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Les Livres

Honorine, Honoré de Balzac (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 13 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Honorine, Honoré de Balzac, Folio Poche, novembre 2023, édition Jacques Noiray, 224 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Honoré de Balzac Edition: Folio (Gallimard)

Honorine, comme le féminin d’Honoré, comme un pendant féminin à l’auteur de la Comédie humaine – là où l’on fait dire à Flaubert « Emma, c’est moi ! » (citation apocryphe, n’en déplaise à la légende), pourrait-on faire dire à Balzac « Honorine, c’est moi ! ». Ce serait un peu vain, ce serait fouiller dans les poubelles biographiques pour chercher chez Balzac des traces d’adultère, de tourments existentiels liés à la fidélité à… l’amour. Par contre, on peut inférer de ce choix de prénom féminin l’idée suivante : Honoré refuse de juger Honorine, voire demande à ce qu’on considère sa destinée avec respect.

Cette destinée peut se résumer en quelques mots : Honorine est adoptée par la famille du Comte Octave, ce dernier l’épouse ; après quelques mois, cette demoiselle pure et emplie d’un désir amoureux (« sa rieuse imagination ignorait la corruption, peut-être nécessaire, que la littérature inocule par la peinture des passions ») abandonne le mariage pour vivre une aventure de dix-huit mois avec un amant qui la quittera lorsque le réel, sous forme de la misère et d’un enfant qui ne vivra que sept mois, rattrape le désir ; Honorine refuse alors de rentrer au domicile conjugal, malgré un mari aimant disposé à tout pardonner.

Le Harki de Meriem, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 13 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Harki de Meriem, Mehdi Charef, éditions Hors d’atteinte, mars 2024, 224 pages, 16 €

 

Supplétifs algériens

L’écriture de Mehdi Charef (né à Maghnia en Algérie en 1952, écrivain et réalisateur de 11 films, doté de nombreux prix dont celui de la jeunesse au Festival de Cannes 1985, du Jean-Vigo 1985, et du César du meilleur premier film), est poignante, acérée, émouvante car si près des êtres déchus, des éclopés du prolétariat et de l’immigration. Le deuxième roman de l’auteur se situe dans une ville moyenne de province où les classes sociales sont clivées entre les immigrés, les racistes criminels (les fascistes et les identitaires) et les harkis. Des personnages brisés ont tout perdu, tout « en sueur et en larmes ». Comme par exemple, Pierre, l’alcoolique : « Sa petite tête de fouine fatiguée penchait sur son long cou comme une fleur qui se fane sur sa tige », la prostituée anonyme, « la plus belle des filles de rue (…) sa jupette violette coupée au ras des fesses et, dessous, le string presque invisible partageant deux belles parts », ou le jeune Sélim, jeté dans la fosse aux lions.

Dante Alighieri, Vie Nouvelle (information)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Mercredi, 08 Mai 2024. , dans Les Livres, La Une Livres

Dante Alighieri, Vie Nouvelle – bilingue italien / français - traduction de Jean-Charles Vegliante avec Marina Marietti & Cristiana Tullio Altan, puis le séminaire CIRCE, Editions Garnier, Classiques Jaunes, 159 pages, 14/02/2024, 10 €

https://classiques-garnier.com/vie-nouvelle-1.html

Au mois de février 2024 est sortie la deuxième édition d’un travail collectif extraordinaire. Si sa première édition chez Garnier remonte au mois de mars 2011, le début du travail collectif de traduction, toutefois, remonte bien plus en amont, en 2003 : nous étions en Italie, en Toscane, à Bellosguardo, un très beau quartier de Florence. Le groupe de recherche CIRCE du Professeur des Universités Jean-Charles Vegliante s’était retrouvé avec la spécialiste Marina Marietti, Professeure des Universités, également ensuite au Centre Censier à la Sorbonne-Nouvelle – Paris III, dans la petite salle 001 du CIRCE pendant plusieurs mois. Marina Marietti nous a malheureusement quittés ces jours-ci. Nous gardons en mémoire sa très grande rigueur scientifique et surtout son sourire des yeux quand nous parlions de Dante Alighieri et de son œuvre.

Valérie Bravaccio

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Presses de la Cité, Israël

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen, Les Presses de la Cité, mars 2024, trad. hébreu, Laurence Klein, 365 pages, 23 € Edition: Presses de la Cité

 

Ne se sentir ni d’ici, ni de là-bas : « Parce que nous, les parents, étions des Israéliens qui parlions aussi anglais, alors que lui, notre fils, grandirait en Amérique et serait un Américain qui parlait aussi hébreu » (p.205). C’est la pensée qui vient à Lilach – Lila – au milieu du gué, au milieu de l’histoire.

Un adolescent meurt au cours d’une fête. D’un côté, un adolescent Noir, au regard doux, au corps musclé de géant dont on apprendra qu’il était homosexuel et appartenait à un groupuscule Nation of Islam. De l’autre côté – d’un autre côté –, un adolescent Juif, dans la même classe, petit, maigre, emprunté, qui se fait racketter. Et au centre, au milieu, en toile de fond, l’interrogation d’une mère tiraillée entre ce qu’elle éprouve et ce qu’elle ressent, entre son appartenance et son déracinement, tout se jouant sur fond de violence et d’incompréhension, de fermeture à l’autre. Une mère désorientée : par où commencer ? Où mèneront ses réserves et ses recherches ? Faire profil bas devant la confusion de ses sentiments, de ses appréhensions, de ses lâcher prise.

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar, J’Ai Lu, septembre 2023, trad. américain, Patrick Dechesne, 512 p. 8,90 €

« Doutez de la page et préservez ce doute, car un livre est une forteresse, un lieu empli de pleurs, la clé d’un désert, une rivière dépourvue de pont, un jardin de ronces ». Ainsi, par une phrase reflétant l’écriture poétique côtoyée cinq cents pages durant, s’ouvre le « Livre sixième » d’un magnifique roman sur le pouvoir des mots, écrits ou lus, mais aussi dits : Un étranger en Olondre. Plus loin dans le même chapitre, bref et intense, situé quelque quarante pages avant la fin de roman, l’autrice semble avertir le lecteur de l’accès de mélancolie qui le saisira après avoir tourné la dernière page : « Le silence. La fin de toute poésie, de toute romance. Plus tôt, effrayé, vous commenciez déjà à sentir comme une suggestion de ce silence : tant de pages ont été tournées, le livre était si lourd d’un côté, si léger de l’autre, se réduisant alors que la fin approche. Néanmoins, vous vous consolez bien vite. Vous n’êtes pas encore à la fin de l’histoire, à cette terrible page blanche comme un volet fermé. Il y a encore quelques pages sous votre pouce, qui restent à explorer et à chérir. Oh, est-il possible de lire plus lentement ? Non. La fin approche, inexorable, à la même vitesse mesurée. La dernière page, le dernier de ces mots précieux. Et là : la fin du livre. La couverture épaisse qui, une fois refermée, ne vous offre que du cuir gaufré de vieilles roses et d’écus.