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Les Livres

Tarédant Sous protectorat, Ami Bouganim

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 17 Février 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

Tarédant Sous protectorat, Matanel Foundation Avant-Propos, novembre 2015, 269 pages, 20,95 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

 

Tarédant est une ville imaginaire, à la fois détachée du Maroc et rattachée à ce pays, où vit une population juive en exil – physique et moral –, et de ce fait, aux traditions particulières, à la fois sur et sous-cultivée, « partagée » en deux clients principaux : les courtiers et les aliénés, chacun pouvant échanger avec l’autre avec facilité, en fonction de l’humeur des habitants qui se joue au gré des vents.

Ceux-ci, gouvernés par un prince de retour de contrées plus ou moins lointaines, se défient en joutes oratoires pouvant atteindre – et même dépasser – vingt heures : « L’entrevue entre les deux personnages dura environ vingt-quatre heures. Ils échangèrent des invectives dans la meilleure des traditions rédanaises et il va sans dire que celles de Brave-Vent – le prince – l’emportèrent par leur richesse, leur verdeur et leur pertinence sur celles, plutôt mièvres du médecin. Puis ils se provoquèrent en toutes les langues qui se pratiquaient sur la presqu’île, retenus l’un et l’autre par les riverains de la pointe scandalisés par le sans-gêne grec de l’un et la morgue gauloise de l’autre. Puis ils livrèrent tous les duels qui se pratiquaient dans le monde pour éviter de s’entretuer. Puis ils ouvrirent une mémorable bataille de cartes qui se termina par la ruine du médecin et son endettement » (p.24).

Bombay Girl, Kavita Daswani

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 16 Février 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Editions de Fallois

Bombay Girl, août 2015, trad. américain Danièle Mazingarbe, 253 pages, 20 € . Ecrivain(s): Kavita Daswani Edition: Editions de Fallois

 

Voilà un roman qui ouvre une fenêtre inhabituelle sur la société indienne, puisque l’histoire se déroule de nos jours dans les milieux ultra-huppés de la minorité privilégiée que constituent les grandes familles affairistes de l’entreprise capitaliste multinationale tenant le haut du pavé dans la mégapole de Bombay, détenteurs de fortunes aux origines parfois douteuses, voire délictueuses.

Tout Bombay savait comment Dipo gagnait sa vie, mais tout le monde s’en moquait. Ce qui comptait, c’était que Dipo soit affreusement riche…

Dans ces hautes sphères, l’empire financier de la famille Badshah occupe une place enviée. C’est pourquoi l’annonce que fait publiquement le patriarche fondateur de la compagnie Badshah Industries retentit comme un coup de tonnerre dans le ciel doré de ce Bombay où se côtoient et évoluent, loin des bidonvilles, journalistes, vedettes de Bollywood, brasseurs d’affaires, multimillionnaires, banquiers, proxénètes, escrocs à l’affût : le grand-père, détenteur des clés de l’empire, décrète qu’aucun de ses trois fils n’héritera de l’affaire, laquelle reviendra à celui de ses petits-enfants qui saura lui proposer un projet conséquent de nature révolutionnaire susceptible d’apporter à l’affaire familiale très prospère de nouvelles perspectives de développement.

Kannjawou, Lyonel Trouillot

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 16 Février 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Kannjawou, janvier 2016, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Lyonel Trouillot Edition: Actes Sud

 

Le vocable « Kannjawou » signifie dans la culture populaire d’Haïti le partage, la fête, à l’occasion de réjouissances. Dans le roman de Lyonel Trouillot intitulé ainsi, ce dernier met en scène cinq jeunes gens, qui à la veille de leur entrée dans l’âge adulte, osent encore rêver de leurs avenirs : ils se nomment Sophonie, jeune serveuse au Kannjawou, nom d’un bar du quartier de l’Enterrement à Port-au-Prince, Wodné, Joëlle, Popol. Leur soutien quotidien, c’est man Jeanne, mère de substitution un brin protectrice, qui tente de sauvegarder des règles d’humanité et prodigue des conseils à ces cinq adolescents, peut-être déjà en danger de perdition. Un autre personnage, le « petit professeur », tente grâce à sa vaste bibliothèque de leur inculquer des bribes de connaissances, de l’éducation.

