Seaside, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)
Seaside – Didier Ben Loulou, La Table Ronde – 84 p. – 28 euros – 08/05/25
Ecrivain(s): Didier Ben Loulou Edition: La Table Ronde
« Voilà longtemps que je chemine aux abords de la Méditerranée et, arpentant la côte israélienne de la frontière de Gaza à celle du Liban, j’ai voulu montrer autre chose que le conflit, la guerre, la souffrance. C’est pourquoi je voudrais que mes images racontent mille histoires, mille consolations, mille beautés : les brûlures jubilatoires du sable, les fleurs folles en bouquets, des amoureuses enlacées, la brume tombant sur les faubourgs de Haïfa, comme abandonnés un jour d’hiver. «
Didier Ben Loulou
« La couleur, clé de chaque tableau. »
Pierre Bonnard – Observations sur la peinture – 25 août 1934 – L’Atelier contemporain
Ce nouveau livre d’images de Didier Ben Loulou, s’ouvre sur cette phrase : Home is where the waves are, il s’agit donc d’habiter le bord de mer, d’habiter la mer, la méditerranée qui baigne Haïfa, et qui aimante le photographe voyageur.
En m’attardant sur ces images, j’ai pensé aux toiles de Bonnard, et cette remarque sur la couleur s’est invitée, clé de voûte des images de Didier Ben Loulou. Le photographe est un maître de la couleur, de la clarté, mais aussi de la menace, ici des ciels noirs profonds qui se confondent avec la masse sombre de la mer. Le danger est là, on ne sait s’il est réel ou métaphorique, mais le ciel ne triche pas, il se montre et montre ce qui s’annonce. D’autres couleurs nous saisissent : le vert de pastèques sur un marché, le rouge de fleurs de sable, le blanc d’une étoile de mer qu’offre une jeune femme, la peau solaire de deux jeunes corps enlacés, la rouille de barques qui semblent échappées des Évangiles, des pierres jaunes et ocres ; un monde suspendu au regard du photographe. La lumière vient de loin pour donner vie aux images qui se dessinent sous l’œil du photographe, la lumière est une couleur, une vibration, une parole silencieuse, une prière. Didier Ben Loulou photographie un monde dont les murs s’effondrent, les navires abandonnés à la rouille, des vêtements jetés au vent, des cartons amoncelés, mais aussi ce palmier qui se donne des airs d’un phare marin.
« … avec le temps s’est installée chez moi une vision plus minimaliste, comme celle de photographies des lettres carrées, des livres abandonnés sur des stèles dans de vieux cimetières juifs en Galilée, la beauté de la nature, les saisons, une ombre, une pomme de pin, un feu de broussaille. »
Didier Ben Loulou dans La Cause Littéraire (1)
Didier Ben Loulou saisit à vue d’œil des instants, qu’il s’agisse d’une plage, d’une maison fantomatique, de pêcheurs qui réparent leurs filets, des crins d’un cheval, d’une dalle de carreaux qui s’élance vers la mer, de coquillages, des lettres signes dont il ne reste que le squelette ; où la vie se faufile, souterraine. Pour un photographe, le cadrage, la lumière, le motif sont autant de styles qui s’agrègent, et qui sur le champ l’identifient, Didier Ben Loulou possède aussi l’art de composer avec la nature, le ciel et les ombres.
Philippe Chauché
On doit notamment à Didier Ben Loulou Mémoire des lettres, textes de Catherine Chalier et Betty Rojtman, Sud (La Table Ronde), Un hiver en Galilée (Arnaud Bizalion), Judée (La Table Ronde).
(1) https://www.lacauselitteraire.fr/entretien-avec-didier-ben-loulou-par-philippe-chauche
- Vu : 443