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Rivages

Londres, Virginia Woolf (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans Rivages, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits

Londres, Virginia Woolf, Rivages, avril 2023, 204 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Virginia Woolf Edition: Rivages

 

Dans ce recueil des écrits consacrés à la ville de Londres par Virginia Woolf, le lecteur en quête d’informations purement touristiques en sera pour ses frais. En revanche, la description des sensations, des états d’esprit générés par des promenades impromptues dans Londres et ses quartiers les plus pittoresques nous entraîne dans les méandres de la vie intérieure de l’auteure de Mrs Dalloway. Ainsi, l’activité de courir les rues de Londres nous transforme, nous pousse à nous soumettre à des désirs inédits :

« Le soir, lui aussi, nous offre cette irresponsabilité qui vient avec les ténèbres et la lumière électrique. Nous ne sommes plus tout à fait nous-mêmes (…) Nous nous dépouillons du moi que nos amis nous connaissent et intégrons cette vaste armée républicaine des randonneurs anonymes, dont la compagnie est si agréable après la solitude de notre chambre ».

Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Rivages, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 384 pages, 21 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Sur la terre des vivants est une fresque familiale qui retrace, à travers le vingtième siècle, la destinée des arrière-grands-parents paternels de l’auteure, Elkan et Fiete Levy, gérants d’un hospice (Altenhaus) sur les rives de l’Elbe à Hambourg et parents d’une nombreuse fratrie.

Mais ce livre évoque plus particulièrement le destin rocambolesque de leur fille cadette Irma, femme rebelle, indomptée. L’ouvrage commence d’ailleurs par le récit de sa naissance en 1903, et s’achève au soir de sa vie. Petite sœur du grand-père Kurt, Irma Levy, survivante du camp de concentration, est animée d’un caractère bien trempé et tournera toute sa vie le dos aux conventions et aux traditions. Ainsi, elle refusera de se marier comme le veut la tradition juive et gardera toujours son esprit espiègle d’enfant malgré les épreuves terribles qui jalonnent son existence comme sa détention au camp de Theresienstadt, « … la forteresse est un vaste hôpital, un asile de fous et les vingt-neuf camarades du dortoir arrivent parfois à en rire. Entre elles, pour plaisanter, elles appellent Theresienstadt : “chez Marie-Thérèse” ou “chez l’impératrice”. Elles évitent le mot humiliant de ghetto ».

Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 378 pages, 21 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Le livre s’ouvre sur la naissance d’Irma, Irma qui se présente mal, qui en ce monde-ci aura tant de mal à s’accorder, et sur une photo du passé où trois dames âgées semblent installées pour l’éternité, et se referme sur la mort d’Irma et le regard neuf porté sur cette même photo. Entre-temps : « life goes on » (p.353).

Qu’est-ce qui sépare, mais aussi, également, qu’est-ce qui répare ? Est-ce la mémoire, est-ce le souvenir ? Qu’est-ce qui donne dans cette visite aux archives de la famille de l’auteur cette « humeur de retrouvailles » (p.37) ? Dans ce laps de temps tour à tour accordé et désaccordé, Irma et ses sœurs voient dans la chambre d’écho de Déborah Lévy-Bertherat leur petite-nièce revivre, se reconstituer.

L’inventeur, Miguel Bonnefoy (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 19 Septembre 2022. , dans Rivages, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

L’inventeur, Miguel Bonnefoy, éditions Rivages, août 2022, 200 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages

 

Miguel Bonnefoy est un auteur qui aime nous familiariser avec des destins extraordinaires : celui de la famille de Michel René Lonsonier, contraint de quitter son Jura natal au milieu du 19ème siècle, après que l’épidémie de phylloxéra a tué la vigne, pour s’installer au Chili, dans Héritage. Dans Sucre noir, Severo Bracamonte part à recherche d’un trésor dans un village des Caraïbes. C’est l’occasion de brosser un tableau du passé de cette région, d’hommes en proie à leurs désirs, à des revers de fortune aussi.

Miguel Bonnefoy ne déroge pas à cette règle dans son nouveau roman : L’inventeur. Il y décrit le parcours d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui découvre l’énergie solaire au beau milieu du XIXe siècle. Les étapes de la mise au point de cette invention sont abondamment relatées dans le récit. Elles sont marquées par les difficultés rencontrées par Mouchot pour faire connaître son invention, la populariser auprès des dirigeants et sommités du moment :

Éloge de la baleine, Camille Brunel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 04 Juillet 2022. , dans Rivages, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Histoire

Éloge de la baleine, Camille Brunel, avril 2022, 208 pages, 17 € Edition: Rivages

 

Moby Dick ne commence ni par une épître dédicatoire adressée à un maître ou à un ami de l’auteur, ni par la traditionnelle préface, où Melville expliquerait ses intentions, mais par deux sections avec lesquelles l’auteur prend ses distances, les attribuant à « un pion de collège » et à « un très obscur bibliothécaire ». La première est étymologique et vaguement linguistique, qui se réduit à douze langues (dix en réalité, puisque l’hébreu et le grec pourtant annoncés sont absents) ; la seconde consiste en un relevé (évidemment non exhaustif) de citations, allant de la Genèse aux chansons de marins que Melville avait pu entendre dans les ports américains, en passant par Rabelais, Shakespeare ou Cuvier. Ces pages érudites et borgésiennes avant l’heure rappellent le long compagnonnage de l’être humain avec les cétacés, particulièrement les plus grands d’entre eux, et la fascination qu’ils exercent (Camille Brunel ajoute dans son livre un hommage mérité à Jules Verne, p.153). Mais cette fascination à la fois est récente (il y a moins de trois siècles encore, la mer faisait peur) et n’est plus aussi « innocente » (au sens originel) que celle éprouvée par les écrivains de la Bible ou de l’Antiquité grecque, car l’humanité a fini par se rendre compte du profit économique qu’elle pouvait retirer de ces immenses créatures.