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Essais

Je selfie donc je suis, Elsa Godart

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 30 Septembre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Je selfie donc je suis, mai 2016, 209 pages, 16 € . Ecrivain(s): Elsa Godart Edition: Albin Michel

 

Faut-il s’inquiéter des selfies ? De ce moi jetable et de toutes ces émotions capturées dans des images standardisées ? Derrière le phénomène superficiel du selfie, se cache en réalité un changement radical de notre rapport au monde et aux autres. Elsa Godart tente de décoder dans ce livre ce que nous révèle l’ère des selfies, cette nouvelle communication facile et instantanée, qui nous rend immanents dans l’espace et le temps, mais qui peut appauvrir dangereusement notre capacité à communiquer de façon rationnelle et critique.

Dans le virtuel, l’espace et le temps sont enfermés dans nos téléphones, ce qui réduit notre monde à deux dimensions. Le lointain est devenu le proche, le tout à l’heure est devenu le maintenant et l’invisible est devenu le visible (avec Skype). Le temps virtuel ne connaît que l’immédiateté. Elsa Godart appelle ce phénomène le « hic et nunc ». Cette immédiateté, certes attractive, peut néanmoins sérieusement mettre à rude épreuve notre capacité à supporter la frustration et à s’ouvrir aux autres.

Entre les notes de Bach, Jean-Pierre Grivois

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 27 Septembre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Héloïse D'Ormesson

Entre les notes de Bach, juin 2016, 348 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Grivois Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Comment s’insinuer dans l’intimité d’un grand musicien ? En recréant son parcours, à partir de données biographiques et musicologiques, et en se mettant à la place de l’intéressé pour nous délivrer le récit, celui de sa vie. C’est ce que parvient à faire de façon fort plaisante Jean-Pierre Grivois dans son ouvrage Entre les notes de Bach. Le lecteur parvient très vite à déceler les grands traits de l’éducation de Jean-Sébastien, ses grandes orientations morales, et donc religieuses, car à l’époque, l’une ne peut difficilement être évoquée sans l’autre. Ainsi, de sa foi luthérienne : « Nous connaissions par cœur les textes des chorals de Luther et de ses disciples. Les mélodies sur lesquelles nous les chantions, répétées si souvent, m’envoûtaient ». Très vite, au cours de son parcours de musicien, le devoir de la défense et illustration de la foi va s’imposer comme une priorité permanente : « Certes, l’étude de Luther et la théologie m’intéressaient, mais surtout de leur relation à la musique, des correspondances entre la Bible, les écrits et la pensée religieuse de Luther ; les mélodies des chorals ».

Cette conviction lui permet, entre autres, d’être nommé maître de chapelle à Köthen en 1717, car le Prince énonce que la sauvegarde de la liberté de conscience lui est chère, ainsi qu’à tous ses sujets, ce qui séduit Bach…

Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, Pierre-François Souyri

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Septembre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Histoire

Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, mai 2016, 496 pages, 25 € . Ecrivain(s): Pierre-François Souyri Edition: Gallimard

 

 

Lire Pierre-François Souyri, c’est (re)lire l’Histoire du Japon avec un grand H. Dans son nouveau livre, Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, l’histoire récente montre au contraire que la modernité telle que nous la concevions n’était que l’un des aspects particuliers d’un phénomène mondial. L’histoire du Japon montre que la naissance au monde moderne ne fut pas simplement imposée de l’étranger, comme « revêtement superficiel, un ravalement extérieur, un barbouillage de façade », comme l’écrivit Shiga Shigetaka dans le manifeste de la nouvelle revue Nihonjin (1888). Mais vécue comme une construction à résister à une hégémonie culturelle, à une puissance militaire, grâce à un mouvement modernisateur issu des profondeurs de la société japonaise elle-même, accompagnant « la réforme des esprits » par différentes réformes administratives.

Sade et ses femmes, Correspondance et journal, Marie-Paule Farina (2ème critique)

, le Lundi, 19 Septembre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Editions François Bourin

Sade et ses femmes, Correspondance et journal, juin 2016, 298 pages, 24 € . Ecrivain(s): Marie-Paule Farina Edition: Editions François Bourin

Il y a toujours une différence entre l’homme et ses écrits, et cette différence est parfois énorme. C’est ce que dit à nouveau clairement la réunion, sous le titre de Sade et ses femmes, Correspondance et journal, de Marie-Paule Farina où on trouve aussi bien les lettres de Sade à ses relations féminines que les réponses que lui adressèrent ces dernières.

Avec Marie-Paule Farina lorsque l’on quitte les écrits « canoniques » et littéraires du marquis de Sade pour entrer dans sa correspondance et son journal – enfin pour le peu qui nous en reste –, on entre vraiment dans un autre monde, celui de l’intime, découvrant l’homme qui est derrière ses écrits, l’homme véritable qui se cache derrière l’écrivain toujours hautement scandaleux.

Nombre de publications, aussi bien de la correspondance de Sade que de son journal ont déjà été effectuées. Citons notamment pour les éditions les plus récentes les Lettres inédites et documents rassemblés par Jean-Louis Debauve en 1991 (Ramsay/Pauvert), les 50 lettres du marquis de Sade à sa femme présentées par Cécile Guibert en 2009 (livre d’art Flammarion). Mais c’est peut-être la Correspondance du marquis de Sade et de ses proches (Slatkine, 1991) qui se rapproche le plus du présent ouvrage.

Ponce Pilate, Roger Caillois

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 16 Septembre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Histoire

Ponce Pilate, Roger Caillois, novembre 2015, 128 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Roger Caillois Edition: Gallimard

 

Roger Caillois (1913-1978) fut surréaliste, puis, une vingtaine d’années plus tard, membre de l’OuLiPo, à l’image d’un certain Raymond Queneau, par exemple. Il fut aussi éditeur de littérature sud-américaine, de retour d’exil en 1945, et permit à ce titre au public francophone de se frotter à l’œuvre protéiforme et réjouissante pour l’esprit d’un Jorge Luis Borges. Avec pareil curriculum vitae, nul ne s’étonnera qu’il ait écrit lui-même des œuvres joueues, au premier rang desquelles le présent récit, Ponce Pilate (1961), dont la dimension ludique vient de ce qu’il appartient à un genre qui, pour sérieux et sérieusement traité qu’il soit, n’en relève pas moins d’un enfantin « et si… » ludique : l’uchronie. Calqué sur le mot « utopie », ce mot désigne des récits où l’on rejoue l’Histoire, où on la réécrit à partir d’un point nodal. Ainsi parmi les plus célèbres, on en compte deux au moins imaginant l’Histoire si l’Allemagne nazie, et l’Axe en général, l’avait emporté : Le Maître du Haut Château, de Philip K. Dick, et Fatherland, de Robert Harris ; Norman Spinrad, pour sa part, imagine un Hitler émigré vers les Etats-Unis et devenu auteur de science-fiction aux thématiques douteuses, dans Rêve de Fer.