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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Révoltée, Evguénia Iaroslavskaïa-Markon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 20 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Russie, Seuil

Révoltée, trad. russe Valérie Kislov, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Evguénia Iaroslavskaïa-Markon Edition: Seuil

 

« Mon autobiographie » est le récit hallucinant d’une vraie « révoltée » contre les abus d’une société communiste et qui va le payer très cher. Le parcours de cette jeune Russe, née en 1902 et exécutée en 1931, appelle tous les qualificatifs : extraordinaire, terrifiant, naturaliste en diable, affolant de vérité.

Dès l’adolescence, Evguénia s’oppose, se rebelle, se voit exclue du secondaire ; elle est une âme qui bout sans cesse, exalte la franchise, décourage les tièdes. Entre Moscou et Leningrad, sa vie connaît une foultitude de soubresauts.

Epouse du poète Alexandre  Iaroslavski (1896-1930), elle explique dans son autobiographie comment elle en est arrivée à défier tous les pouvoirs. Dès les années 20, le couple connaît nombre d’intimidations, d’exils (voyage à Berlin, Paris), d’arrestations, d’assignations à résidence. Le poète terminera son parcours dans les camps des îles Solovki. Sa femme, condamnée, sera exécutée. Elle avait vingt-neuf ans.

Le peintre abandonné, Dominique Fernandez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 13 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

Le peintre abandonné, février 2019, 256 pages, 19 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Grasset

 

Centième livre de l’académicien français depuis ses débuts littéraires en 1958, ce roman tout entier axé sur le peintre Picasso s’ajoute à une nombreuse liste de récits, d’essais, d’études et de romans. Spécialiste de la littérature italienne qu’il a moult fois traduite (Pavese, Pasolini, Penna, etc.), du baroque, de la Sicile (qu’il considère comme la part la plus authentique de l’Italie), Dominique Fernandez, en ce vingt-cinquième roman, s’insinue dans la vie intime du grand peintre né à Malaga et qui, après dix années de bonheur sans ombre, se voit quitté par Françoise Gilot, jeune peintre, mère de deux enfants. Le peintre, macho dans l’âme, qui déclarait « On ne quitte pas Picasso », se trouve là trahi, amoindri. Il n’est plus que l’ombre dérisoire de lui-même, et s’il trouve refuge auprès d’amis à Perpignan, il a bien du mal à trouver les moyens de faire l’impasse sur ce qui lui arrive. Il est là, entouré de son fils Paulo (autrefois appelé Pablo), fils d’Olga la Russe, de ses hôtes Paul et Aimée, de l’oncle Alphonse, inénarrable biographe du Cubiste, l’amie d’Aimée, Totote ; et l’abandonné, quand il ne fustige pas ses contemporains artistes (Matisse, Derain, ceux de Collioure), jette toute la peinture italienne à la casse, s’amuse à vitrioler les meilleures réputations, à inventer des histoires de l’art à chaque monument visité avec ses amis.

Le tour de l’oie, Erri De Luca (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 07 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Gallimard

Le tour de l’oie, février 2019, trad. italien Danièle Valin, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

 

Renonçant à la fiction mais la nourrissant par un autre tour – comme un jeu inventif –, celui de se donner un fils interlocuteur, le romancier Erri De Luca signe un dialogue étrange, au creux de sa maison, entamant avec un enfant inventé une conversation à bâtons rompus sur le tout, le rien, le passé qui revient lancinant, ses propres parents, son aventure d’homme, travailleur, rebelle, contestataire, écrivain, apprenti de la vie.

L’auteur, Napolitain né en 1950, a été ouvrier, est devenu alpiniste, romancier, a failli terminer en prison pour la défense de la nature contre un projet d’autoroute, vit aujourd’hui pour l’écriture. L’un des derniers a suscité un enthousiasme certain : La nature exposée (dont j’ai évoqué la teneur ici même).

Ici, le romancier se dévoile, recourt à ses parents morts, revitalise cette période de l’enfance – souvent tombée en cendres chez d’autres –, ici, nourrie d’anecdotes et du grain de réalisme qui fait sa patine.

L’Anneau de Chillida, Marilyne Bertoncini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

L’Anneau de Chillida, L’Atelier du Grand Tétras, mai 2018, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Marilyne Bertoncini

 

« Mes anneaux de souvenance » guident le lecteur vers le centre de l’entreprise poétique de Marilyne Bertoncini, vouloir dans l’esprit d’une « genèse » de soi, rameuter comme le ferait l’éclair de magnésie les ombres et les profils, et les reliefs de ce qui s’est perdu. Ainsi en va-t-il de Leyla, lors d’une quête insensée. Ainsi en va-t-il des marques de l’été, au coin des terrasses, pour s’appesantir sur les moindres changements, tropismes de l’âme de celle qui peut écrire :

 

Le matin s’avance masqué dans l’ombre

des nuages

Lente l’aube s’étire dans les ramures grises (p.46)

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Anne-Marielle Wilwerth (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Éditions Le Taillis Pré, 2019, 98 pages, 14 € . Ecrivain(s): Anne-Marielle Wilwerth

 

Sur le papier, toutes les garanties : un bon éditeur, une belle présentation graphique, un auteur chevronné, dont on avait apprécié le dernier livre de poèmes, et, hélas, à l’arrivée, des déconvenues à lire et relire cet ensemble de poèmes, lestés de clichés, de « qui, que, dont, où, ce qui » quasi à toutes les pages de ces sizains. Ajoutons-y la lourdeur de participes présents, l’abus d’adjectifs qui font poétique, les métaphores au génitif, les termes qui font philosophique (l’inécrit, l’inachevé, l’inouï, l’inattendu, l’informulé, l’intranquille, l’inchoisi), l’abus de ne… que restrictif… sans oublier les infinitifs nominalisés (le devenir…).

On voudrait aimer ; on voit les chevilles, les tics de langage, la suavité doucereuse, les naïvetés, voire les coutures.