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Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx 29.04.25 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Gallimard

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi, Gallimard, Coll. Blanche ? mars 2025, 128 pages, 17 €

Edition: Gallimard

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi (par Philippe Leuckx)

 

Fidèle comme Bianciotti et de Ceccatty à une littérature de compassion, le romancier des Quartiers d’hiver renouvelle ici, en une prose très composée, proustienne, le miracle des récits attentifs aux siens. Jadis, ce fut pour rendre hommage à « Madame Arnoul » ou à sa mère « Renée Camps » ou encore à son éditrice si tôt disparue. Aujourd’hui, c’est à Isabelle, sa sœur, soignée pour un cancer que tout un livre est consacré.

C’est l’occasion pour lui de restituer les moments passés durant l’enfance algérienne avant l’exil pour la France et la région de Perpignan.

Des pans d’un passé très riche en souvenirs qui se mêlent à un présent préoccupant, où la maladie tient la plus grande place.

Lui-même, plusieurs années plus tôt, a été gravement malade et hospitalisé à Cognacq-Jay.

La relative brièveté du livre accorde à ce récit une urgence de tous les instants, étonnamment suspendus par la qualité de la prose, en longues phrases admirablement composées, circonvolutions sensibles à ce qui se joue là, de grave, d’essentiel, d’intime. Pancrazi nous fait partager cette fraternité sans cesse renouvelée avec les vivants, avec Isabelle, avec Cécile ou Driss.

Tous habitants d’une même infortune, qu’il s’agit d’aider, comme si le cœur contraint se mettait de nouveau à battre, à l’unisson, pour toutes et tous. Perdre la santé ou le toit d’une vieille maison : même souci de préserver l’humain en nous, ici, à Perpignan ou là, à Marrakech.

On voudrait citer toutes les pages, toutes ces phrases qui signent une juste émotion, qui ceignent les personnes pour mieux les soutenir.

« La maladie, ce n’était pas forcément une ennemie, il fallait pactiser avec elle, l’amadouer, lui demander de demeurer tranquille, au moins pour un temps afin qu’elle devienne une alliée qui veillerait à vous faire moins souffrir… » (p.65). « Nous avions le même cœur abîmé » (p.124).

La beauté du livre tient aussi à la maîtrise du temps : le jeu de la mémoire affective, les scènes d’un passé regretté, la précision insigne des descriptions des lieux, des fêtes, des séances de cinéma. Tout concourt à donner une réelle épaisseur romanesque à ces événements vécus.

Pancrazi réussit comme dans ses autres livres à faire du lecteur un témoin privilégié, à l’aise aussi bien sur les terres catalanes qu’au loin, dans la Médina.

Ce 19ème livre place son auteur dans la catégorie rare de nos lettres francophones, celle des prosateurs amoureux de la langue, la servant au plus près, entre émotion et rigueur.

 

Philippe Leuckx

 

Jean-Noël Pancrazi, né en 1949 en Algérie, vit aujourd’hui à Paris. Il est l’auteur de dix-neuf ouvrages, essentiellement publiés chez Gallimard. Citons : Les quartiers d’hiver ; Tout est passé si vite ; Je voulais leur dire mon amour. Il a obtenu de nombreux Prix : Médicis, de l’Académie française, Prix Prince Pierre de Monaco, etc.



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A propos du rédacteur

Philippe Leuckx

 

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Philippe Leuckx est un écrivain et critique belge né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955.

 

Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, italienne, portugaise, japonaise

Genres : romans, poésie, essai

Editeurs : La Table Ronde, Gallimard, Actes sud, Albin Michel, Seuil, Cherche midi, ...