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Les Livres

Sept lettres à un jeune philosophe, Agostinho da Silva (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 26 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Sept lettres à un jeune philosophe (suivies d’autres documents pour servir à l’étude de José Kertchy Navarro), Agostinho da Silva, Les Éditions Circé, février 2025, trad. portugais, Laurent Cantagrel, 152 pages, 13 €

C’est ici un maître imaginaire (José Kertchy Navarro, l’épistolier des sept missives, n’a jamais existé) qui donne à son jeune disciple des coups bien réels. Ce sont des leçons avisées et brillantes, mais pour l’essentiel (malgré ici ou là les miettes d’une autocritique elle-même cinglante : « Vous savez ce qu’est ma vie, et que je ne pourrais jamais faire plus que de préparer ce que j’aimerais le plus faire… », p.28), railleuses et cruelles. La stratégie pédagogique de maître Navarro est nette : ménager un jeune esprit (ici, un certain Luís Ervide, dont on n’apprendra rien d’utile) serait le plus sûr moyen de lui nuire. Un exemple (tiré de la lettre II) suffira, où sont formulés, plutôt sèchement, le diagnostic, le pronostic et la thérapie, ainsi successivement proposés par le « maître » :

« Et puis, cher ami, je crains que vous n’ayez pas en vous le noyau dur qui vous permettrait de frémir sans vous dissoudre. Je ne sais pas si toutes ces roues sont si solidement attachées à l’axe central que nulle vitesse ne serait capable de les faire voler en éclats. Vous ne le savez pas non plus, vous êtes trop jeune pour le savoir… » (p.37).

L’Amant de Lady Chatterley et autres romans, D.H. Lawrence, Bibliothèque de la Pléiade (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 25 Mars 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, En Vitrine, La Pléiade Gallimard, Cette semaine

L’Amant de Lady Chatterley et autres romans, D.H. Lawrence, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 2024, 1281 pages, 76 € . Ecrivain(s): D. H. Lawrence Edition: La Pléiade Gallimard

 

David Herbert Lawrence (1885-1930) fait partie de ces écrivains dont un seul titre masque l’ensemble de l’œuvre. En l’occurrence, L’Amant de Lady Chatterley, sa célébrité de scandale, sa condamnation, les polémiques et les malentendus émis à son sujet ont entravé non seulement la bonne lecture du roman, qui ne sera disponible intégralement que trente ans après sa première publication en 1928, mais aussi la connaissance du reste des écrits de Lawrence, qui est considérable. Poèmes, romans, récits, essais, articles, correspondance, c’est en vérité au « continent Lawrence » que l’on a affaire et que la « Cambridge Edition » lancée en 1980 a peu à peu révélé au prix d’un travail titanesque (40 volumes en 2018).

L’entrée aujourd’hui de Lawrence dans la Bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, avec tout l’appareil critique qui lui est propre, après celle de James Joyce et de Virginia Woolf, ses contemporains, donne ainsi l’occasion pour le public français de le lire vraiment et peut-être, finalement, de le découvrir ou redécouvrir.

Chine, Gilbert Bourson (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 25 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Chine, Gilbert Bourson, éditions Douro, Coll. La Bleu-Turquin, 2023, 164 pages, Ill. couverture Jacques Cauda, 19 €

 

Paru dans la Collection dirigée par Jacques Cauda, La Bleu-Turquin, le roman de Gilbert Bourson – aussi baroque qu’un « fouinage » exquis, qu’un « dépôt de choses à récupérer » par attachement sentimental, devoir de mémoire ou encore en vue d’un recyclage – décharge des trésors enfouis pourvu que, comme en Littérature, l’observateur ait l’œil, pourvu qu’il sache chiner comme un brocanteur digne de ce nom sait repérer dans le fourbis la trouvaille, voire la pépite… Chine, à l’instar d’une musique futuriste qui stockerait dans ses données un bric-à-brac ou florilège de sons figurant l’âme musicale des foules, constitue un roman baroque où l’exposition des motifs du phrasé romancé (l’exposition des éléments hétéroclites qui compose la brocante qu’est ce livre) joue avec brio avec une mécanique vivante bien huilée des mots connectée à notre vie quotidienne.

Il dit, y a qu’à fouiller dans les ruines, de sa voix éraillée qui commande. Et puis il s’est tiré pour chercher un engin roulant, brouette ou soi-disant. Dieu peut-être, avec sa roue voilée qui couine.

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos, Éditeur Le Bois d’Orion, août 2024, trad. grec moderne, Bernard Grasset, édition bilingue, 220 pages, 19 €

 

Parole de lumière

Ce qui est très perceptible de suite, dans la poésie de Jeanne Tsatsos, c’est la qualité religieuse de cette traduction du grec moderne de Bernard Grasset. Au long des pages, l’on perçoit nettement l’engagement religieux de la poétesse. Et ce qui est littéraire ici, c’est la capacité de l’écrivaine à subsumer la question de la foi et des vertus théologales, en une croyance forte, ou plus généralement au sein de l’être dans l’Être. Oui, une épiphanie.

 

Étoile, Toi qui viens

à ma rencontre,

montre-moi la voie.

Jacaranda, Gaël Faye (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mars 2025. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

Jacaranda, Gaël Faye, Grasset, août 2024, 286 pages, 20,90 € Edition: Grasset

 

L’arbre Jacaranda peut sembler symbolique d’un faisceau d’événements : il est à coup sûr le symbole de l’arbre généalogique sous lequel s’abrite l’une des voix de cette histoire, Stella, étoile sous l’arbre de la tradition, image même du sacré bafoué par le massacre de 1994.

Sur fond de génocide au Rwanda, le personnage principal du roman, Milan, narrateur des faits, explore sur le long cours de 1998 à 2020 ses rapports à la fois complexes et clairs avec le pays d’origine, ses parents, sa famille de là-bas.

Les divers voyages à Kigali ou ailleurs lui ont permis de revoir une partie de sa famille, la mère de sa mère, des amis, et même d’avoir l’occasion de se donner un oncle dont il ignorait tout, Claude.

Cherchant à finaliser une thèse sur le génocide, Milan part à la fois pour se retrouver, et pour tenter de comprendre l’insupportable, l’inénarrable dans la souffrance des victimes.