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Le Bal des cendres, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Plon

Le Bal des cendres, avril 2022, 300 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

Le Bal des cendres de Gilles Paris profite du décor extraordinaire de l’île volcanique pour chorégraphier les relations sentimentales, intimes, amoureuses, filiales et amicales d’un vrai chœur de personnages liés ou étrangers. Le talent de l’auteur consiste à donner à chacun la voix narrative à même de dérouler les pans d’une histoire au pied du volcan à contempler, à gravir. Toute relation peut très vite être déstabilisée et le romancier prend plaisir à épicer ce « Stromboli » des cœurs.

A l’ombre du film de Rossellini, l’ouvrage romanesque à souhait nous invite à tresser une belle dizaine d’histoires, sous l’angle même des protagonistes : Guillaume, le directeur de l’hôtel, Matheo, son ami de toujours, sa fille Giulia, adolescente attachante à laquelle s’attachent nombre de personnages. Les couples se forment ou se reforment sous nos yeux. C’est la sensualité ordinaire, tactile ou éphémère des corps en désir, en attente. Thomas, toujours en deuil d’Emilio a trouvé en Lior un nouveau compagnon de vie. Eytan a repris place auprès de sa maîtresse. Elena pleure la perte d’Enzo. Abigale se rapproche de Guillaume.

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber, éditions du Canoë, mars 2022, 160 pages, 15 €

 

La Libanaise Ninar Esber propose ici, après deux autres livres, son premier livre de poèmes. C’est un recueil, dense, fort, hallucinant de réalité réinterprétée et revécue, dans le sillage d’un Zrika, celui des Bougies noires.

Livrer, de Beyrouth, une image qui ne soit pas seulement historique, ethnographique ou simplement humaine, mais la matière même d’un regard qui a percé le réel de toutes parts pour y mettre la guerre, la faim, la ruine, la peur, la blessure. On sent le souffle, le soufre, la hantise des lieux, le bruit des balles, des obus, des corps.

De Beyrouth à Paris, où elle vit et travaille, la poète nomme toutes les tensions qui traversent un corps dans une ville qui tremble. Faire l’apprentissage de la mort dans son propre corps, ressentir aussi la progression des blattes, humer et détester la poussière, parler du corps ankylosé par la peur : tout cela figure bien ici au sein de poèmes dont l’instant est garant en matière de ressenti et de vécu :

Vanité de Duluoz, Jack Kerouac (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 06 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Folio (Gallimard), Récits, USA

Vanité de Duluoz, 518 pages . Ecrivain(s): Jack Kerouac Edition: Folio (Gallimard)

 

Un dernier livre donne envie de relire l’ensemble. Pour avoir apprécié Avant la route, Sur la route (dans ses deux versions), Le Vagabond solitaire et Big Sur, j’avoue avoir retrouvé dans cet ultime ouvrage de l’auteur qui ne lui survivra qu’un an (Kerouac est mort en 1969, à quarante-sept ans) tous les atouts d’une œuvre se démarquant par sa dose d’instantanéité romanesque, sa stylistique imparable tissée de vitesse, de poésie et de culture, et surtout par le tableau ethnographique que Kerouac donne de la société de son temps, au filet de sa conscience et de son vécu.

Ce livre, donc, relate ses expériences multiples entre 1935 et 1946, soit le temps d’une « éducation aventureuse » (sous-titre qu’il s’est choisi pour l’œuvre de 1968), entre foot américain, expériences de marin en guerre, découvertes universitaires (à la Columbia), plus divers petits métiers pour que Ma et Pa ne terminent pas dans la misère, entre déménagements et emménagements (avec sa première femme Johnnie), entre beuveries et initiation à la vie réelle, laborieuse.

Le piéton de Naples, Dominique Fernandez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Voyages, Philippe Rey

Le piéton de Naples, octobre 2021, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Philippe Rey

 

Pour son cent unième ouvrage, Fernandez, italianiste invétéré, spécialiste de Pavese, Pasolini, traducteur de l’italien, professeur, romancier, essayiste, a voulu donner de Naples, une vision multiforme et complexe. Cette ville, que nous connaissons surtout par les ouvrages érudits de Schifano, mérite, en effet, tous les détours.

Tout ici attire l’œil du voyageur, du touriste, du simple amateur : la baie, l’ordonnance de la ville, les églises nombreuses, les hauteurs, Spaccanapoli, l’histoire politique d’une ville souvent conquise par l’étranger et toutes les traces laissées des passages.

Sait-on que « la napolitude est quelque chose de si particulier, de si fragile, de si précieux, qu’elle se dissout, s’évapore au contact d’un milieu qui n’est pas le sien » ? Ainsi, « la spécificité napolitaine », chaque Napolitain l’a dans la peau, par son histoire, par ses coutumes, par sa langue. A l’étranger, il se sent perdu, oublié, ignoré.

Cette lumière dans cette obscurité, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Al Manar, Recensions, Poésie

Cette lumière dans cette obscurité, janvier 2022, 80 pages, 18 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Al Manar

 

Le poète Moses, de temps à autre, s’adonne à la prose. Cela nous a valu, il y a quelque temps, un remarquable roman, Monsieur Néant, tout empreint d’une lumière pragoise. Le voici avec un récit, où la lumière, dès le titre, est aussi importante que l’intrigue narrée. Elle est à la fois précepte esthétique, outil d’éclaircissement, référence artistique. L’œuvre naît-elle de la lumière ?

Ce récit commence à Düsseldorf. L’antihéros de ce récit, un metteur en scène de théâtre, est là pour y représenter une pièce, inspirée de Schubert. Mais rien ne va comme prévu. C’est une cuisante expérience, et compréhensible de son point de vue de dramaturge, puisqu’il a concentré toute son attention avec un mauvais éclairage. Il eût dû éviter de mettre en scène en utilisant les ressources d’un Mozart. Non, il fallait Schubert, uniquement lui. L’erreur le plonge dans « cette obscurité » où tous les talents un beau jour s’empêtrent : dans les remugles des contradictions et des doutes.