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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Papa, Fumiko Hayashi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Recensions, Roman

Papa, Fumiko Hayashi, Editions du Canoë, juin 2024, trad. japonais, René de Ceccatty, 128 pages, 12 €

 

L’auteure de Vagabonde a l’art de raconter de petites choses sans y toucher, en conservant candeur, gentillesse et légèreté.

L’histoire se déroule à Tokyo. Le papa est rentré de guerre, après la défaite. Ken-chan, qui a deux frères et sœurs, relate la vie quotidienne, assez chiche, on manque de tout et le papa ne retrouve pas d’emblée du travail. Mais cette vie est pleine de rencontres, d’amitiés, de petites visites en famille.

Comme chez Ozu, l’existence est auréolée de beauté et de bonté. L’enfant narrateur a le don de « s’émerveiller de tout » et le lecteur participe de ce bonheur. En vingt chapitres, la romancière réussit à nous plonger dans l’atmosphère de ces années d’après-guerre, avec les restrictions, les bouffées d’espérance, les familles réunies enfin, après tant d’années de conflit. Dans une langue économe, poétique, qui relaie les pensées d’un enfant, l’écrivaine japonaise nous fait partager les soucis d’une famille ordinaire : la maladie de la mère, la quête du travail par le père, les tâches ménagères que les enfants aussi assument.

Des destins, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Mai 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Des destins, William Cliff, La Table Ronde, 2023, 352 pages, 22 € . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Avec la musicalité propre au sonnet, qu’il maîtrise, le poète gembloutois relate en trois cents poèmes quelques reliefs de sa vie. Passent ainsi au crible de son talent les proches, les marraine et parrain, les amis et amants de passage (un bel hommage à Joseph Orban, poète de son état), les souvenirs d’adolescent, ceux du poète en « mansarde » à Bruxelles, les expériences voyageuses, sensuelles.

Il en a connu des destins. Des paysages intérieurs à ceux d’ailleurs (le poète est épris de voyages), voilà comment une vie s’ordonne en sonnets, clairs, efficaces, sensuels, crus et nus comme peut l’être l’âme d’un vrai poète, qui, jamais, n’a renoncé à exposer sa vie, son amour des hommes, ses amours de langues et de poésies, en rameutant le concret comme le sublime, le vrai, l’ordinaire des vies, le banal, l’extraordinaire. Nulle plainte ne vient encombrer la prosodie ; nulle alarme, certes. La voix déroule la vie, sans apprêts, sans moralisme, dans la fluidité narrative des faits vécus, observés, recueillis en sonnets.

Je te laisse dormir, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 25 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Editions du Sous-Sol

Je te laisse dormir, Edith Bruck, éditions du Sous Sol, 2023, trad. italien, René de Ceccatty, 320 pages, 22,50 € Edition: Editions du Sous-Sol

 

Constitué de deux parties (L’hirondelle sur le radiateur, et Je te laisse dormir), ce livre de mémoire donne voix au poète et cinéaste Nelo Risi, et conjoint de l’écrivaine. Il est décédé en septembre 2015, atteint de la maladie d’Alzheimer.

Durant de longs mois, les derniers que vivra Nelo, Edith relate les moindres faits et gestes de son mari, perdu dans sa tête, isolé dans sa mémoire, devenu l’enfant qui réclame sa mère, confond jour et nuit, mêle tout, agresse, répète inlassablement les mêmes phrases, les mêmes réquisitions. L’écrivaine a l’art de confier à sa plume (puis à sa vieille Olivetti) tout ce qui fait le grain désormais de sa vie avec le vieil homme, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, entouré de ses aides familiales Olga ou Angela.

C’est à la fois un journal de maladie, un aide-mémoire, un rappel de ce que le couple a connu, durant soixante ans de vie commune, riche et heureuse.

En d’autres lieux, Max Alhau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

En d’autres lieux, Max Alhau, Voix d’encre, octobre 2023, 72 pages, 11 € . Ecrivain(s): Max Alhau

 

Le poète, dans nombre de ses recueils, consigne un véritable travail de mémoire, que les vocables reconnaissables entre tous nomment, entre traces, empreintes, oubli, mémoire.

La poésie, donc, doit s’inventer « en d’autres lieux » pour sauver ce qui peut l’être. On a perdu des saisons, des visages, des amours ; on a bien du mal à en conserver des traces qui puissent défier le temps ; on est sans cesse à la quête de « ces espaces/ hors de portée », « comme si tu pouvais restituer au passé/ ses effluves, les preuves de son passage ».

Entre « absence et infini », titre de la troisième partie de ce recueil, la poésie d’Alhau s’avère épuisante recherche, comme un chercheur d’or dans un monde de sable. A la conviction que « tout n’est pas perdu », qu’on n’a pas pu tout de même oublier « les visages auréolés d’un rêve », la poésie répond d’une salve d’impératifs adressés au poète lui-même, conseils de vigilance dans un univers qui s’effrite, s’effiloche : « Laisse couler le vent », « Eloigne-toi de la brume », ou encore « rends grâce à des dieux/ dont tu as perdu la trace ».

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 28 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, La Table Ronde

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié, éd. La Table Ronde, mars 2024, 176 pages, 17 € Edition: La Table Ronde

 

Ce volume de poésie, copieux et léger, est sans doute, dans l’esprit de l’auteur, et celui de ses lecteurs fervents, une chronique « au jour le jour » de la vie quotidienne. L’art de piéger le réel pour nous le restituer avec vivacité, humour et cohérence, semble aller de soi pour le poète qui passe son temps à attendre que le monde entre en ses pages. Il lui suffit d’observer une porte, d’ouvrir un tiroir, de « poser des choses » sur une table, pour faire naître ce condensé du monde : le poème.

Distribué en deux parties, le livre expérimente là deux écritures : des poèmes très brefs, d’une part, jamais au-delà de sept, huit vers, et d’autres, beaucoup plus longs, offrant au texte plus d’amplitude sinon de réflexion.