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Les Livres

Quitter la terre, Daniel Morvan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Mars 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Quitter la terre, Daniel Morvan, éditions Le Temps qu’il fait, janvier 2024, 140 pages, 18 €

 

Ambiguïté

Pourquoi ce titre : ambiguïté ? Parce que le poète est polarisé entre la campagne bretonne de son enfance et une formation universitaire à Paris, laquelle s’est avérée plus difficile, je suppose, que pour les Normaliens de cette époque ; ces élèves des Écoles Normales Supérieures eux restant non clivés par cette séparation (qui sait ?), ni suppliciés par cette double dague au-dessus de leur tête. Ce recueil, en tout cas, balance de la nostalgie à la révolte, de l’intelligence naturelle au savoir savant. Daniel Morvan, je crois, est aux prises avec une culpabilité inhérente à ce mouvement de balancier. Tout l’ouvrage tourne autour de cette question, celle du déclassement social et culturel, donc vers le haut depuis le bas, mais surtout sans surplomb, sans survol, seulement axé sur un approfondissement de ces deux natures. Pour tout dire, je crois que l’on peut parler de nœud gordien. Seul le lecteur probablement est à même de trancher cette corde.

Stupeur, Zeruya Shalev (2e partie) (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël

Stupeur, Zeruya Shalev, Gallimard, juin 2023, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 364 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

II.

Une allégorie de la culpabilité

La malédiction qui hante le roman s’illustre par des allusions récurrentes au rite du bouc expiatoire, l’animal chargé des iniquités du peuple d’Israël poussé dans le vide du haut du mont Azazel le jour du Grand Pardon. Ce leitmotiv met l’accent sur le malheur des personnages, tous condamnés à battre leur coulpe : Rachel se revoit dans sa jeunesse avec Mano « tels les deux boucs propitiatoires », et compare sa chute dans un précipice à celle de l’animal sacrifié. Ses frères d’armes lui semblent avoir « servi de bouc émissaire, à l’instar du bouc chargé des péchés d’Israël qu’on envoyait du temple dans le désert le jour du Kippour ». Atara s’attribue la faute de l’enrôlement de son fils dans une brigade d’élite : « de tes propres mains, tu l’avais poussé du haut du précipice qui s’ouvrait au pied de l’antique ». La faute originelle, c’est celle de Mano qui s’est considéré l’assassin d’une jeune fille morte par hasard (« quel démon avait bien pu le saisir pour qu’il endosse une telle responsabilité ? »).

Nuit Sauvage et Ardente, Parme Ceriset (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Nuit Sauvage et Ardente, Parme Ceriset, Editions du Cygne, janvier 2024, 100 pages, 10 € . Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: Editions du Cygne

 

Une femme qui marche, qui court, qui vole, solitaire, qui va droit devant, dans la nuit, dans le vent, dans les champs, dans la brume, dans l’eau des ruisseaux, dans les rues « où fourmillaient jadis le sens de la fête, la joie scintillante en pépites, la liberté des êtres », qui va, indomptée, sous des pluies de lave et de cendre, dans le flou du présent dans lequel elle est en mouvement et dans le trouble tumulte des souvenirs douloureux d’un passé tout récent, dans l’espace et dans le temps d’un décor torturé, chaotique, et dans l’atmosphère lourde, apocalyptique, de la fin d’un monde dévasté par les guerres.

Tel semble être le courant narratif de près des cent compositions poétiques constituant ce recueil.

Poésie fluide, libre, comme celle qui va, sans entrave, toutes chaînes rompues, qui traverse.

Qui fuit.

Train de nuit, Karine Guiton, Clémence Monnet (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse

Train de nuit, Karine Guiton, Clémence Monnet, Éditions L'Étagère du bas, janvier 2024, 32 pages, 15 €

 

Rêver éveillée

Karine Guiton (née en 1973 en Vendée et résidant à Toulouse), a écrit le texte de ce bel album jeunesse, Train de nuit, que Clémence Monnet (diplômée de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans, vivant à Dourdan) a joliment imagé. L’album, très maniable pour les plus jeunes, au format de 21,5x25,5 cm, comporte un grand nombre d’illustrations pleine page, créant des scènes complètes assujetties à l’histoire, et des tableaux tous différents.

Karine Guiton et Clémence Monnet nous embarquent dans un voyage en compagnie de Zélie, qui rêve éveillée dans l’obscurité d’un train de nuit. Pendant que tous les adultes sommeillent lors de leur départ en vacances, Zélie va vivre une aventure des plus palpitantes ! Telle Alice des Merveilles, la petite fille va découvrir et rencontrer un monde secret et irréel dans la voiture-bar du wagon.

La Pierre et l’ombre, Burhan Sönmez (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 20 Mars 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Gallimard

La Pierre et l’ombre, Burhan Sönmez, Gallimard, Coll. Du monde entier, novembre 2023, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 420 pages, 25 € . Ecrivain(s): Burhan Sönmez Edition: Gallimard

 

Il est très rare que l’on se promette de relire un livre avant même de l’avoir terminé, pour en saisir toutes les beautés. C’est pourtant le cas ici. Établir des hiérarchies dans l’œuvre d’un écrivain est toujours un exercice délicat, surtout quand cette œuvre n’est probablement pas achevée. Ce nouveau roman de Burhan Sönmez, traduit (excellement) en français après Maudit soit l’espoir (2018) et Labyrinthe (2020) est le meilleur. Sönmez y entrelace avec une virtuosité inégalée et – on osera le mot – avec génie, les thèmes de ses romans précédents : la mémoire, l’oubli, la prison, « the still sad music of humanity » et, bien entendu, Istanbul, qui n’est pas seulement un décor, une toile de fond, mais quasiment un personnage à part entière.