Identification

Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Cartes postales, Henry Jean-Marie Levet (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 24 Juin 2019. , dans La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Critiques, Poésie

Cartes postales, février 2019, 112 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Henry Jean-Marie Levet Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Auteur du dernier quart du XIXe, Levet, né en 1874, mort en 1906, fut un diplomate à l’étranger. Il découvrit nombre de terres orientales (Inde, Philippines…), africaines, et écrivit à leur sujet ces « Cartes postales ».

À Paris, il fréquente Fargue, Francis Jourdain, et est l’un des noctambules de la période symboliste, autour des cafés du quartier Latin et de Montmartre.

D’une œuvre, détruite par ses proches, entre autres des manuscrits et un roman, il nous reste à lire ces « poésies et chansons », parus du vivant de l’auteur dans Le Courrier français (1895, 1896), dans la Collection bibliophile de l’Aube (1897), dans La Vogue (mars 1900), dans La Grande France (avril et septembre 1902).

Un parcours fulgurant, juste contemporain d’un Jarry (1873-1907), avec, comme le souligne le préfacier Michel Bulteau, une belle évolution entre les poèmes de ses vingt ans, dignes d’un chansonnier acide, et ceux nés des « Cartes postales » postées de Biskra, La Plata, Nice, Nagasaki…

La lumière est à moi, et autres nouvelles, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 20 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard

La lumière est à moi, et autres nouvelles, Gallimard coll. Haute enfance, octobre 2018, 208 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Gallimard

 

La sensualité adolescente retrouvée. Deux garçons pour une fille. L’été comme un frisson.

Dans la langue, on renoue avec l’intime, cette « lumière est à moi », nous suggère le titre, celle du corps, du cœur, et de ce touché d’une cible si difficile à nommer quand elle vibre au loin à l’intérieur.

Du surplomb de l’enfance – au sens large, petite et adolescence –, Gilles Paris découvre des consciences fines.

La grâce de l’écriture fait le reste.

La longue nouvelle, Eytan, qui déroule ses errances et beautés relationnelles sur les îles Lipari, surtout, comme « Les enfants de chœur ».

Beaucoup de poésie, d’âpreté. Nombre de regards d’adolescents, de jeunes filles, légèrement en décalage, avec une perception aiguë des adultes qui virevoltent autour d’eux.

Carnets, Goliarda Sapienza (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 14 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Italie, Récits, Le Tripode

Carnets, janvier 2019, trad. italien Nathalie Castagné, 480 pages, 25 € . Ecrivain(s): Goliarda Sapienza Edition: Le Tripode

 

Tenir registre de sa vie, écrire son journal, voilà une entreprise que bien des auteurs ont tentée et peu réussie. Aux ouvrages célèbres (Journal littéraire de Paul Léautaud, celui monumental de Julien Green…), il faudra ajouter désormais les fameux Carnets de Goliarda Sapienza (1924-1996), dans lesquels la mémorialiste aiguë relate sa vie au-delà des sept années d’écriture de L’Art de la joie, pour une longue période âpre, presque sans argent (1976-1993). La très belle édition du Tripode (Paris), en hautes pages aérées, est un modèle du genre.

La sélection des milliers de pages par le compagnon de Goliarda, Angelo Pellegrino, donne lieu à de réelles plongées dans ces années-là, dans une Rome criblée de violences (Brigades Rouges…), dans l’atmosphère des voyages qui éclairent la conscience communiste de Goliarda, qui dessille enfin les yeux sur les atrocités des systèmes (Russie, Chine).

La plume n’épargne personne et d’abord elle-même, à qui elle réserve une grande part de sa sévérité foncière : elle se sent vidée (par l’écriture épuisante de ce livre qu’elle n’arrive pas à placer chez les éditeurs), alors qu’il faudrait remparer de tous côtés. L’absence d’Angelo (ne fût-ce que pour de petits voyages de travail) l’abat.

Né d’aucune femme, Franck Bouysse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Manufacture de livres

Né d’aucune femme, janvier 2019, 336 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

Bouysse est de la dernière génération d’écrivains francophones, assez féconde et diverse pour proposer des noms aussi éclairants que Laurent Mauvignier, Réginald Gaillard, Marion Fontana, Olivier Adam, Arno Bertina, dans des registres d’écriture différents, certes.

Remarqué pour deux de ses livres, Grossir le ciel, et Plateau, le voici de retour dans ses terres ancestrales et marginales d’une France profonde, recluse et reculée où il fait vivre pour nous des personnages étonnants, émouvants ou revêches, attachants ou répugnants, ne cédant jamais à la caricature binaire mais proposant un échantillon d’âmes humaines, plus ou moins grises, plus ou moins noires, ou hautement blanches et pures.

On ne sort pas de ce livre indemne et il ne faudrait guère parler d’une histoire à rebondissements car on risquerait, à trop l’étendre, de passer outre la beauté d’une écriture soucieuse autant de réalisme que de poésie, ou encore d’émincer la haute qualité de dialogues insérés dans la trame du récit, ou encore de manquer la sombre beauté d’un réel mortifié.

Mes années japonaises, René de Ceccatty (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 27 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Mercure de France, Biographie, Récits

Mes années japonaises, mai 2019, 248 pages, 18 € . Ecrivain(s): René de Ceccatty Edition: Mercure de France

Mes années japonaises est le 45ème livre (si l’on compte Adulte ? Jamais, et La Persécution, deux anthologies pasoliniennes, avec traductions et préfaces) de l’écrivain français, né à Tunis le 1er janvier 1952, grand connaisseur de la littérature italienne, essayiste, romancier, poète, dramaturge, éditeur (au Seuil), directeur de collection (on pense à « Haute Enfance » chez Gallimard, entre autres ; chez Rivages pour la regrettée Elisabeth Gille), traducteur du japonais.

À le suivre depuis L’Accompagnement (admirable « accompagnement » amical d’un ami atteint du sida à l’hôpital Broussais, Gilles Barbedette, mort en 1992), et pour avoir apprécié Fiction douce, La Sentinelle du rêve, Enfance, dernier chapitre, Pasolini (biographie dans la collection dirigée chez Gallimard par de Cortanze), le premier essai en français consacré à « Elsa Morante », puis-je assurer que les lecteurs fidèles à de Ceccatty ne seront pas déçus par ses « Années » japonaises, essai de biographie au meilleur sens du terme pour un spécialiste de la chose à l’endroit des auteurs qu’il chérit (Pasolini, Moravia, Callas, Morante), clin d’œil par le titre à Annie Ernaux, publié dans la collection bleue du Mercure (là parut, et ce fut l’une de ses dernières grandes critiques du Monde, le très beau livre de Françoise Lefèvre, manière aussi d’essai biographique, Un album de silence, 2008).