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Recensions

Le Docteur Jivago, Boris Pasternak (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 08 Septembre 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Le Docteur Jivago, Boris Pasternak, Gallimard, mai 2023, trad. russe, Hélène Henry, 704 pages, 26 € Edition: Gallimard

 

Quelle belle et opportune incitation à relire (ou à lire) une œuvre figurant, à juste titre, au patrimoine universel de la littérature que cette réédition par Gallimard au prétexte justifié d’une nouvelle traduction ! Il serait sans doute fort intéressant, pour un universitaire, pour un fieffé lettré, pour un critique érudit, tous fins connaisseurs de l’œuvre et capables de lire le texte original, de comparer cette version française à celles qui l’ont précédée, en particulier et en priorité à la plus courante, celle parue, déjà, chez Gallimard en août 1958, non signée mais dont les quatre traducteurs qui en avaient assumé la charge sont identifiés.

L’objectif du présent article est infiniment plus modeste : il ne s’agit que de recenser dans notre magazine cette nouvelle édition, présentée dans son beau volume, afin de susciter ou de ressusciter chez tout lecteur de la rubrique l’envie de se laisser emmener, emporter, transporter :

- Dans un étonnant, étourdissant, passionnant voyage de sept cents pages au long, en large et au travers des immensités russes, dans la profonde intimité de leurs paysages changeant au fil des descriptions, savoureusement poétiques, de variations saisonnières continues ;

Le Livre de Liane, Agathe Lemaitre (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 06 Septembre 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le Livre de Liane, Agathe Lemaitre, éditions Harper Collins Traversée, mars 2023, 290 pages, 19 €

 

Liane rêvait de devenir écrivaine. Sa sœur Louise apprend son suicide alors qu’elle s’apprête à fêter son anniversaire. Louise opère alors une démarche à deux voix rendant vie aux évènements qui ont mené sa sœur au drame, les faits étant rendus compréhensibles, notamment, à partir d’archives policières, courriels et journal intime de la défunte. Harcelée à l’école, la tragédie se révèle au grand jour tandis que les tentatives d’interventions, gardées secrètes à ses proches, ne s’avèrent d’aucune aide. Les traces laissées révèlent la forte personnalité de la personne meurtrie :

« Laissez-moi vous dire que je comprends votre point de vue. Je peux entendre que vous trouviez que la situation est au point mort. C’est vrai, j’ai déchiré plusieurs options que vous auriez pensé bénéfiques. J’ai rejeté la possibilité d’hospitalisation, ne pensant pas que cela aurait pu m’aider. J’ai refusé les traitements médicamenteux, et ce même si je suis à ce jour incapable de justifier pourquoi. Je mets en doute l’idée de contacter mes parents, car je ne ressens pas l’envie de m’expliquer avec eux, j’ai juste besoin d’être protégée d’eux ».

Entre les jambes, Huriya (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 01 Septembre 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

Entre les jambes, Huriya, Editions Le nouvel Attila, avril 2021, 350 pages, 20 €

 

Ce roman puissamment provocateur, pour une bonne part autobiographique, écrit par l’écrivaine franco-marocaine Huriya, a pour thèmes la confrontation des cultures au sein d’un couple mixte et l’hypocrisie à laquelle peuvent être contraints les individus nés et évoluant au sein d’une société qui les soumet à des règles de vie morales et sociales omni oppressantes. Le personnage principal et narrateur à la première personne se raconte depuis le jour où sa mère, ayant décidé que la présence embarrassante, inconvenante à ses côtés, de cet enfant sans père, de ce « bâtard » non voulu, l’empêche de vivre pleinement sa vie de femme célibataire libérée, voire libertine, l’abandonne sans préavis chez ses propres parents, un couple mixte franco-marocain résidant à Marrakech.

Je crie en direction de ma mère :

« Maman, ne me laisse pas !

– Ne m’appelle pas maman. Je ne suis pas ta mère ».

Les deux Beune, Pierre Michon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 31 Août 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Verdier

Les deux Beune, Pierre Michon, éd. Verdier, Coll. Jaune, mars 2023, 160 pages, 18,50 € Edition: Verdier

 

Le livre qui paraît aujourd’hui comporte deux parties : celle éditée en 1996, La Grande Beune, celle qui complète La Petite Beune. Ruisseaux de la région des Eyzies, paradis des grottes préhistoriques.

On retrouve dans les deux, les mêmes personnages : trois femmes, Yvonne, Mado, Hélène ; trois hommes, Jeanjean, Jean le Pêcheur, le narrateur, Pierre. L’histoire, celle du désir, se niche dans une zone, où s’entrelacent les ruisseaux et les histoires d’hommes, éblouis par les femmes. Yvonne, belle buraliste, attise le regard du narrateur jusqu’à vouloir la posséder, mais Yvonne a son Jeanjean, qui l’accueille dans sa maison perdue dans les bois. Les deux parties du livre conjoignent activement le désir de Pierre, nouvel instituteur du village de Castelnau.

La découverte du village, de ses eaux, de ses grottes, de son café du commerce où se retrouvent les mâles du canton, les figures de femmes, la vieille Hélène, la sculpturale Yvonne, la jeune étudiante Mado, tout se tresse dans une attente qui active le désir, diffère l’accouplement, nourrit le plaisir du lecteur.

Au pipirite chantant, Jean Métellus (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 30 Août 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions Maurice Nadeau

Au pipirite chantant, Jean Métellus, Collection Poche Maurice Nadeau, septembre 2022, 190 pages, 9,90 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Publiée initialement en 1978 par Maurice Nadeau, cette œuvre essentielle du poète haïtien Jean Métellus vient d’être rééditée, avec une introduction de Claude Mouchard, dans l’élégante et toute nouvelle Collection de Poche que Gilles Nadeau et Laure de Lestrange ont récemment créée. Faite de textes de longueur très inégale, dont un poème d’un seul tenant sur pas moins de cinquante-cinq pages, l’œuvre chante récurremment, de manière obsédante, tout au long de diverses autres thématiques, l’éloge du « mot », du terme, du vocable, du lexème, à quoi le poète voue un culte incessamment réaffirmé. En écho à la voix primordiale du pipirite, cet oiseau de bon augure qui, premier à lancer son chant au bout de la nuit, annonce l’advenue de la lumière, l’auteur pare le mot, cet « attribut » originel qui fait foncièrement de l’homme un être humain, de toutes les qualités, de tous les statuts, de toutes les potentialités, et le voit à la source de toutes les fonctions existentielles, l’usage pouvant en être fait pour le meilleur comme pour le pire. Projeté à la face et à l’intérieur du monde par le poète, le mot, personnifié, incarné, devenu être vivant, ayant acquis sa propre autonomie, est, métonymiquement, ici, un actant social.