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Roman

Suicide, Edouard Levé

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 08 Octobre 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Folio (Gallimard)

Suicide, 112 pages, 4 € . Ecrivain(s): Edouard Levé Edition: Folio (Gallimard)

Le 15 octobre 2007

Suicide est un tout petit livre de poche. Suicide est un très grand livre dont on ne se remet pas, dont on ne revient pas. Et sa légende éditoriale : la remise du manuscrit à l’éditeur P.O.L. quelques jours avant la mort par suicide de l’auteur, n’est qu’une ouverture cérémonielle.

Suicide n’est pas un tombeau, un tombeau littéraire qui proclame un nom, un vivant. De qui parle-t-on ? d’un sobre « tu » que nous voudrions à tout prix appeler Edouard Levé ? Mais nous croisons aussi un « je », celui qui dit, celui qui parle. Le suicide ici n’a pas de mode d’emploi (ouvrage cité par Levé à la première ligne d’Autoportait). Tout sera dans le flottement trouble comme dans la série de photos où l’homonymie du personnage célèbre et du quidam rend le contemplateur incertain. Le « je » et le « tu » sont comme des jumeaux (Levé a intitulé une de ses photos « autojumeaux », photo en double autoportait). En effet, ils ont étudié tous deux les sciences économiques en passant par les classes préparatoires ; ils pratiquent les mêmes sports ; ils roulent en voiture et en moto ;  ils aiment le rock ; ils ont un frère et une sœur ; politiquement, ils sont écologistes ; ils sont mariés sans enfant… Mais à quoi bon savoir si c’est bien lui Levé ? Il ne reconstitue pas. Il ne fait pas acte de biographie ou d’autobiographie, de récit de vie. Il « gèle » des moments de la vie de l’ami suicidé :

Loupo, Jacques-Olivier Bosco

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 07 Octobre 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Jigal

Loupo, septembre 2013, 200 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Jacques-Olivier Bosco Edition: Jigal

 

Il y a du Jacques-Olivier Bosco dans le personnage de Loupo, à moins que ce ne soit l’inverse. Inutile de chercher dans la biographie de l’auteur des points communs avec le parcours chaotique du héros de son dernier polar. Non, l’identification que l’on flaire à chaque page du roman ne passe ni par les origines, ni par l’enfance abandonnée, ni par un CV de bandit spécialisé dans les braquages… Si Bosco est Loupo, ou l’inverse, c’est par la sensibilité exacerbée, par l’incapacité à guérir les bleus à l’âme infligés par les injustices, par la recherche perpétuelle d’un refuge salvateur dans l’amitié virile, le credo dans des valeurs humaines qui se dressent comme autant de remparts face à la désespérance, la jouissance dans l’amour qui donne encore envie d’y croire et de s’accrocher à l’existence. Écorchés, à vif, l’un et l’autre. Parfois désabusés, mais jamais cyniques. La rage en partage, mais aussi et surtout la tendresse.

Loupo, c’est un ancien môme de l’Assistance Publique d’Évry, comme son pote Kangou, le frappé des gros cubes. « Deux loups solitaires et méfiants », 25 piges chacun et déjà à leur actif pas mal de braquages de postes et de banques sur Paris et sa banlieue et qui bénéficient des tuyaux de Le Chat, leur « prospect », au parfum des mouvements de fonds et des sécurités mises en place. Les motos volées et trafiquées pour Kangou, les décisions et les flingues pour Loupo.

Le quatrième mur, Sorj Chalandon (2ème critique)

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 05 Octobre 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, La rentrée littéraire

Le quatrième mur, août 2013, 327 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sorj Chalandon Edition: Grasset

 

Peut-on arracher à la guerre, même très brièvement l’espace de quelques heures, des belligérants ? L’objectif apparaît chimérique, surtout lorsque le moyen employé est le théâtre.

Samuel Akounis, Juif grec né à Salonique, ayant miraculeusement échappé à la Shoah, né en 1940, n’est pourtant pas revenu de tout : il croit, avec une certaine lucidité, avec le poids de l’expérience tragique de l’histoire, aux vertus de générosité, à la force des idées. Cette fidélité, il tente de la transmettre à ses amis, à Georges, étudiant en histoire, théâtreux à ses heures, militant au Quartier Latin dans les années 70. Il incite son ami à introduire de l’intelligence dans la défense de ses convictions, à ne pas utiliser les comparaisons et slogans trop outrés et simplistes. Ainsi le morigène-t-il lorsque Georges se met à crier « CRS-SS » lors d’une manifestation : « Aloïs Brunner n’était pas là, Georges. Ni aucun autre SS. Ni leurs chiens, ni leurs fouets. Alors, ne balance plus jamais ce genre de conneries, d’accord ? ».

Le don du roi, Rose Tremain

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 04 Octobre 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jean-Claude Lattès

Le Don du Roi (Restoration), traduit de l’anglais par Gérard Clémence, juin 2013, 430 p. 22 € . Ecrivain(s): Rose Tremain Edition: Jean-Claude Lattès

 

Grandeur et décadence…

Après avoir été contraint à l’exil cependant que l’Angleterre était gouvernée par le républicain Cromwell, Charles II monte sur le trône en 1660. C’est la Restauration (d’où le titre anglais du roman), époque de plaisirs en tous genres à la Cour anglaise.

De passage chez son gantier Merivel, Charles remarque le fils du modeste artisan, Robert, qui veut devenir chirurgien.

Quelques années plus tard, Robert est admis dans le cercle des « amis » du roi et, devenu l’un de ses bouffons, partage la vie insouciante du palais, jusqu’au jour où le monarque, contraint de mettre de l’ordre dans le partage de ses nuits entre ses multiples maîtresses, le marie, après l’avoir anobli, avec l’une de ses favorites, Celia, qu’il veut éloigner provisoirement de la Cour. Le couple reçoit dans sa corbeille de noces la belle propriété de Bidnold, dans le Norfolk, dont il doit faire sa résidence officielle.

Danse noire, Nancy Huston

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, La rentrée littéraire

Danse noire, 21 août 2013, 347 p. 21 € . Ecrivain(s): Nancy Huston Edition: Actes Sud

Milo est à ses derniers jours, à l’hôpital. Autour du dialogue d’écriture qu’il entreprend avec le réalisateur Paul Schwartz, Nancy Huston va dérouler la trame d’une vie, et de trois générations.

Saga du temps et de l’espace que ce roman, tissé de destins croisés ou plus exactement de destins croisés et légués. Car la dette, celle de l’héritage des ancêtres, pèse ici de tout son poids. Milo est fils de Declan, lui-même fils de Neil, l’Irlandais qui a grandi naguère au milieu des déchirements de son pays natal. La guerre civile des années 10. Elle le hante encore cinquante ans plus tard. De même que le hantent les souvenirs de ses proches d’autrefois parmi lesquels, au-delà de sa famille, des amis comme James Joyce ou William Butler Yeats. Neil aussi aurait voulu être un écrivain célèbre mais la vie … Alors les souvenirs du grand Joyce occupent le terrain laissé en friche :

 

« D’après la rumeur, il venait de signer un contrat d’édition pour un recueil de nouvelles sur Dublin, et avec Thom on se demandait si on pourrait y lire des récits de ce tonneau-là, des histoires évoquant le dessous du dessus, le sombre du clair, l’enfer du paradis. Jimmy oserait-il s’exprimer en public comme il le faisait en privé, pérorant dans un mélange ahurissant d’anglais, de gaélique et de latin sur ses prouesses priapiques avec les messalines de Monto ? »