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Critiques

Les meilleures nouvelles françaises du XXe siècle, anthologie (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 23 Janvier 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Anthologie

Les meilleures nouvelles françaises du XXe siècle, anthologie, Collectif, Les Éditions Rue Saint Ambroise, 2022, 400 pages, 16,50 €

Mettre en avant, dans notre culture littéraire française qui la réduit à une forme anecdotique et la marginalise, la nouvelle, à travers une anthologie dont le principe rappelle les découpages et assemblages frustrants ou indigestes des manuels scolaires : tel est le double défi que les Éditions de la Rue Saint Ambroise relèvent dans ce volume.

Son préfacier, Gilles Philippe, admet que son titre « pourra faire sourire » ou « pourra agacer ». Il appartiendra en effet à chacun de juger si les vingt-sept nouvelles de ce recueil sont réellement « les meilleures du XXème siècle ». Il est cependant indéniable qu’elles sont très représentatives non seulement du genre mais plus largement des centres d’intérêt et des styles littéraires du siècle passé.

Vingt et un auteurs ont été retenus, Colette en ouverture, Annie Ernaux en clôture entourent Irène Némirovsky. Ces noms et quelques autres soulignent qu’au XXème siècle, publier ses écrits – car les femmes ont toujours écrit dans l’intimité ou l’anonymat – n’est plus le domaine réservé des hommes qu’il était au XIXème siècle.

Grimus, Salman Rushdie (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 23 Janvier 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Grimus, Salman Rushdie, Gallimard Folio, 2023, trad. anglais, Maud Perrin, 471 pages, 9,40 € . Ecrivain(s): Salman Rushdie Edition: Folio (Gallimard)

 

Ce premier livre de Salman Rushdie, publié en 1977 et passé, inexplicablement, totalement inaperçu, a été traduit en français et édité chez Gallimard en août 2023.

Grimus est un roman torrent, un récit d’aventures au cours… aventureux, un écrit délire, un voyage onirique, une traversée du miroir, une transgression, un parcours aléatoire, une succession de sauts, sursauts, bonds et rebonds narratifs, un texte à tiroirs dont on cherche souvent, parfois vainement mais ceci participe de l’enchantement, les clés, et globalement un étourdissant mélange des genres. A la rigueur, si on veut absolument se hasarder à l’enfermer dans une typologie formelle, on peut considérer que l’ensemble des pérégrinations, péripéties, aventures et mésaventures dans lesquelles l’auteur ballotte le héros s’apparente à une épopée individuelle ou, si l’on veut, à une trajectoire odysséenne à quoi manquerait toutefois une Pénélope attendant le retour du voyageur.

Les Carnets du sous-sol, Fiodor Dostoïevski (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Janvier 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, En Vitrine, Babel (Actes Sud), Cette semaine

Les Carnets du sous-sol, Fiodor Dostoïevski, Actes Sud Babel, traduit du russe par André Markowicz, 165 pages . Ecrivain(s): Fédor Dostoïevski Edition: Babel (Actes Sud)

De profundis clamavi…

C’est bien un chant funèbre, un thrène lugubre qui s’élève du fond des ténèbres, d’un sous-sol antichambre du royaume des morts. Parce que le personnage qui parle dans une logorrhée pleine de fiel n’est pas mort mais souhaiterait bien mourir. Il déteste le monde mais il se déteste plus encore, en tout premier. Mais au-delà de l’auto-flagellation c’est l’humanité qui est visée : l’« idiot » du sous-sol c’est l’homme, c’est tous les hommes.

Qui parle du fond du trou ? Nous ne le saurons jamais vraiment mais qu’importe. Il se dit méchant, lâche, malade, haineux. Nous l’avons dit « idiot », pas seulement pour faire une allusion à un autre ouvrage de l’auteur mais parce qu’il y a vraiment dans l’étymologie du mot – ἴδιος idios – une figure qui permet de capter le personnage au plus près : singulier, pas comme les autres, qui ne participe pas à la vie politique de sa république. Le sous-sol, c’est ce qui est en-dessous de la Cité, qui n’en est pas vraiment tout en en étant quand même.

Métamorphoses, migration, Adonis (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Mercure de France

Métamorphoses, migration, Adonis, Mercure de France, octobre 2024, trad. arabe, Aymen Hacen, 176 pages, 20,50 € Edition: Mercure de France

 

Adonis, poète migrateur

Le poète syrien, Adonis, ouvre les portes de son royaume intérieur à l’Européen, à travers son Orient natal, ses traditions, ses mythes, ses légendes. Le recueil de poésie Le livre des métamorphoses et de la migration dans les contrées du jour et de la nuit, écrit entre 1961 et 1965, se découpe en quatre mouvements, à l’image de quatre points cardinaux, de la Fleur de l’alchimie aux Métamorphoses de l’amoureux. Dans ce voyage initiatique, chaque poème, en vers libre ou en prose, s’apparente à une escale :

 

Je devrais voyager dans le paradis des cendres

Parmi ses arbres secrets

Dans les cendres, les mythes, les diamants et la toison d’or

Le Bruit des choses, Philippe Barrot (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Le Bruit des choses, Philippe Barrot, PhB éditions, octobre 2024, 48 pages, 10 €

 

Ce texte court, poétique, n’est pas, a priori, ce que laisse supposer son titre, « le bruit des choses » ; il s’agit plutôt d’un futur antérieur, sans doute inspiré des effets du bouleversement climatique, dont les conséquences sont déjà présentes, comme en Espagne récemment… Ici l’eau est omniprésente, qui recouvre tout un environnement auparavant bruyant de vie, et un presque silence s’instaure où la vie prend des formes autres et cependant contingentes. Il y a alors des vies plus sourdes qui naissent de la submersion, des vies qui s’insinuent et s’instaurent en rappelant à l’évidence ce qui fut et ce qui ne sera plus.

Et dans ces eaux, qui désormais recouvrent tout, l’éponge prend vie et place, et « révèle l’antérieur silencieux des eaux salées, lieu de vie par excellence, où se trament les divisions cellulaires d’un devenir dont on ne sait rien ». L’éponge, en raison de ses appétits, a amassé des matériaux divers qui ont permis la complexité de sa morphologie en dédale. Mais si l’eau est son milieu de prédilection, « L’éponge vit une autre vie sans eau.