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Les Livres

Reprises, Cédric Bonfils (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 28 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Reprises, Cédric Bonfils, éditions Invenit, mars 2024, ill. Élise Kasztelan, 80 pages, 14 €

 

Exercices

Je ne sais pas grand-chose du karaté, ni de sa discipline ni de ses symboles. Or, ce recueil de Cédric Bonfils s’appuie sur la pratique de ce sport de combat, qui ressemble plus à un combat en soi qu’à une lutte avec autrui ; même si sa destination première doit être la défense contre l’agression. Et sans connaître les noms exacts de tel ou tel mouvement, ceux-là étayent et remplacent le corps par le corps verbal, les noms qui hantent les poèmes – tout autant que le corps propre de celui qui pratique. Ces noms sont donc des entrées dans cet art martial, comme dans le texte. Ce qui signifie qu’il faut consentir à avancer dans un pesant mystère, celui d’une psyché, fût-elle guerrière. Au contraire, cette approche physique du livre peut se comprendre comme un exercice intérieur, une ressource de connaissance, une métaphysique du sport. L’écriture s’en ressent donc. Elle est disciplinée sans être rigide, mais inspirée par un souffle, par la respiration qui est fondamentale pour la pratique du karaté. Écriture claire, légèrement corsetée, calque de l’expérience du karatéka.

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 27 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Récits, Editions des Syrtes

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine, Editions des Syrtes, janvier 2024, trad. russe, Anne-Marie Tatsis-Botton, 320 pages, 23 € Edition: Editions des Syrtes

Pour raconter son Histoire de l’Île, lieu inexistant et donc ouvert à tous les possibles, l’écrivain russe Evgueni Vodolazkine choisit une forme à la fois éloignée et proche du roman, la chronique. Ce sont donc trois-cent-cinquante années d’une lente évolution du Moyen Âge à l’époque contemporaine qui défilent en quelque trois cents pages, racontées par divers chroniqueurs au fil des siècles, depuis Nicanor l’Historien jusqu’à Innocent, longue lignée de moines qui racontent leurs époques respectives.

Ils racontent ainsi l’évolution politique de l’Île, avec comme constante et fil conducteur le couple princier formé par Xénie et Parthène, tous deux dotés d’une longévité exceptionnelle et non seulement témoins mais aussi commentateurs. En effet, l’Histoire de l’Île se présente comme étant l’édition complète d’une chronique connue et étudiée depuis son origine, édition sous l’égide d’un certain Philippe, qui a proposé à Parthène et Xénie de donner « leurs avis », « notes [qui] insensiblement ont pris le caractère d’un journal ». Par ces « notes », on glisse doucement d’une réflexion sur la chronique à une réflexion sur la longévité et la modernité, au regard posé par deux vieillards tricentenaires alertes issus d’une autre époque sur l’époque contemporaine, la nôtre.

Coups de griffes N°8 (par Alain Faurieux)

, le Lundi, 27 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Meurs ressuscite, Albane Prouvost, POL, 2015, 64 pages, 10 €

Merci à M.D pour m’avoir, par curiosité et esprit de contradiction, mené à Albane P. Ça a fait ma journée diraient les anglais. Aurais-je dû rire très fort pendant cette lecture ? Jeter des choses à terre ? Prendre comme témoin du ridicule un passant sur la route ? Je ne suis pas si plouc pour ne pas avoir compris « l’intention »… Le manque, la mort, l’absence. Et puis la blancheur/la neige (la page), la Russie et ses poètes, les peintres, gna-gna-gna. Trente pages en fait (la blancheur et tout ça, ça prend de la place ma chère). Quinze ans pour ça : c’est dur être poète ! Alors que m’a-t-il manqué ? Parce qu’après tout me direz vous, la poésie c’est un ressenti, une liberté. Chacun sa définition. Il m’a donc manqué un jeu, un plaisir des mots, un amour de ceux-ci, une découverte, de la beauté, de la force, ou de la violence, de la provocation, de la surprise, des sentiments, ou une vision, des possibilités. A la place le vivier lexical d’un pays en proie à la famine, un patchwork bancal. Des bouts de catalogue de jardinerie mal découpés collés sur un vieux carton en lieu et place de Chagall ou Matisse. M’a manqué une voix, reste un bafouillement. M’a manqué un rythme, un pas (la neige appelle au moins une trace). Reste rien.

Lettres à Juan Bautista (Vingt ans après), Yves Charnet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 23 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Au Diable Vauvert

Lettres à Juan Bautista (Vingt ans après), Yves Charnet, éd. Au Diable Vauvert, mai 2024, 400 pages, 22 € Edition: Au Diable Vauvert

 

« Ce sont des anges de passage. Des anges aux visages graves. Vous aurez peut-être la chance de les entrevoir depuis les gradins des arènes. Ou dans certains tableaux de Modigliani. Fermez les yeux. Voilà. Croyez-moi sur parole. Une cape, des ailes, une épée ».

« L’art magique et prodigieux de toréer a aussi sa musique propre (intérieure et extérieure), et c’est ce qu’il a de mieux. Musique pour les yeux de l’âme et pour l’oreille du cœur, qui est la troisième dont nous parlait Nietzsche, celle qui écoute les harmonies supérieures », José Bergamín (1).

La corrida et les toreros fascinent les écrivains depuis bien longtemps. La liste est longue et passionnante des auteurs qui à leur façon ont touché la corne d’un toro bravo ou croisé le regard d’un torero : Hemingway évidemment, mais aussi Georges Bataille, Yvan Audouard, Jean-Marie Magnan, Jean Cau, Jacques Durand, ou encore Philippe Sollers.

Une fille sans histoire, Tassadit Imache (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 23 Mai 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres

Une fille sans histoire, Tassadit Imache, éditions Hors d’atteinte, avril 2024, 128 pages, 17 €

 

La deuxième génération

Tassadit Imache, née en 1958 à Argenteuil d’une mère française et d’un père algérien, est l’autrice de 8 romans, dont Une fille sans histoire, publié en 1989 chez Calmann-Lévy et sélectionné pour le Goncourt du premier roman. Ce roman est republié ici chez Hors d’atteinte. Sa voix, jointe à celle de Mehdi Charef, est issue de la deuxième génération d’enfants d’immigrés. Phonation qui a émergé de descendants d’anciens colonisés, condamnés à l’obscurité, à l’effacement et à un destin douloureux. À ce sujet, Faïza Guène s’interroge : « Comment, avec de simples mots, pourrais-je réparer les dégâts commis par un exil douloureux, par votre indifférence et par son rêve brisé ? ».