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Des hommes et leurs mondes, Nadia Agsous, Entretiens avec Smaïn Laacher, Sociologue

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 20 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Des hommes et leurs mondes, Entretiens avec Smaïn Laacher, Sociologue, Editions Dalimen, novembre 2014, 212 pages . Ecrivain(s): Nadia Agsous

Croisement de deux grands regards sur le monde de l’émigration ; celui du sociologue, professeur à l’Université de Strasbourg, et membre du Centre d’études des mouvements sociaux, Smaïn Laacher, et de Nadia Agsous, journaliste, écrivain. Celle-là, pose les questions qu’il faut – une mine en soi – au spécialiste des migrants, pour permettre, en quelques chapitres, riches et fouillés, de dresser, non le point exhaustif, mais un tableau honnête, sur l’école des émigrés, les femmes et la violence, les clandestins, ou, les sans-papiers. Commençant cet ouvrage d’entretiens, une question : « Immigration, une présence provisoire ? » et le terminant, un inventaire fourmillant d’interrogations : « Insurrections arabes, penser la démocratie ».

Tout dans ce livre provoque intérêt et fixe l’attention, sur des sujets que chacun, à son aulne, s’il se veut citoyen, doit maîtriser, au-delà de ces discussions entre collègues, ou, pire, de comptoirs, où « on sait », on « a la solution »… que ce soit dans la sympathie, ou le rejet. Sus aux idées reçues, et leur poison socialement mortel ; voilà probablement une des raisons d’exister de cet ouvrage. Quel sujet porte, en effet, autant de poncifs, a priori, représentations à redresser ou à changer, que « l’Émigration » ?

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 13 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, octobre 2014, 146 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Tout Modiano, déjà, dans le titre : perdes quartier, et le tu qui s’adresse à un petit enfant, et donc à la mémoire. Entre chien et loup, toujours. Tout Modiano dans ce petit livre, qui contient peut-être tous les autres, sans lasser, sans aucun ressenti de répétition. Rien ou presque, pourtant, de réellement nouveau dans cette lente promenade entre Paris et les forêts proches, à la quête, mine de rien, du fondamental, sous des apparences faussement dilettantes, discrètes et si peu appuyées : un effeuillé, très parfumé, de mémoire disparue. Rien, quoique… plutôt, une fenêtre, encore, sur ce voyage à l’intérieur de soi, et, forcément, pas la même ouverture – pas exactement – que dans ses autres livres : « cette période de sa vie avait fini par apparaître à travers une vitre dépolie. Elle laissait filtrer une vague clarté mais on ne distinguait pas les visages, ni même les silhouettes ».

Une structure « Modianesque » : l’adulte déjà avancé en âge, qui se retourne – une rue, une enseigne de boutique, un nom dans un article ou au téléphone, une silhouette… et, aussitôt, le flot remontant du passé – d’un bout, du moins. Surgissement d’un ailleurs de soi, enfoui, et d’un coup, mis en pleine lumière. Il y a dans les personnages de Modiano, et dans celui-ci, de l’archéologue et sa fine truelle, de ses doutes et de l’infini déroulé de ses hypothèses, aussi.

L’Âge d’homme précédé de L’Afrique fantôme, Michel Leiris en la Pléiade

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 03 Décembre 2014. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Biographie, Essais

L’Âge d’homme précédé de L’Afrique fantôme, octobre 2014, 1323 pages, 68 € (jusqu’au 28 février 2015, ensuite 75 €), édition publiée sous le direction de Denis Hollier avec Francis Marmande et Catherine Maubon . Ecrivain(s): Michel Leiris Edition: La Pléiade Gallimard

 

Second tome que consacre la Pléiade à l’œuvre de l’ethnologue du musée de l’homme, après celui donnant La règle du jeu paru en 2003 ; ce volume est partagé entre deux masses de granite : L’âge d’homme, c’est-à-dire l’autobiographie-manière Leiris, et L’Afrique fantôme, l’ethnologie-façon Leiris. Dans les deux cas, ni vraiment l’une, ni tout à fait l’autre…

Continuation ici du travail énorme et parfaitement maîtrisé de l’équipe autour de Denis Hollier qui certes connaît des pans importants de l’homme aux mille facettes – univers à jamais ouvert – qu’est Michel Leiris, mais, continue inlassablement de rassembler, en parfait chercheur, de peaufiner, d’archives en bibliothèques tout ce qui documente sur l’homme Leiris et la mission Dakar Djibouti, grande aventure géographique, ethnologique, et plus largement intellectuelle de l’Avant-guerre.

Mousseline et ses doubles, Lionel Edouard Martin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions du Sonneur

Mousseline et ses doubles, septembre 2014, 293 pages, 17 € . Ecrivain(s): Lionel-Edouard Martin Edition: Les éditions du Sonneur

 

 

Un auteur dont on a aimé, dans de précédents livres, les thèmes et l’écriture, l’originalité. Petite musique, qui lui est propre ; discrète, fine, pour autant marquée ; française, dirons-nous, de belle facture… On ne peut donc que s’être arrêté devant son nouveau livre, et son titre mystérieux, cette Mousseline, une femme, un tissu ? On n’a pas regretté.

Livre à part, dans son déroulé hyper classique de petite saga familiale, traçant son chemin travaillé, des campagnes de la fin du siècle XIX, aux guerres, dont celle d’Algérie, pour échouer – retour aux champs – sur le perron de la maison familiale, « d’où, ces soirs de causette, tes mots sourdaient, tandis que nous sirotions la liqueur de cassis, parmi l’effondrement des bûches, dans cette demeure mal close au vent du nord, où sur la toiture, sifflait cette tuile, appelée localement tuile aux loups… ».

Lettres à Sade, Collectif

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Nouvelles, Thierry Marchaisse

Lettres à Sade, Collectif, Lettres réunies et présentées par Catriona Seth, novembre 2014, 139 pages, 14,90 € Edition: Thierry Marchaisse

 

La collection mise en place par les Éditions Thierry Marchaisse est d’un intérêt réjouissant : faire écrire des lettres par des auteurs contemporains à une sommité littéraire, défunte. Ici, Sade. Choisis – ce n’est toutefois précisé nulle part – sur des critères de goût des auteurs eux-mêmes, pour le destinataire, et, pour leur connaissance du sujet, puisque plusieurs d’entre eux ont à leur actif des recherches universitaires ou des livres consacrés à ce « marquis » si particulier. On fait de l’esprit, mais on connaît parfaitement Sade, dans ce petit livre !

Faut-il le dire ; c’est passionnant, et ça se lit d’un trait. Cela donne – en sus – l’envie de revenir à ces livres sulfureux du XVIIIème siècle, le plus libertin, de les découvrir autrement, et, surtout, de voyager dans ce qui est – malgré débats et colloques, de ci de là – un produit littéraire. Peut-être avant tout. Ce qui fait écho, résonance, aussi ; ce qui – hier, et différemment, aujourd’hui – « sourd » de ces écrits, de cette vie, de cette légende. En un mot, « de quoi Sade est-il le nom ? », comme dit l’un de nos auteurs.