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Articles taggés avec: Ayres Didier

Le mélange de l’eau, Ariel Spiegler (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Mars 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le mélange de l’eau, Ariel Spiegler, éditions de Corlevour, février 2023, 96 pages, 15 €

 

Attachement/détachement

Après ma lecture d’hier et d’avant-hier du nouveau recueil d’Ariel Spiegler, j’ai trouvé le motif clé de son univers, ou plutôt ce qui vient affleurer çà et là sa prosodie, son style. Tout d’abord en considérant le détachement de chaque vers, au sens primaire, c’est-à-dire non lié au reste du poème dans sa destination globale, dans sa signification, car ces vers fonctionnent de façon autonome dans leur nudité détachée, esthétique, de la saccade, du bout, du fragment, du sème de sens. Mais aussi de l’attachement compris comme fusion des réalités de la langue et de la vie. Fusion de l’univers physique de la poète et correspondance des éléments linguistiques dans le poème lui-même pris jusqu’à son unité la plus petite. Cela fait donc musique, chaque note côtoyant une autre note d’un autre ton, de façon fuguée.

O, l’œuf, Yves Namur (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 15 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

O, l’œuf, Yves Namur, éditions La Lettre volée, Coll. Poiesis, janvier 2023, 143 pages, 20 €

 

Le zéro, l’eau, le murmure

Quelle difficulté pour un écrivain de resserrer son écriture sur un ou deux éléments forts ! Ici l’on se trouve dans la danse et dans la musique du poème en un pas répété sur une musique minimale. L’on pourrait tout d’abord rapprocher ce texte du Plat de poissons frits de Ponge, pour donner à ressentir le jeu et la complexité de l’épure. Mais je retiendrai surtout le côté volatil du corps dansé.

Quels sont ces éléments ? L’œuf et sa déconstruction, des fragments graphiques que Francis Édeline qualifie de Zone Image, et aussi les 3 ou 4 lettres dont l’une est double (un E dans l’O) de ce fameux œuf, plus dégustation que forme intrigante et parfaite. Puis l’impression maritime, aqueuse, le murmure de la mer, ostinato très léger et parfois confinant à l’humour. Enfin, une langue très simple voire elliptique et pauvre.

Tandis que j’attends dans les champs au crépuscule, Robert Frost (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 13 Février 2023. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Quel prodige, ce paysage qui s’offre à la rêverie lorsque, tel un spectre

longeant les piles légères de hautes meules de foins,

j’entre solitaire dans les chaumes

où vient de s’éteindre la voix des paysans.

Et lorsque dans le chant et le contre-chant des derniers reflets du couchant

et des premières lueurs de la pleine lune, je m’assieds

près de la première meule, du côté éclairé par l’astre au front d’argent

où parmi tant de merveilles, tout aussi belles, je m’égare.

Réalité 3 (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 08 Février 2023. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Village

16 années durant

Le souffle de l’ange dans ce simple tambourinement des moteurs d’automobiles

Le monde physiquement dans la rue principale

Des photographies bleutées d’Henri Le Secq

L’horloger

Quelle nuit pour cela ?

Quel oubli tardif et désormais violent ?

Le village peut ne plus exister.

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 07 Février 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff, préf. Claude Louis-Combet, éd. Fario, 2022, 13€50

 

Je tordrai à dessein la citation de Boileau dans L’Art poétique : « Ce que l’on conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément », pour faire valoir ce que la représentation écrite recouvre parfois de difficultés, d’obscurités, de tensions littéraires, propres à décrire les états divers du peintre et de sa peinture. Ici, cela aboutit à une écriture intense, pleine, mais qui reste assez maigre, sur laquelle il ne faut pas hésiter à revenir plusieurs fois (ainsi que le peintre use de sa brosse ou de ses pinceaux). Ici, donc, un petit traité de l’art de peindre. Ici, le sujet agissant et le sujet disant, faisant acte de création et revenant sur cet acte par écrit. Ici, enfin, un univers personnel tout autant qu’universel, lequel se satellise sur la vérité intérieure, la profondeur exigée d’un tableau.

Ceci dit, il faut rentrer plus avant dans l’ouvrage (illustré richement par des reproductions des travaux plastiques de Jacques Le Scanff). Lecture légèrement âpre, à l’image des allées et venues de Cézanne vers la Montagne Sainte-Victoire, escarpements, confrontation du regardeur et du regardé, comme si l’œuvre peinte faisait parole, énigme, affaire de style, endroit de coupure du poème et de la toile, réflexions, agissements, connaissances et pratiques. Nous sommes en l’espèce dans une forme de schize. Le mystère : peindre.