Mais comment cela est-il réalisable dans ce pays, Haïti, dont l’auteur nous rappelle, très opportunément, qu’il a été occupé une première fois par les Américains, de 1915 à 1934, et qu’il est occupé une seconde fois par les ONG, les organisations non gouvernementales, depuis le récent tremblement de terre de 2010. Ce que met en relief Lyonel Trouillot, c’est le décalage entre les bonne intentions de ces occupants, et la réalité haïtienne :

S’il existe un pays, Bruno Doucey

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 16 Février 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

S’il existe un pays, éd. Bruno Doucey, 2013, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Bruno Doucey

 

Dès le début de S’il existe un pays, se retrouve la sobriété du recueil précédent, La Neuvaine d’amour, réduite au dépouillement de l’haïku et l’amour d’une Nature vivante avec laquelle le poète dialogue – c’est un procédé récurrent dans tout le recueil – « à mots couverts ».

Cette fusion avec la Nature, alliée à une richesse du vocabulaire, nous surprend par sa profusion urgente issue des voyages et de la frustration due au manque de temps, comme Bruno Doucey l’a reconnu lui-même publiquement. Dans Neige, première « nouvelle » d’une série qu’il a élevée à la hauteur d’un conte, on peut en effet lire de véritables trouvailles comme : « la houppelande d’étoiles » et « la capeline dans le vent ».

Puis c’est l’eau, cette fois, qui, sous sa forme liquide, donne lieu aux psalmodies de l’Indian-castor dans une aventure qui a commencé très tôt : « Mais je reste l’indien des mots de mon enfance ».

Le dialogue reprend dans Poème à la vie volée avec un éloge funèbre à l’ami mort et c’est par le vers éponyme « s’il existe un pays » que le poète offre ici une patrie commune à ses frères en écriture.

Le Sage des bois, Georges Picard

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 15 Février 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions José Corti

Le Sage des bois, janvier 2016, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Georges Picard Edition: Editions José Corti

 

Nous avons tous des projets, des rêves, des idéaux, enfouis quelque part. Nous arrivons à en vivre certains, ou une partie, ou même la totalité, peut-être… Mais à notre époque, très souvent, du rêve à la réalité il y a un pas plus ou moins grand, parfois un gouffre. Comment cultiver son jardin ? Le plus important est sans aucun doute d’essayer. C’est ce que va faire le narrateur de Le sage des bois. Et c’est le récit de cette tentative de grand écart d’un « jeune homme exalté » que nous allons lire sous la plume de Georges Picard.

L’idéal est assez simple : rejeter la vie banale qui lui est proposée, partir, aller quelque part, vivre selon ses idées, voire selon un Idéal, « nourrir son esprit des choses de la nature autant que des idées philosophiques », comme l’a écrit Henry David Thoreau, ce « sage des bois », dans une œuvre qui en fait rêver plus d’un encore aujourd’hui : Walden ou la vie dans les bois, et qui est le bréviaire du narrateur, qui a « beaucoup lu, encore plus rêvassé ». Citadin sans domicile, il choisit de partir seul, sans argent, avec une tente et une canne à pêche, sans « compétences monnayables ». Pas trop sûr de l’utilité d’une licence de philosophie quand il faudra monter la tente – cette caisse dont parle Thoreau et dans laquelle dormaient les ouvriers, avec leurs outils – construire une cabane et se nourrir dans la nature. Mais il part à la recherche de ce lieu idéal, cet étang, bien sûr, en Sologne ou dans le Cantal, bref, près de cette nature qui pourrait ressembler à Walden.