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La rive s’éloigne..., Eliane Vernay (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

La rive s’éloigne..., Eliane Vernay, éd. La tête à l’envers, décembre 2019, 104 pages, encres de Liliane-Eve Brendel, 18 €

 

La poésie peut-elle absoudre la mort, la vaincre ? Peut-elle nous réconcilier avec l’absence, l’ombre, le vide, l’incompréhensible départ ? Les poèmes des cinq parties qui constituent ce livre de deuil ont pour vertu, quoique éclatés, épars, disloqués, en petites laisses de chagrin ou d’espérance, quoique disséminés sur les pages comme des versets en hommage à la douleur, de dire l’irréparable : « l’ombre de l’ombre », celle des tombes, des cimetières, des lieux de silence.

Eliane Vernay tutoie « la douleur », cherche à lui imposer silence, cerne « l’abîme » et « l’obscur » qui accompagnent tout départ.

Que d’ombres, que de silences, que de déroutes dans ces vers « au plus creux/ de l’obscur » !

La poète sait ajuster sa douleur, creuser une « ligne de vie » à côté de toutes les morts :

Substance, Claro (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Roman

Substance, août 2019, 352 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Claro Edition: Actes Sud

 

Après une vingtaine de livres, Claro, né en 1962, propose ici un livre complètement hors cadre, déjeté, décalé, nourri d’une fiction qui mêle personnages réalistes, science-fiction, théorie sur les ectoplasmes, réflexions nombreuses sur la vie, la mort.

Tout se passe dans la ville natale de Bachelard, Bar-sur-Aube, autant dire la province la plus reculée. On y trouve Benoît, narrateur, et sa Tante, qui l’a recueilli après la DASS, les trois amies de la Tante, Ginèbre, Jacqueline, Yvette, sans oublier Marguerite, qui a été « abductée » par des puissances spatiales…

Tout ce petit monde vit dans des maisons hors du temps, poussiéreuses ; on y pratique le spiritisme, on y croit à la « substance » des ectoplasmes, ces fluides des humains, conservés comme des fioles.

Adieu fantômes, Nadia Terranova (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 02 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, La Table Ronde

Adieu fantômes, octobre 2019, trad. italien Romane Lafore, 240 pages, 22,40 € . Ecrivain(s): Nadia Terranova Edition: La Table Ronde

 

Voilà pour la jeune romancière italienne un deuxième roman, sélectionné par le Prix Strega 2019. Ce très beau livre est non seulement un hommage à Messine, à la maison familiale mais surtout à ces êtres disparus, perdus, qui restent flottants comme des fantômes obsédants.

Ida part de Rome, quitte pour un temps Pietro, son mari, pour venir aider sa mère à déblayer l’appartement de Messine, qui a besoin de travaux. Le retour dans la ville natale est un vivier de souvenirs : l’amitié pour Sara, la disparition, alors qu’elle avait treize ans, de son père Sebastiano, parti un matin, jamais revenu. La perte du père n’a jamais été cicatrisée, et pour la mère, et pour elle-même. Le fantôme du père peuple les nuits d’Ida et le roman reprend ses veilles, ses rêves, ses cauchemars, en alternance avec le récit de ce retour aux sources. La mère a entrepris de restaurer la terrasse du petit appartement humide, et a fait appel à Nikos et à son père. Ida sent la fragilité de ce garçon de vingt ans, au visage arborant une cicatrice. Le séjour ravive les querelles entre mère et fille, tandis qu’Ida aime de plus en plus quitter la sphère familiale pour arpenter la ville. Elle reçoit des appels de Pietro, revoit Sara et sort un soir avec Nikos, avide de lui raconter son passé.

Oublier mon père, Manu Causse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 29 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Denoël

Oublier mon père, Manu Causse, Denoël, 2018, 304 pages, 20 € . Ecrivain(s): Manu Causse Edition: Denoël

 

Ce roman de Manu Causse, astucieusement axé sur un père tôt disparu et une mère folle, brosse un tableau assez sombre d’Alexandre Trambert, que la maladie poursuit depuis son plus jeune âge. Des crises, des hallucinations, un état fragile : l’enfant, puis l’adolescent et le jeune adulte trouve dans la photographie sans doute l’exutoire à la maladie. C’est la passion du père, amateur éclairé qui répare les appareils photos.

La mère, documentaliste dans une école, trouve un appartement là-même où elle travaille. Le père est décédé dans un accident de voiture, alors qu’Alexandre a neuf ans.

Alexandre n’a pas suivi le parcours scolaire classique, sa mère lui a fait école longtemps. Bref, Alex est décalé. Peu à peu, le romancier dessine son évolution, sa difficulté de se lier avec des filles. Tristane, Quitterie, Anne, Cécile sont les jalons dans ses rencontres. Mais la maladie est souvent là pour rendre très difficiles ses relations.

Livrés aux géographes, Jacques Vandenschrick, (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Cheyne Editeur

Livrés aux géographes, Jacques Vandenschrick, 2018, 64 pages, 17 € Edition: Cheyne Editeur

 

Jacques Vandenschrick, né en 1943, signe son onzième livre de poésie. Romaniste, italianiste, chroniqueur de longue date à la Revue nouvelle, critique littéraire, il est le seul poète belge d’importance à n’avoir jamais été publié en Belgique, puisque toute l’œuvre a été publiée chez Cheyne, et ce, depuis Vers l’élégie obscure en 1986. Prix triennal de poésie en 1998, il a également reçu d’autres prix importants : le René-Lyr, le Claude-Sernet, le Louise-Labé. Ses titres évoquent élégie, nostalgie de la montagne, mélancolie foncière, dans le droit fil de la poésie d’un Rilke ou d’un Jaccottet.

Mais il y a chez ce Belge une densité rare d’aire poétique, un lexique particulier, un univers forcément identifiable : le gabarit de 40 poèmes pour chaque livre ; les lexèmes des territoires enneigés, entre bergerie et hauts sommets ; des morts proches gravées loin dans le vers. Voilà sans doute – depuis le décès de Schmitz, et avant, de Falaise, et de Kinet – notre plus grand poète, mais si longtemps méconnu à cause justement d’un ancrage éditorial qui fait fi de la Belgique.