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Essais

Les poétiques de l’épopée en France au XVIIe siècle, textes choisis, présentés et annotés par Giorgetto Giorgi

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 21 Octobre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Editions Honoré Champion

Les poétiques de l’épopée en France au XVIIe siècle, textes choisis, août 2016, 578 pages, 95 € . Ecrivain(s): Giorgetto Giorgi Edition: Editions Honoré Champion

L’épopée, les doctes français de la Renaissance ont voulu, du fait de leur goût profond pour l’antiquité classique, la voir revivre et l’ont placée, à la suite des théoriciens italiens, au sommet de la hiérarchie des genres. Et si ce genre a connu un « épanouissement considérable » durant le Grand Siècle, c’est également du fait de la profonde influence qu’a exercée le Tasse, lequel a « codifié le poème héroïque chrétien et illustré cette codification dans la Jérusalem libérée, dont la fortune a été remarquable, du moins jusqu’à L’Art poétique de Boileau » (qui contient une sévère condamnation de la poésie chrétienne). En s’inspirant de la Jérusalem libérée, bien des théoriciens et/ou poètes ont donné une interprétation allégorique du récit épique, le but de l’épopée, selon la quasi-totalité des poétologues du Grand Siècle, étant « d’instruire et d’édifier ».

Ainsi, il faut signaler que la riche production, en France, durant le dix-septième siècle, de poèmes héroïques (très majoritairement écrits en alexandrins à rimes plates) a été accompagnée d’une « importante réflexion poétologique sur ce genre narratif (élaborée soit par les auteurs des poèmes, soit par des théoriciens de la littérature, dont certains ont écrit en latin), sans conteste incomparablement plus vaste que celle qui a été conduite, à la même époque, dans les autres pays européens ».

La beauté du monde La littérature et les arts, Jean Starobinski

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 20 Octobre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Gallimard

La beauté du monde La littérature et les arts, coll. Quarto, juin 2016, 1344 pages, 30 € . Ecrivain(s): Jean Starobinski Edition: Gallimard

 

« Un parcours inachevable, à travers une série indéfinie de circuits, appelant le regard critique dans une histoire qui est à la fois la sienne propre et celle de son objet : c’est là sans doute l’image de cette activité sans terme où s’engage la volonté de comprendre (…) Comprendre, c’est reconnaître que toutes les significations demeurent en suspens tant que l’on n’a pas achevé de se comprendre soi-même ».

Pour Martin Rueff (à qui nous devons cette édition parue en Quarto aux éditions Gallimard), Jean Starobinski est l’un des plus grands critiques du 20e siècle, son rapport aux Lumières n’est pas qu’un rapport d’objet. Le critique est homme des Lumières, en partageant son regard, avec la permanence dévoilée, car il fut l’un des premiers à lier l’exposition de soi à la doctrine rousseauiste de la vérité – une société du masque, une insurrection vitale où « le paraître et le mal ne font qu’un ». Starobinski exprime une « vérité absente » par le langage, tout à la fois espace d’une mise en forme de soi, mais aussi dans sa dissimulation, dans sa révélation, dans son dévoilement exprimé ; sans autre appui que l’œuvre elle-même. Ce que doit être l’objet même de la critique c’est de permettre de définir un parcours pour l’offrir à la méditation, la nôtre !

Thomas Bernhard Une vie sans femmes, Pierre de Bonneville

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

Thomas Bernhard Une vie sans femmes, L’Editeur, septembre 2016, 222 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pierre de Bonneville

 

Pierre de Bonneville met en lumière un Thomas Bernhard auto-suffisant, jamais auto-satisfait : « Un homme (le personnage de Reger), à l’image de Thomas Bernhard, profondément dépendant, profondément seul » (p.50).

Ce rejeté de tout, de l’amour (par les siens et les proches), de la vie (par la maladie) rejette à son tour, dans un mouvement à la fois suicidaire et conservatoire. La pensée est « le lieu géométrique qui définit le lieu de fuite qui permet aux hommes de se soustraire à la pression des autres hommes et du monde extérieur, mais elle devient en même temps la geôle où l’homme qui s’est libéré est destiné à suffoquer lentement (Gargani, la phrase infinie de Thomas Bernhard) » (p.72). Ce phénomène étrange se traduit dans son écriture, et sa pensée, par un phénomène de con-vocation et de pro-vocation, les phrases tournent en rond, se lovant dans une sorte d’incantation, avec répétition d’un mot, d’un passage, une extinction du sentiment, de la sensation, dans la phrase, immunisant contre soi, contre les autres : « Il (Thomas Bernhard) pouvait sortir vainqueur de ses traumatismes, de ses manques affectifs, il apprenait “le funambulisme sur les choses humaines”. Son intelligence sera son moyen d’existence, de survie, son moyen de défense » (p.39).

Liberté inconditionnelle, Francis Métivier

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Liberté inconditionnelle, Pygmalion, avril 2016, 254 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Francis Métivier

 

Francis Métivier, par son titre Liberté inconditionnelle qui détonne, fait un pied de nez à la tendance actuelle qui consiste à proposer des livres « mode d’emploi » pour accéder au bonheur ou à la joie. Point étonnant pour ce philosophe rock‘n’roll (auteur de Rock’n philo) de ne pas souscrire à toute cette mollesse monotone autour du bonheur. Il dénonce d’ailleurs cet éloge de la joie qui a tendance à déformer la théorie de Spinoza et le brandir comme le philosophe phare de la joie… Alors qu’en réalité, la joie spinoziste tend vers Dieu.

Aujourd’hui, tout est centré sur cette quête du bonheur. Même au travail, on crée des métiers exotiques de « chief happiness officer » pour valoriser le bien-être en entreprise. On mesure même le bonheur intérieur brut des pays… Mais on se préoccupe de moins en moins de notre degré de liberté. « Le bonheur est au fond un concept très contemporain. L’homme dans l’histoire de la pensée, s’est interrogé sur le soulagement, l’ataraxie, l’absence de douleur ». Or, de nos jours, la philosophie, pour se faire aimer, s’est transformée en marchande du bonheur. « Le bonheur est devenu une grande surface commerciale où poussent les rayons joie, bien-être, connaissance de soi ou beauté ».

La mosaïque de l’islam. Entretien sur le Coran et le djihadisme avec Perry Anderson, Suleiman Mourad

Ecrit par Zoe Tisset , le Lundi, 03 Octobre 2016. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fayard

La mosaïque de l’islam Entretien sur le Coran et le djihadisme avec Perry Anderson, août 2016, trad. anglais Matthieu Forlodou, 179 pages, 18 € . Ecrivain(s): Suleiman Mourad Edition: Fayard

 

Ce livre qui se présente sous forme de dialogue entre Suleiman Mourad, professeur de religions, et Perry Anderson, professeur d’histoire et de sociologie, est une mine pour mieux comprendre l’islam et tous les événements autour des musulmans. Comme le présente la préface « Ici, en effet – et cela est exceptionnel – la séparation entre des formes diverses (historique et actuelle, philologique et sociale) d’intelligence de l’islam du proche orient et de l’Afrique du Nord, entre des travaux traitant du passé et du présent s’efface en un seul ensemble cohérent de réflexions ». Suleiman Mourad commence par étudier la composition du Coran et ses liens avec les formes juive et chrétienne du monothéisme, ainsi remarque-t-il : « Sous cet angle, le Coran s’aligne sur la pensée chrétienne qui soutient que les juifs ont désobéi à Dieu tellement de fois que Dieu décida à la fin d’ouvrir l’Alliance à tous : le Coran rejoint là la théologie paulinienne ».