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Le vieil orphelin, Serge Moati

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 17 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Flammarion

Le vieil orphelin, octobre 2013, 414 pages, 21 € . Ecrivain(s): Serge Moati Edition: Flammarion

 

Le vieil orphelin de Serge Moati paru en octobre 2013 aux éditions Flammarion se présente comme un récit autobiographique. C’est cela et c’est bien plus que cela, car parfois il invente, se scrute, il regarde sa vie en surplomb avec une certaine tendresse et un humour certain. L’auteur nous présente des faits mais il ne cherche pas la neutralité.

L’affect, l’émotion, dominent dans une écriture à fleur de peau, à fleur de sensibilité. Jamais il n’est dupe de ses illusions. L’histrion s’efface ici devant l’homme blessé. Il quitte l’habit du personnage pour nous dévoiler une personne. Il se livre sans concessions, se démasque avec une grande lucidité derrière le rire qui sans cesse atténue son propos. Alors plongeons dans le bain : « J’ai soixante-sept ans. Et j’ai onze ans. On a toujours l’âge de son deuil. L’inconscient ne vieillit pas. C’est déjà ça. Mais c’est angoissant ».

Entrons dans un appartement cossu du sixième arrondissement. Nous sommes dans le salon et nous découvrons deux personnages installés dans un profond et confortable canapé propice à la confidence.

Jamais par une telle nuit, Magali Brénon

Ecrit par Frédéric Aribit , le Jeudi, 17 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Mot et le Reste

Jamais par une telle nuit, février 2014, 140 pages, 17 € . Ecrivain(s): Magali Brénon Edition: Le Mot et le Reste

 

De chair, de sueur, de sexe, de sang, de larmes, l’amour est toujours un monde personnel. L’infinitif, au contraire, un mode impersonnel.

Toute la beauté du livre de Magali Brénon vient sans doute de cette contradiction-là. Un tragique d’ordre quasi-grammatical mine ainsi cet audacieux roman qui invente un nouveau lyrisme de l’échec amoureux. Disons donc roman, pour faire simple : « elle », qui dit « je », rencontre un homme, Marcello, puis le perd. Autant résumer la Recherche en 15 secondes, comme l’avaient proposé jadis les Monthy Python. Du reste, il y a sans doute autant de Proust que de Duras dans ce livre-là, qui déroule une étonnante partition musicale faite de silences et d’échos, de bruissements hurlants et de cris retenus, de halètements courts et rythmés et soudain de souffle sans virgule, sans ponctuation, de souffle coupé et perdu. Luxuriance et luxure : d’une sensualité toujours frissonnante, la déambulation éperdue de la narratrice à la recherche de l’autre et donc d’elle-même, dessine sous ses pas parfois perdus un paysage d’une rare efflorescence littéraire où, d’Orcival à Rome, de Rome à Montevideo, le corps se parcourt comme une géographie du désir. Tout y est fragile, ténu, sensible. La matière durcie du monde ne se donne qu’à la subtilité des mots pour le dire, qu’au corps du texte qui le suggère, veut le donner à voir, à entendre, à saisir et ressentir.

Le sang des papillons, Vivian Lofiego

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 16 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jean-Claude Lattès

Le sang des papillons, mars 2014, 284 pages, 20 € . Ecrivain(s): Vivian Lofiego Edition: Jean-Claude Lattès

 

Peut-on évoquer les horreurs de l’histoire récente de son pays par le biais romanesque ? C’est le choix fait par Vivian Lofiego dans son premier roman, Le Sang des papillons. Nous sommes en Argentine en 1976. Tamara, très jeune enfant, voit son père se faire emmener de force vers un probable lieu de détention ou d’exécution, elle ne le sait pas encore. Très vite, le roman, qui a la particularité de n’inclure que très peu de dialogues directs, s’imprègne du sentiment de la peur, de l’omniprésence de la mort. Après avoir évoqué la situation d’un lieu à Buenos Aires, La ESMA, l’auteure rappelle ce que ce lieu a représenté pour les Argentins qui y furent internés : un centre de torture, d’internement. Vivian Lofiego précise les méthodes de répression :

« Ces terres donnèrent une fleur atroce. Une fois que les prisonniers avaient été interrogés, humiliés, torturés, on les assassinait. (…) En réalité, ils montaient dans les vols de la mort. Endormis, nus on les jetait, on les précipitait en plein vol dans le fleuve. On appela ce crime une forme chrétienne de mort ».

En remontant vers le Nord, Lilyane Beauquel

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mardi, 15 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

En remontant vers le Nord, janvier 2014, 235 pages, 18 € . Ecrivain(s): Lilyane Beauquel Edition: Gallimard

 

 

La trame est claire et épurée, à l’image d’un conte comme le qualifie du reste le bandeau. Mais c’est une histoire dense, avec des personnages intenses, qu’ils soient principaux ou secondaires. Au point que le lecteur, tout le long, suppose sans cesse un sens métaphorique qui ne se laisse pas aisément saisir.

Un pays nordique, à la fin du XIXè siècle. Sven, le narrateur, a fui sa vallée natale à l’âge de dix-sept ans. Pendant dix ans, il erre à travers le monde, étudie, devient ingénieur ; puis le voici de retour, chargé d’une mission : creuser un tunnel qui désenclavera ces vallées recluses.

Les tout premiers chapitres du roman décrivent avec un surprenant mélange de vigueur et de poésie la fuite de Sven puis ses retrouvailles avec le pays.

Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, Peter Sloterdijk

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 14 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande, Fayard

Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, janvier 2014, 160 p. 7,50 € . Ecrivain(s): Peter Sloterdijk Edition: Fayard

 

Dis-moi quelle est ta philosophie, je te dirai qui tu es…

Ce petit livre est un recueil de préfaces que Peter Sloterdijk signa, en tant qu’éditeur, dans le cadre d’une collection dont le but était de présenter les auteurs et leur philosophie en leur donnant la parole, c’est-à-dire en offrant un choix de leurs textes annotés par « un certain nombre d’excellents érudits ». Réunis, alors que là n’était pas leur vocation, ces courtes présentations de sept pages en moyenne, dessinent, selon les propres mots du philosophe allemand, « non pas une histoire de la philosophie, mais tout de même une galerie d’études de caractères ». Son titre, quant à lui, renvoie à l’idée que les philosophies vers lesquelles nous nous portons constituent des indicateurs de qui nous sommes, des miroirs, en quelque sorte : « la philosophie que l’on choisit dépend de l’homme que l’on est ». Dix-neuf philosophes, majoritairement allemands, nous sont présentés, par ordre chronologique. L’occasion de constater « que l’éventail des tempéraments philosophiques […] a la même étendue que celle de l’âme éclairée par le logos » : il est illimité.