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Critiques

La Cause des vaches, Christian Laborde

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mercredi, 04 Mai 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Les éditions du Rocher

La Cause des vaches, mai 2016, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Les éditions du Rocher

 

 

Il y a eu Alès, il y a eu Vigan. Et tout récemment, il y a eu Mauléon, au fin fond du Pays basque. Après Saint-Jean-Pied-de-Port, dépasser Bunus, où jouait il y a peu encore le Théâtre National des Pâturages, ce TNP local, puis franchir le col d’Osquich. C’est là pourtant, dans ce cliché du bonheur Bio possible, que les Vanderdendur de l’agrobusiness remplissent leurs portefeuilles (cuir premier choix, qualité veau pleine fleur).

Les Vanderdendur ? C’est le nom voltairien que Christian Laborde donne dans son nouveau pamphlet, La Cause des vaches, à tous « les voyous, les vauriens, les vandales », ceux qui ont tout pourri, tout saccagé, au mépris du paysan, « un type nourri au lolo de la terre et de l’eau, un gonze qui connaît le patois spongieux des limaces et reçoit sur son portable les textos du vent ».

Emma, Jane Austen

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 03 Mai 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Emma, novembre 2015, trad. anglais Pierre Goubert, 688 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Jane Austen Edition: Folio (Gallimard)

En 2015, l’argument de vente de l’édition en Folio d’Emma, le quatrième roman de Jane Austen (1775-1817), publié de façon anonyme alors que celle-ci a quarante ans, est une « traduction nouvelle de Pierre Goubert ». Puisque le roman est ultra-connu (mais nous y reviendrons quand même plus loin), intéressons-nous au phénomène de la traduction en comparant la première phrase dans l’édition originale telle que publiée par le Gutenberg Project, dans la traduction de Pierre Nordon publiée au Livre de Poche en 1996 (toujours disponible) et dans la présente traduction. Voici cette phrase en anglais : Emma Woodhouse, handsome, clever, and rich, with a comfortable home and happy disposition, seemed to unite some of the best blessings of existence; and had lived nearly twenty-one years in the world with very little to distress or vex her. La version Nordon : Belle, intelligente et riche, jouissant d’une confortable demeure et d’un heureux caractère, Emma Woodhouse semblait dotée des plus précieux avantages de l’existence : et depuis près de vingt et un ans qu’elle était sur cette terre, elle n’avait guère connu le chagrin ou la contrariété. La version Goubert : Emma Woodhouse, belle, intelligente et riche, disposant d’une demeure confortable et dotée d’une heureuse nature, paraissait réunir quelques-uns des avantages les plus susceptibles de rendre l’existence aimable. Ajoutons qu’elle avait vécu près de vingt et un ans dans ce monde sans beaucoup de motifs de se désoler ou d’éprouver de la contrariété.

Comédie française Ça a débuté comme ça, Fabrice Luchini

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 03 Mai 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Flammarion

Comédie française Ça a débuté comme ça, mars 2016, 256 pages, 19 € . Ecrivain(s): Fabrice Luchini Edition: Flammarion

 

 

Le passeur de textes

On ne sait pas grand-chose de Fabrice Luchini. On connaît le personnage médiatique, qui vient présenter ses spectacles ou ses films avec brio sur les plateaux de télévision et n’épargne aucun présentateur de ses coups de folie drolatiques. On connaît le comédien de talent, qui prête sa voix aux plus grands auteurs français. Il livre bien, de temps en temps, dans une interview quelques « indiscrétions » un peu plus intimes, mais le plus souvent pour amuser la galerie, de sorte qu’on ne sait jamais si elles sont réelles ou de circonstance. Son autobiographie, que publient les éditions Flammarion, est alors d’autant plus attendue par tous ceux qui suivent le comédien et en admirent le talent.

Rouge assoiffée, Claudine Bertrand

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 03 Mai 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Rouge assoiffée, Typo poésie, Éd. Typo, 2011, 400 pages, 15 € . Ecrivain(s): Claudine Bertrand

 

Par le titre de son anthologie, qui rassemble quinze recueils publiés de 1983 à 2009, Claudine Bertrand évoque au féminin amour et passion et l’ensemble des recueils le fait avec une poésie d’une richesse exigeante et dans un véritable hommage à la langue et aux mots.

Une étude exhaustive serait vaine ici. Il suffira de privilégier quelques aspects de l’œuvre pour rendre compte du génie de l’auteur.

Dans la première moitié du recueil la poète alterne l’expression en vers libres et celle en prose avec des textes qui, parfois brefs, vont jusqu’à se réduire en versets. C’est seulement à partir du Jardin des vertiges (2002) qu’elle trouve sa mise en page et choisit définitivement une disposition en vers libres, avec son rythme souple et musical et sa concision silencieuse. Ceux-ci présenteront, de plus en plus, pour affronter la vie et son destin, une maîtrise du vocabulaire ainsi que la simplicité d’un style souvent lapidaire et porté à la perfection, sans compromis, sans arbitraire comme dans Autour de l’obscur (2008) : « Profaner le fatum / Ce qui lui ressemble / Tirage au sort ».

Cadavres en sursis, Philip Mechanicus

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 02 Mai 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Histoire

Cadavres en sursis, éd. Notes de Nuit, avril 2016, trad. néerlandais Daniel Cunin, 300 pages, 21 € . Ecrivain(s): Philip Mechanicus

 

Entre journal intime et mémoire collective, Cadavres en sursis restera une œuvre capitale sur les camps de la mort. Refusant une attitude passive face à la vie, l’auteur lutta jusqu’au bout, porté et emporté par elle en refusant l’issue qui était pourtant inéluctable. Il fit de la mort des autres en prélude à la sienne le moyen de témoigner en pleine connaissance d’un processus tragique dont il montra tout ce qu’il avait de répugnant. Et c’est un euphémisme.

A l’origine le camp de Westerbork était sensé héberger des réfugiés juifs allemands. Après l’invasion de la Hollande par les Nazis, le camp passa sous leur administration. Dès ce moment il devint le corridor (à diverses strates) pour « transvaser » (écrit Mechanicus) les juifs hollandais de leur pays d’origine vers camps de Pologne. Sous couvert officiel d’« émigration », les juifs furent donc portés de toute la Hollande via Westerbork vers le massacre de masse jusqu’à la fin de 1944.