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Articles taggés avec: Compère-Demarcy Murielle

La Garde de Nuit (Réparer les soignants), Laurent Thinès (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 18 Mai 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Garde de Nuit (Réparer les soignants), Laurent Thinès, Z4 Editions, avril 2020, 85 pages, 14 €

 

La Garde de Nuit du neurochirurgien-poète Laurent Thinès déroule, dans une construction narrative aussi structurée et fonctionnelle que celle d’un château fort, le récit épique d’un monde hospitalier où les soignants dévident « leurs fuseaux de vie sur les métiers à retisser celle des autres ». Les traits descriptifs empruntés à la littérature médiévale et la construction orchestrée du récit (Prologue, 5 Actes, Épilogue mettant en scène topoï, action et personnages) font non seulement écho à des éléments et un traitement de la réalité analogues déjà rencontrés au fil des siècles (cf. la peste noire au 14e siècle, avec le recours à l’interprétation mythologique, l’oracle des interrogations convoqué quand l’Histoire ouvre une période dramatique comme celle de la propagation d’une épidémie…), mais aussi portent l’enjeu éthique : vital engagé dans une telle situation tragique et traumatisante : combattre jusqu’au sacerdoce, jusqu’au sacrifice, pour sauver des vies, ou baisser quelques peu les armes au profit d’une course à la rentabilité ?

Le jour du chien qui boite, Werner Lambersy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Henry

Le jour du chien qui boite, janvier 2020, 36 pages, 8 € . Ecrivain(s): Werner Lambersy Edition: Editions Henry

 

Ce nouvel opus de Werner Lambersy est un credo, un livre de prières adressé au monde dans le désir vivant de le voir s’accomplir à hauteur d’humanité, mû par l’amour (« L’amour est l’échelle de secours »), la fraternité, grandi par la beauté. Le constat du poète est lourd de déceptions et d’amers états des lieux mais s’il s’en remet à Celui qui pour certains créa le monde, c’est que l’espoir reste vivace :

« Seigneur puisque tu n’existes pas

Je me confie à toi »

Marginal, désœuvré, sans domicile fixe, après avoir « traversé, brisé ce jour du chien qui boite », l’homme qui s’exprime encore ici a entendu « que le monde n’a pas besoin de poète » et cependant affirme que la beauté a besoin qu’on la voie, « même si ce n’est que son ombre emportée ». Et ce recueil fait entendre l’écho de cette ombre emportée sous le feuillage du retrait qui fait silence pour mieux écouter et faire entendre le monde bruissant alentour qui ne cesse de veiller et de nous mettre en tension pour se sentir vivre.

Voyage en Aplostan, Robert Notenboom (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 24 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Z4 éditions

Voyage en Aplostan, Robert Notenboom, mai 2019, 170 pages, 16 € Edition: Z4 éditions

Que va faire le Président André François (alias Aloïs Dupont) en dehors de l’Hexagone et pourquoi se déguise-t-il en homme ordinaire pour prendre « le premier avion de ligne pour l’Aplostan ? ». Le lecteur est renseigné dès le premier chapitre, « Les échecs ayant succédé aux échecs, les intellectuels les plus renommés s’étant trompés comme jamais dans leurs conseils au Président André François, celui-ci eut une idée de génie : aller voir lui-même comment les choses se passaient dans un pays prospère bien que mal doté par le destin en richesses naturelles. Il confia les clés de l’Elysée au premier ministre, se déguisa en homme ordinaire – tâche difficile » et s’envola à bord de « l’aplos-Air-Lines » pour l’Aplostan. Le lecteur est ainsi propulsé d’entrée in media res, dans un scénario original ouvert à une multitude d’interrogations, curieux de savoir ce que l’intrigue va lui révéler ou lui suggérer comme réflexions peut-être entre ses lignes – « comme dans un monde intemporel qui favorise la réflexion ». Changer de pays pour un président changerait-il la donne pour le cours de son existence et de la nôtre ? L’originalité du scénario éclate dès le début du roman : l’exil auto-décrété d’un Président – hors de son pays vers un pays que nous ne connaissons pas –, muni de « faux papiers que ses services secrets avaient fournis à sa demande au Président ».

Poèmes du vide, Daniel Ziv (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 18 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Z4 éditions

Poèmes du vide, Daniel Ziv, 2017-2020, Préface Jean-Claude Pecker, ill. Jacques Cauda, 103 pages, 12 € Edition: Z4 éditions

 

Les Poèmes du vide de l’éditeur-poète Daniel Ziv nous rappellent que le présent est toujours là, à portée de regard, vivace loin de nos palabres irréalistes, du « passé / tissé d’araignées, d’illusions, / d’éphémère » palpable dans la pulpe et la rondeur des jours qu’il nous suffit d’habiter pleinement, possible dans la spontanéité créative plus tangible que la tangente prise par la temporisation de nos exploits à venir qui ne viendront tout compte fait jamais. « Vous êtes nombreux / à fonder vos espoirs : dans la fonderie du hasard », écrit le poète, ou encore : « La carte du ciel se moque bien de vos / espoirs ». Le couperet de ses mots ne joue pas la carte du tendre. Non pas qu’il se fasse ici le chantre du désespoir, mais le poète citoyen d’un monde se révèle plutôt le transmetteur d’une clairvoyance salutaire et roborative capable de rire sainement de nos excès stériles. Et même si « les rires sont aliénés » celui des rescapés plus ou moins revenus des sales coups de l’Histoire reste celui, triomphant, des inconsolés étoilés.

Les veines du réel, Jean-Yves Guigot (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 26 Février 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les veines du réel, Jean-Yves Guigot, éditions Littérales, 2015

Via cette ardente et rude traversée (ardoyante) dans Les veines du réel, à la recherche de la source en dépit du poids des pierres, le poète Jean-Yves Guigot nous offre par cet opus poétique (Prix Littérales en 2015) une plongée où s’expérimente la quête de l’unité. Quête du Vivre et du Verbe poursuivie malgré « la fatalité du néant », recherche opiniâtre du réel à même « l’ombre » le traversant, au risque encouru et fécond de rencontrer « en chemin le devenir du doute ». Cet opus s’énonce comme un tableau de George de La Tour peut pénétrer et refléter par le nouveau regard qu’il projette sur elle la réalité quotidienne en sa profondeur, jouant son approche du réel dans un jeu de lumière et d’ombres. Tableau en clair-obscur d’entrée, Les veines du réel nous introduit sur cet autre versant, du côté de la nuit, où êtres et choses dévoilent leur mystérieuse présence, révèlent leur plénitude, acquièrent une autre dimension, propageant une lumière réflexive, comme spirituelle, voire mystique.

 

« Je perçois une lampe et sa flamme m’endort,

comme s’éveille à soi-même qui s’éveille la nuit. »