage libre dans la rade de Villefranche, le sanatorium, la chasse, la cabane dans les branches, le lièvre qu’on écorche lentement, le sang sur le torse des hommes, le sonnet de Heredia. Le timbre de la voix.

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Juin 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger, Gallimard, Coll. Du Monde Entier, avril 2024, trad. slovène, Guillaume Métayer, 140 pages, 16,50 €

 

Le haut et le bas

La poésie de Aleš Šteger que je découvre dans la fameuse Collection Du Monde Entier, de Gallimard, représente à mon sens une tentative osée de faire correspondre dans une même expression les deux pôles de notre condition humaine : le ciel et la terre. Cette conception du monde est figurée par une écriture que je serais tenté de traiter d’oxymorique. Le bas et le haut, l’espoir et le désespoir, le noir et le blanc, le bien et le mal, le beau et la laideur, la présence et l’absence, le monde physique et métaphysique, le temps et l’éternité tout à la fois. Il y a donc deux mondes, le palpable et l’impalpable, deux mondes qui luttent au sein d’un débat axiologique, où matière et esprit sont l’étayage des poèmes, son bois d’œuvre.