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Le club des longues moustaches, Michel Bulteau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Novembre 2020. , dans La Une Livres, Anthologie, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Critiques, Récits

Le club des longues moustaches, Michel Bulteau, 208 pages, 7,30 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

On a pu oublier certains auteurs de la fin du XIXe, début du XXe, parce que de grandes pointures, comme Proust, Gide, ont certes fait de l’ombre à des écrivains talentueux, que la renommée a moins choyés.

Bulteau, amoureux de cette littérature-là, issue de poètes et de romanciers arborant de belles bacchantes, fous de l’Italie, d’une certaine manière de vivre dans de beaux hôtels, et par là-même un peu en marge des autres auteurs, en profite pour nous donner un essai qui réactualise ces moments de littérature, sauve de l’oubli nombre d’auteurs qui le méritent, et que même un Petit Robert des noms propres ne cite plus, nous plonge dans une atmosphère de la Belle Epoque et au-delà.

Si le Petit Robert aligne encore des notices relatives à Emile Henriot, Edmond Jaloux ou Henri de Régnier, Abel Bonnard, Francis de Miomandre, Jean-Louis Vaudoyer ont disparu corps et biens. C’étaient des amis, des italophiles, italianistes dans l’âme, qui ont écumé Venise, Rome, ont évoqué à grand renfort de livres de souvenirs (Esquisses… Promenades italiennes… Rome… Stendhaliana, etc.) les splendeurs intimes, cachées ou célèbres de la péninsule.

Pour Genevoix, Michel Bernard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 12 Novembre 2020. , dans La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Critiques, Essais

Pour Genevoix, 224 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Avant que Raboliot, Prix Goncourt 1925, ne donne à l’auteur la possibilité de vivre de sa plume et de sa retraite en bord de Loire, Maurice Genevoix avait donné des témoignages insignes sur la Grande Guerre, qu’il avait faite lui-même, pour laquelle il fut blessé, la fameuse bataille des Eparges, où périt Alain-Fournier.

Sous Verdun, et Ceux de 14, sont considérés depuis longtemps comme les meilleurs récits sur les batailles terrifiantes de la Meuse. L’auteur, né en 1890, décédé en 1980, fut considéré alors comme un témoin remarquable de la Grande Guerre, et son œuvre, d’un humanisme étincelant, au plus près des hommes et de leurs souffrances comme un chef-d’œuvre absolu de réalisme, d’émotion et de style. Il y parlait comme un frère peut parler des siens, en étant toujours juste, sans gommer la brutalité et l’absurdité de la guerre, sans mettre de côté les responsabilités des chefs et leurs dérives. L’ouvrage fut censuré par les autorités militaires. Genevoix disait la vérité difficile à entendre.

Les Impressions des Petits Garçons, François Baillon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 06 Novembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles

Les Impressions des Petits Garçons, François Baillon, éd. Gaspard Nocturne, 2019, 148 pages, 17 €

Dans une langue sûre, classique, posée, précise, intuitive certes, le nouvelliste Baillon, par ailleurs poète, décape, le mot n’est pas trop fort, les clichés souvent associés à l’enfant, à l’enfance. Aucune mièvrerie ne vient contrevenir le regard que le nouvelliste pose sur cet univers qu’est « l’enfance ». L’instable domaine des enfants, plein de surprises et d’étonnements singuliers, trouve ici matière à description, à réflexion. Le scalpel délirant convient bien à notre écrivain : il faut gratter la pelure des interdits, des tabous. Et se méfier des premières « impressions » lénifiantes ; l’enfance n’est pas « ça » ! On peut « déménager » au propre, au figuré, s’enticher, faire l’affront au réel pesant. On peut, encore faut-il avoir les rênes solides, les reins combatifs ! On peut avoir un « grand-oncle », une « Amalia » de conserve, être « ce p’tit gars » : la vie est toujours au-delà de nos espaces de référence, de nos pauvres espérances. L’enfant est toujours cette exception – comme sauvée d’une police routinière, efficace, ou de parents sérieux – apte à subir les contrecoups, à les délayer dans l’espérance folle du rêve ou du déni singulier. Ces nouvelles inquiètent, ouvrent, ferment, obtempèrent, signalent, dégagent (au sens politique) ; elles sont de bon aloi infernales de vérités cachées. On en remercie l’auteur, doué, et tout aussi singulier !

La terre invisible, Hubert Mingarelli (par Philippe Leuckx)

, le Vendredi, 23 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Points

Edition: Points

 

Ce dernier roman d’un auteur trop tôt disparu, né en 1956, mort en 2020, dans le droit fil des œuvres de Mingarelli, est un superbe road-movie, dans une Allemagne, en déroute, juste après la victoire alliée.

Deux personnages, un photographe et un chauffeur militaire, jeune soldat anglais, traversent les contrées désolées pour prendre quelques clichés des populations hagardes, recluses, en bordure du Rhin, vers le nord.

Le grand intérêt des romans de Mingarelli, et ce dernier opus est une merveille de concision et de gravité retenue, est de plonger dans l’intimité des personnages, toujours resserrés dans des lieux clos ou ouverts sur des conflits et leurs retombées : c’était déjà le cas de Quatre soldats (Médicis 2003), à l’heure de la guerre civile russe de 1919. On est au plus près des antihéros, dans des relations professionnelles qui deviennent, chez l’auteur, amicales, fraternelles.

André Ughetto (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 15 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Poésie, Le Nouvel Athanor

André Ughetto, mai 2020, 116pages, 15 € Edition: Le Nouvel Athanor

 

Né en 1942, André Ughetto se voit proposer ici une anthologie qui traverse toute son œuvre, de 1990 à 2017, sans omettre quelques pages d’inédits.

Le rédacteur de Phoenix, la belle revue de Marseille, rejoint, dans cette collection attentive aux destins poétiques effacés, des noms tels que Guy Allix, Alain Breton, Evelyne Morin… C’est l’occasion de réécouter son écriture, entre poèmes d’une « enfance première » aux lignes récentes puisées à l’insulaire Réunion. Un lyrisme apaisé, où le végétal renoue avec les aspirations les plus profondes (« forêts qui finirez/ à l’intérieur des villes/ vous avez/ converti le ciel en azur », p.31).

L’enfant qui se souvient « avoir syllabé » quand « mes parents avaient le cheveu sombre », « rassuré par leurs fables », n’a rien perdu des dons d’émerveillement qui offre au lecteur d’aujourd’hui des plages admiratives : « Tentative pour dire Alger » emprunte les escaliers anciens du souvenir (chez Bolognini, « Per le antiche scale » ; ici « escaliers jetés sur des ravins » ou « l’assiette de la mer/ qu’on vous lance au visage » (p.51).