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Les Livres

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 08 Avril 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour, éditions La Salamandre, 468 pages

 

L’ambition du travail de Julien Carré est, d’entrée, explicite : dans une lettre manuscrite adressée à l’éditeur il annonce, en effet, vouloir entreprendre « de mettre en mots le respect qu’il a de (l’)œuvre » de son pair, ancien professeur, Jean-Louis Rambour. Il s’agit pour l’élève-écrivain de se glisser dans l’univers de l’œuvre, de l’investir et d’y inscrire, par-ci par-là, un autre texte. « Jean-Louis a bâti une œuvre et dans cette œuvre je me retrouve », affirme Julien Carré qui s’y retrouve, tout au long de ce livre copieux (pas moins de 468 pages) intitulé Le Feuilleton, en écrivant son propre texte sur le manuscrit-palimpseste de la Littérature, à partir d’une réécriture du texte original de son inspirateur.

(…) Tu grattes les écrits de Jean-Louis Rambour comme un parchemin déjà utilisé, et tu inscris un autre texte. Tu effaces avec de la ponce pour t’offrir un espace où coller tes mots (…).

Apnée, Yann Moix (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Lundi, 07 Avril 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Apnée, Yann Moix, éditions Grasset, janvier 2025, 22 € . Ecrivain(s): Yann Moix Edition: Grasset

 

Le grand plongeon

L’épopée poétique de Yann Moix, Apnée, est un exercice de style qui décline l’histoire politique et culturelle depuis le XXe siècle en alexandrin à rimes plates. Cette expérience immersive s’inscrit dans la tradition des récits épiques. Il n’est pas rare que la poésie française fasse la part belle à l’histoire, de l’Abrégé de l’histoire de France, en vers, de Godard de Berigny, en 1679, à L’Alexandréide, ou La Grèce vengée, de Sylvain Phalantée, en 1829.

Cette divagation en vers qui happerait le nez de Raymond Queneau, comprend quarante-deux chapitres pour un total de six mille alexandrins libres, à peu près. Elle comporte des hymnes, des élégies, des odes. Cette apnée de Yann Moix apparaît comme la logorrhée d’un plongeur de perles. À bout de souffle, l’apnéiste ne manque pas de souffle lyrique. Dans cette eau amniotique, le vieux loup de mer devient un nouveau-né.

Labyrinthes, Christopher Okigbo (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Avril 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Afrique, Poésie

Labyrinthes, Christopher Okigbo, Poésie/Gallimard, mars 2025, 224 pages, 10,30 €

 

Vortex

Pure découverte que ce recueil du poète nigérian, Christopher Okigbo. Non pas que pour la couleur locale, les noms toponymiques, ceux des animaux, les descriptions des paysages d’Afrique. Cela ne s’arrête pas là, mais cherche l’union de cultures totémiques et de la poésie occidentale (dans sa version initiale en anglais, ici dans une édition bilingue). Et surtout, le vortex des mots, des images, de l’angoisse, de la mort et de l’espoir politique.

Écrire c’est ouvrir la Boîte de Pandore des inquiétudes nouvelles et qui n’ont jamais été dites. Parole de la mort qui est à la fois essence et unique moment sans nomination. Et au fond de cette boîte gît le pauvre langage humain.

Un cœur pur, Sur les traces de Tintin au Népal, Maxime Dalle (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 04 Avril 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Un cœur pur, Sur les traces de Tintin au Népal, Maxime Dalle, éditions Herodios, février 2025, 175 pages, 22 €

 

Un cœur pur, Sur les traces de Tintin au Népal, de Maxime Dalle, n’est pas un banal récit de voyage de plus, avec les conventions obligées du genre, mais bien davantage : l’histoire, de l’enfance à la trentaine, d’une construction de soi (amicale, intellectuelle et spirituelle). Aussi, lorsque la relation d’un trek de Katmandou à Gosainkunda commence, au chapitre XIII (p.97), on a compris que si les lieux évoqués se repèrent sur une carte, si on peut suivre les trois amis randonneurs (le narrateur et ses complices, Archibald et Shylock) d’étape en étape, leur périple, quoique physique, est tout autant intérieur et participe non de la prouesse sportive (la stupide injonction moderne à « se dépasser » !) mais de la quête. Car pourquoi aller si loin et se confronter à la dure épreuve qu’est une marche en très haute montagne si ce n’est pas pour se donner rendez-vous ?

D’étranges nuits d’été, Véronique Delamarre Bellégo (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 04 Avril 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

D’étranges nuits d’été, Véronique Delamarre Bellégo, Oskar Éditeur, 2014, 80 pages, 9,95 €

 

Adopter l’état d’esprit d’un narrateur très jeune (onze ans dans le livre qui nous intéresse) n’a rien d’une évidence en termes littéraires. Cependant, la justesse qui émane de ce court roman, à travers la voix et le ton de Matthieu, n’est pas son unique qualité. Comment ne pas penser, à certains moments, aux livres de ce talentueux écrivain qu’est Michel Cosem, dont une large partie de la bibliographie est tournée vers la jeunesse ? Des romans tels que L’Enfant et la légende ou Émilie et la Dordogne contiennent ce souffle propre au jeune héros, ou à la jeune héroïne, qui va à la fois au-devant de lui-même et de l’inconnu, où le ressenti de sa chair n’est plus vraiment le même à la fin du voyage, où l’ambiguïté permanente entre réel et imaginaire, si caractéristique de cet âge, est savamment ménagée pour faire de l’aventure entière un poème.

Tels sont les éléments contenus dans ces Étranges nuits d’été, au titre déjà poétique et énigmatique – à travers l’illustration de couverture, l’art de Julia Wauters a su délicieusement exprimer l’envoûtement et la délicatesse de ces nuits.